Est-ce déjà le début de la troisième vague ? En une semaine, le nombre quotidien de cas a plus que doublé; mardi, l'Office fédéral de la santé publique (OFSP) comptait 274 nouvelles infections en Suisse. Et tandis que la courbe des infections remonte, celle des vaccinations s'aplatit. Martin Ackermann, président de la task force scientifique de la Confédération, prévient que le pays n'est pas encore tiré d'affaire.
En effet, une troisième vague serait lourde de conséquence en dépit des 3,3 millions de personnes déjà entièrement vaccinées. Selon Martin Ackermann, un million des 1,2 millions de personnes âgées de plus de 70 ans ont développé des anticorps. Cela laisse 200'000 personnes à risque qui ne sont pas encore protégées, tandis que le variant Delta est déjà responsable d'un cas sur trois.
La Suisse est encore loin du taux de vaccination de 85% préconisé par l'Institut allemand Robert Koch pour maîtriser la variante Delta.
La troisième vague sera «celle de l'égoïsme et de l'ignorance»
Selon l'OFSP, la volonté de se faire vacciner reste élevée, mais de nombreuses personnes auraient repoussé leur rendez-vous après les vacances d'été, alors qu'il serait important qu'un maximum de personnes se vaccinent le plus vite possible. Il faut compter environ six à huit semaines entre la première dose et le moment où la deuxième dose assure une protection complète, comme l'a également rappelé le conseiller national PLR Philippe Nantermod dans sa chronique hebdomadaire dans «Le Temps».
«En public, la pudeur qu’impose la liberté de se vacciner interdit de l’exprimer clairement: les réfractaires aux vaccins nous précipiteront dans la prochaine vague. Ils auront sur la conscience des morts et peut-être, en fin de compte, un nouvel arrêt d’urgence de l’économie», dit sans ambage le politicien.
Philippe Nantermod est rejoint dans son intransigeance envers les non-vaccinés («la troisième vague sera celle de l’égoïsme et de l’ignorance», écrit-il en chapeau) par l'économiste comportemental Gerhard Fehr, qui déclarait hier à Blick que la seule manière d'atteindre le taux de vaccination désiré était de discriminer systématiquement les réfractaires.
Dans notre interview, Gerhard Fehr arguait que les non-vaccinés ne devaient pas avoir le droit de se rendre au restaurant ou à un concert. Ses déclarations ont provoqué un tollé. Pourtant, les personnes vaccinées sont déjà discriminées dans une certaine mesure, même si l'OFSP et le Conseil fédéral préfèrent ne pas le formuler ainsi: les personnes non-vaccinées doivent déjà se faire tester si elles veulent se rendre en boîte de nuit, prendre l'avion ou assister à un grand évènement.
«Aucune raison de s'y soustraire»
Et ces restrictions imposées aux non-vaccinés ont sans doute encore de beaux jours devant elles, puisque la pression monte et que la sphère politique veut à tout prix éviter un nouveau confinement. Le conseiller national du Centre Lorenz Hess plaide même pour des règles d'accès plus strictes avec le certificat Covid. S'il n'est pour lui pas question de restreindre l'accès de bâtiments publics, il faudrait étendre l'utilisation du certificat dans la sphère privée. «La Suisse ne peut se permettre une troisième vague. A moins d'avoir des justifications médicales, il n'y a aucune bonne raison de se soustraire au vaccin!»
Le conseiller aux États Andrea Caroni (PLR) est du même avis. Il souhaiterait, évidemment, pouvoir se passer de restrictions. «Mais si le système de santé atteint à nouveau ses limites, les restrictions qui seront imposées ne devraient pas prétériter ceux qui ont été vaccinés ou qui sont guéris», dit l'Appenzellois. «Ils ne comprendraient pas, et à juste titre, pourquoi leurs libertés devraient continuer à être restreintes».
Gutjahr craint la vaccination obligatoire
La conseillère nationale UDC Diana Gutjahr, en revanche, se dit «choquée» par l'idée d'une discrimination systématique des personnes non-vaccinées. La décision de se faire vacciner doit rester personnelle. «Une personne non-vaccinée assume les conséquences d'un déroulement potentiellement plus grave de la maladie», déclare Gutjahr. Pour la conseillère nationale socialiste Yvonne Feri, il s'agirait d'une «contrainte indirecte à la vaccination», tandis que sa collègue de parti Flavia Wasserfallen avertit que cette mesure pourrait même être contre-productive.
Le gouvernement pourrait accentuer la pression sur les personnes non-vaccinées
La planification à moyen terme du Conseil fédéral semble néanmoins aller dans le sens de restrictions plus strictes pour les personnes non-vaccinées si la situation venait à empirer. Les petites manifestations ou les restaurants ne sont pas pour l'instant obligés de réclamer un certificat Covid à l'entrée. Mais si les chiffres devaient augmenter en flèche, cette mesure pour l'instant volontaire pourrait devenir obligatoire. Virginie Masserey, de l'OFSP, précise toutefois que ce genre de mesures ne sera prise que si les hôpitaux sont menacés de surcharge, d'autant plus que ces restrictions n'auront que peu d'effet incitatif sur les non-vaccinés.