Le Conseil fédéral veut faire sauter l'interdiction de construire des centrales
Les 5 raisons derrière le virage nucléaire d'Albert Rösti

Le Conseil fédéral ébranle l'interdiction de construire de nouvelles centrales nucléaires décidée en 2017. Mercredi, il a annoncé l'élaboration d'un projet en ce sens. Il réagit ainsi aux exigences de l'initiative populaire «Halte au black-out».
Publié: 28.08.2024 à 18:04 heures
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Le ministre de l'énergie Albert Rösti souhaite à nouveau autoriser la construction de centrales nucléaires. Trouvera-t-il ainsi une majorité au Conseil national?
Photo: keystone-sda.ch
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Sophie Reinhardt, Tobias Ochsenbein et Ruedi Studer

Il y a sept ans, la Suisse a pris une décision historique en interdisant la construction de nouvelles centrales nucléaires! En 2017, le peuple avait voté pour sortir du nucléaire. Aujourd'hui, les anciennes centrales continuent de fonctionner, tant qu'elles restent sûres. Mais en février, un comité conservateur a lancé l'initiative «Blackout». Elle exige que l'approvisionnement en électricité soit garanti à tout moment et que l'électricité soit produite dans le respect de l'environnement et du climat. A cet égard, «tous les modes de production d'électricité respectueux du climat doivent être autorisés». Y compris l'énergie nucléaire.

Mercredi dernier, le Conseil fédéral a annoncé à son tour son intention de remettre en question l'interdiction de construire de nouvelles centrales nucléaires. Il envisage de proposer une contre-proposition indirecte, qui pourrait lever cette interdiction. Cette décision est une réponse à l'initiative «Blackout», que le Conseil fédéral rejette, estimant qu'une approche plus flexible serait mieux adaptée aux défis futurs.

«Un changement fondamental a eu lieu»

Dans sa «décision d'orientation» de mercredi, le Conseil fédéral est clair: l'interdiction de construire n'est plus adaptée à l'époque actuelle. «Un changement fondamental s'est produit depuis que la population a décidé d'abandonner l'énergie nucléaire», a expliqué le ministre en charge de l'énergie Albert Rösti à Berne. Il pointe 5 raisons qui ont poussé le Conseil fédéral à prendre cette décision: 

  1. A l'époque, il n'était pas encore question de sortir complètement des énergies fossiles.
  2. On partait également du principe que l'électricité manquante en hiver pourrait être couverte par des centrales à gaz, ce qui n'est plus guère possible aujourd'hui en raison de l'objectif zéro net, souligne Albert Rösti.
  3. De plus, la situation géopolitique en Europe s'est aggravée, rendant l'approvisionnement en électricité plus incertain en hiver.
  4. La croissance démographique a été plus rapide que prévu
  5. La construction d'installations d'énergie renouvelable s'est avérée plus lente et plus coûteuse qu'initialement prévu en raison d'oppositions.

«La Suisse a besoin de toutes les sources d'énergie»

Le Conseil fédéral prévoit de présenter une contre-proposition à l'initiative d'ici la fin de l'année, sous forme de modifications législatives, sans nécessiter de changement constitutionnel. Certes, Albert Rösti a souligné que le peuple avait récemment exprimé son soutien à l'expansion des énergies solaires, éoliennes, biogaz et hydroélectriques en approuvant la nouvelle loi sur l'énergie.

Il estime toutefois qu'il est «insensé» d'opposer les différentes sources d'énergie les unes aux autres. «La Suisse a besoin de toutes les sources d'énergie pour produire suffisamment d'énergie», a affirmé le conseiller fédéral de l'Union démocratique du centre (UDC). Le DETEC doit élaborer les modifications de la loi sur l'énergie nucléaire d'ici fin 2024, après quoi elles seront mises en consultation.

L'UDC et le PLR veulent mettre l'interdiction à terre

Le plan Rösti suscite d'ores et déjà de vives réactions. Le PS, les Vert-e-s et les Vert'libéraux s'opposent à la levée de l'interdiction de construire de nouvelles centrales. «Cette décision de subventionner le nucléaire va complètement à l'encontre de la volonté populaire concernant la politique énergétique et climatique de la Suisse», s'insurge le conseiller national PS Roger Nordmann.

L'UDC et le PLR, en revanche, veulent voir cette interdiction disparaître. «Les besoins en électricité augmentent plus fortement que prévu», affirme le conseiller national UDC Christian Imark. «Sans la levée de l'interdiction technologique, nous ne réussirons pas la décarbonisation». Le PLR et l'UDC obtiennent 95 voix sur 200 au Conseil national. Le camp gauche-vert est à 74.

Le Centre décisif

Les 31 voix du groupe parlementaire du Centre seront donc décisives. Son ancienne conseillère fédérale Doris Leuthard a mis en route la sortie du nucléaire avec sa Stratégie énergétique 2050. Jusqu'à présent, les interventions des rangs de l'UDC et du PLR contre l'interdiction des centrales nucléaires ont échoué assez nettement.

Pourtant, les amis du nucléaire sentent le vent tourner. Ils espèrent qu'un contre-projet habilement formulé pourrait faire bouger les choses. Le Centre devrait majoritairement s'en tenir au cap actuel – mais justement, il y a aussi des politiciens du Centre qui montrent de la sympathie pour un contre-projet. «Je ne rejetterai certainement pas un contre-projet», a récemment déclaré à Blick le conseiller national du Centre Thomas Rechsteiner. Les conseillers aux Etats Peter Hegglin et Fabio Regazzi se positionnent eux aussi ouvertement contre l'interdiction des nouvelles constructions.

Il y a toutefois aussi une poignée de dissidents au sein du PLR qui ne veulent pas de nouvelles centrales nucléaires. Pour Albert Rösti, la barre reste donc haute.

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