Le Conseil fédéral déclare la guerre à l'inceste
«Les enfants ne veulent accabler personne, ils ont honte»

Plus de 100 parlementaires veulent lutter contre l'inceste. En Suisse, le sujet est encore tabou et le nombre de cas d'inceste non déclarés est probablement élevé. Le Conseil fédéral veut désormais proposer des solutions.
Publié: 17.05.2024 à 10:20 heures
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Dernière mise à jour: 17.05.2024 à 10:22 heures
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Les abus ont souvent lieu au sein même de la famille.
Photo: imago/photothek
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Céline Zahno

Elle pensait que cela faisait partie d'une relation père-fille normale. L'ex-Miss Suisse Sarah Briguet a subi l'inceste dans son enfance. Il y a trois ans, elle révélait alors à Blick qu'elle avait été abusée par son propre père. Des années plus tard, les scènes continuent de tourner en boucle dans sa tête.

Les abus ont souvent lieu à la maison: les pères, les mères ou les frères et sœurs deviennent les bourreaux. Entre 2010 et 2020, six cas d'inceste ont été condamnés en moyenne chaque année en Suisse. Mais le nombre réel de cas est sans doute bien plus élevé.

Les enfants n'en parlent pas pour différentes raisons

Souvent, les enfants ne parlent pas des abus qu'ils ont vécus. Plusieurs raisons expliquent leur silence, explique Mischa Oesch, psychologue responsable du groupe de protection des enfants à l'hôpital de Berne. La plupart du temps, les enfants plus jeunes ne réalisent pas qu'il s'agit d'abus. Pour les plus grands, les choses sont différentes: «Les enfants plus âgés ne veulent accabler personne, ils ont honte, craignent que personne ne les croie. Ils ont été soumis à une pression émotionnelle ou ne veulent pas perdre l'agresseur comme personne de référence.»

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«Les enfants ont été soumis à une pression émotionnelle ou ne veulent pas perdre l'agresseur comme personne de référence»
Mischa Oesch, psychologue
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Il est encore plus difficile de dénoncer un membre de la famille et de témoigner contre lui devant le tribunal en cas de procès, explique Tamara Parham de l'Association suisse pour la protection de l'enfant. Des familles entières se retrouvent brisées par ce fléau.

Pas de chiffres officiels, mais le Conseil fédéral veut y remédier

Il n'existe pas de chiffres officiels sur l'inceste. Seuls les rapports sexuels avec pénétration sont juridiquement classés comme de tels abus. Une enquête de l'Association Suisse pour la Protection de l'Enfant révèle toutefois des chiffres alarmants. En 2021, 5545 consultations ont été recensées auprès des services suisses d'aide aux victimes concernant des actes sexuels avec des enfants. Dans près de la moitié de ces cas, l'auteur de l'acte était issu de la famille ou des proches.

Le Conseil fédéral veut désormais se pencher sur le sujet et réaliser une étude nationale complète sur ce phénomène dramatique. Le rapport devrait montrer comment prévenir l'inceste et comment mieux soutenir les victimes. «Il est de notre devoir de législateur de prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les plus faibles de notre société», écrit le conseiller national des Vert-e-s Christoph Clivaz dans une intervention.

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