Le Conseil fédéral partagé
Le service militaire obligatoire pour les femmes revient sur la table à Berne

Le Département de la défense veut miser davantage sur les femmes. La conseillère fédérale Viola Amherd réaffirme donc son projet de journée d'information obligatoire. Elle veut ainsi éviter que les employeurs et l'entourage ne dissuadent les jeunes femmes de s'engager.
Publié: 24.05.2023 à 06:08 heures
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Dernière mise à jour: 24.05.2023 à 06:31 heures
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Le chef de l'armée, Thomas Süssli, et la ministre de la Défense, Viola Amherd, veulent augmenter sensiblement la proportion de femmes dans l'armée.
Photo: keystone-sda.ch

L'armée helvétique se plaint depuis des années qu'elle manque de soldats, car de moins en moins de Suisses effectuent leur service. «À la fin de la décennie, il nous manquera environ un quart des effectifs», a déclaré le chef de l'armée Thomas Süssli dans une interview accordée à Blick. Soit environ 30'000 soldats.

C'est pourquoi le Conseil fédéral planche depuis longtemps sur une nouvelle obligation de servir. Deux variantes sont encore en discussion: l'une consisterait à fusionner le service civil et la protection civile, l'autre à étendre l'obligation de servir aux femmes. Des plans concrets devraient être disponibles d'ici à 2024.

«Il sera alors clair que les femmes y vont aussi»

Quelle que soit l'option retenue, la ministre de la Défense, Viola Amherd, veut en tout cas imposer aux femmes une journée d'orientation obligatoire. La conseillère fédérale du Centre l'avait déjà annoncé l'automne dernier devant le Conseil des États. Elle vient de le réaffirmer dans l'émission «Eco Talk» de la SRF. Aujourd'hui, la journée d'information n'est obligatoire que pour les hommes.

Les jeunes femmes qui s'intéressent à l'armée sont presque réticentes à se libérer pour un événement bénévole, explique la ministre de la Défense pour justifier l'implantation d'une telle journée obligatoire. Certes, certains employeurs réagissent positivement et soutiennent cette démarche, mais il ne s'agit pas de la majorité. Pour la plupart de ces femmes, leur environnement leur dit: «Tu n'y es pas obligée, alors ne fais pas ça!»

«En revanche, si c'est obligatoire, il est clair que les femmes iront aussi», explique Viola Amherd. Elles verraient ainsi les possibilités intéressantes qu'offre l'armée, avance la ministre.

À mille lieues des objectifs fixés

Depuis son entrée en fonction, la conseillère fédérale du Centre a fait de la promotion du service des femmes son cheval de bataille. Le chef de l'armée, Thomas Süssli, avait même annoncé l'objectif d'atteindre une proportion de 10% de femmes d'ici à 2030. Mais on en est encore très loin: cette proportion a certes augmenté depuis 2019, mais de 0,7 à 1,4% seulement.

Une telle obligation pour les femmes est en discussion depuis longtemps. Le conseiller fédéral UDC Guy Parmelin l'avait déjà proposé en 2016, alors qu'il était ministre de la Défense, et avait déjà fait face à des réactions tranchées. Les directeurs cantonaux des affaires militaires s'y étaient opposés, car l'obligation nécessitait une modification de la Constitution fédérale. Viola Amherd admet que sa nouvelle tentative ne peut donc pas être mise en œuvre du jour au lendemain.

Vivement contesté au Parlement

Au Parlement, les réactions aux projets du Département fédéral de la Défense (DDPS) sont contrastés. L'élue libérale-radicale Maja Riniker se dit favorable à une obligation générale de servir, comme elle l'a expliqué à Blick. C'est plus nuancé du côté de la conseillère nationale du Centre Ida Glanzmann: «Les femmes ne doivent pas pour autant s'engager dans l'armée. Pour elles, l'armée doit rester volontaire.»

La gauche du Conseil reste très critique. Les femmes peuvent déjà s'engager dans l'armée si elles le souhaitent, souligne la conseillère nationale des Verts Marionna Schlatter: «On peut se demander pourquoi presque aucune ne le fait.» Selon elle, le DDPS veut simplement rendre l'armée plus attractive pour les femmes, sans grand succès. «Comme cela ne fonctionne apparemment pas, les femmes doivent maintenant y être contraintes», grimace la socialiste Franziska Roth.

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