L'armée suisse doit avoir rapidement plus de moyens à disposition. Le Conseil des Etats a soutenu lundi une hausse du plafond de dépenses de 4 milliards de francs pour 2025-2028, à 29,8 milliards, contre l'avis du Conseil fédéral et de la gauche. La coopération au développement pourrait en faire les frais.
Le Conseil fédéral proposait dans son message sur l'armée 2024 un plafond des dépenses militaires de 25,8 milliards pour la période 2025 à 2028. Au vu de la situation sécuritaire en Europe, le renforcement des capacités de défense de notre pays doit être réalisé rapidement, a dit pour la commission Andrea Gmür-Schönenberger (Centre/LU). Il faut se préparer au scénario du pire, comme le recommandent les services de renseignements un peu partout.
1% du PIB
Le but est d'arriver à 1% du PIB de la Suisse d'ici 2030, ont répété plusieurs oratrices et orateurs. L'armée ne peut pas défendre le pays si on attend 2035 comme le demande le Conseil fédéral, a critiqué Werner Salzmann (UDC/BE). «Tous les pays autour de nous augmentent leurs dépenses militaires, l'OTAN recommande même 2% du PIB.»
Le Conseil fédéral n'en voulait pas, au vu de l'état des finances fédérales. Il faut attendre 2035, a répété la ministre de la défense Viola Amherd. «Nous devons respecter le frein aux dépenses.»
Les Chambres avaient refusé, lors de l'examen du budget 2024 l'an dernier, d'augmenter les montants figurant dans le plan financier 2025-2027. Les sénateurs souhaitaient déjà que les dépenses militaires augmentent plus vite. Mais le National avait refusé de justesse.
Couper dans la coopération
La gauche a aussi tenté de s'y opposer. «Nous ne savons pas encore comment nous allons compenser ailleurs ces montants: l'agriculture, le trafic régional, la coopération internationale?», a lancé Mathias Zopfi (Vert-e-s/GL). Au vote, elle a échoué par 27 voix contre 17.
Et le PLR avait dans son viseur la coopération internationale. Une proposition de dernière minute de Benjamin Mühlemann (PLR/GL) a demandé de compenser, sur les 4 milliards supplémentaires, à hauteur de 50% dans la coopération au développement, 35% dans les charges du personnel du Département de la défense (DDPS), et 15% dans les charges du Groupement défense et d'armasuisse.
«Une sorte de compromis», a avancé le Glaronnais, au grand dam de la gauche. L'armée a vu ses dépenses se réduire ces dernières années, la coopération internationale au contraire a gonflé ses budgets.
«Indécent»
Les enjeux ne concernent pas que la sécurité, a déploré Carlo Sommaruga (PS/GE). On risque de porter atteinte à la politique extérieure de la Suisse et à son image. Une telle réduction de l'aide au développement, de 2 milliards de francs, serait indécente aussi pour les populations du Sud concernées.
Il faut d'abord une discussion sérieuse de politique financière, avant de prendre de telles décisions, a aussi plaidé la centriste fribourgeoise Isabelle Chassot. Le Conseil fédéral s'y est opposé aussi, mais ne s'est pas exprimé sur le détail de la proposition. Au vote, le PLR, l'UDC et une moitié des voix centristes ont emporté la mise par 24 voix contre 18 et 3 abstentions.
Contre les drones
Le Conseil des Etats a aussi ajouté lors des débats un crédit d'engagement de 660 millions en 2024 pour acquérir des moyens de défense sol-air de moyenne portée. Il faut combler rapidement une lacune, a expliqué pour la commission Andrea Gmür-Schönenberger (Centre/LU).
Cette acquisition est pour l'instant prévue pour 2025. Mais dans le domaine de la défense contre les drones armés, par exemple, la Suisse est en retard. La Confédération doit pouvoir passer rapidement commande, afin de s'assurer une bonne place sur les listes d'attente, selon la Lucernoise.
Cette commande pourra être faite lorsque les moyens seront disponibles, actuellement ce n'est pas le cas, a plaidé la ministre de la défense Viola Amherd. En vain, à nouveau.
Les autres crédits d'engagement pour 2024 n'ont pas été disputés: 3,52 milliards sont prévus pour l'acquisition de matériel, de munitions et des études de projets, 490 millions sont destinés à de l'armement, et 886 millions au programme immobilier du DDPS, soit un total de quelque 4,9 milliards. Le dossier passe au Conseil national.