Le black-out sème la panique
«On nous vole une caisse de bois sur quatre!»

Par peur d'un éventuel black-out de l'électricité cet hiver, les propriétaires de cheminées accumulent le bois. Deux producteurs racontent à quel point la demande a explosé... tout comme les vols!
Publié: 19.09.2022 à 06:25 heures
|
Dernière mise à jour: 19.09.2022 à 06:58 heures
«Nous avons livré 17 stères à un seul client!», s'étonne l'Argovien.
Photo: Siggi Bucher
Beat Michel

Vous voulez acheter du bois directement chez un paysan? Raté. «En ce moment, nous ne livrons qu'à nos clients les plus fidèles», est-il écrit sur le site internet de cet agriculteur. Impossible d'ailleurs de le joindre par téléphone, et ce depuis des semaines!

La forte demande a pris de court la plupart des propriétaires forestiers et des marchands de bois. Impossible, en effet, de réagir à court terme: ce qui est mis en vente maintenant a été stocké pendant au moins deux ans.

Certains essaient néanmoins de court-circuiter le stockage. C'est le cas de Samuel Bischofberger. Cet Argovien de 29 ans mise sur le séchage express grâce à des chaleurs résiduelles industrielles et produit des montagnes de bûches.

Le jeune entrepreneur fait tout lui-même, de À à Z. C'est lui qui, en bout de chaîne, va livrer les palettes de bois avec son camion. Si l'habitant de Stetten (AG) se frotte les mains avec son carnet de commandes bien rempli, il s'étonne du comportement de certains de ses clients. «Hier, quelqu'un m'a commandé 100 paquets de 15 kg. J'ai déchargé 17 stères dans le jardin d'un autre client. Oui, 17! Je ne comprends pas ces gens: ils ne pourront jamais brûler tout ça! En plus, si on le laisse ainsi, le bois se détériore...»

Samuel Bischofberger a du bois et du travail plein les bras.
Photo: Siggi Bucher

25% de vols!

Mais ce n'est pas ce qui choque le plus Samuel Bischofberger. L'Argovien est scandalisé par l'ampleur des vols depuis quelques semaines. «En ce moment, au self service, une caisse sur quatre est emportée sans être payées!» Et le jeune homme de 29 ans est piégé: il ne peut pas mettre en place une surveillance. «Tous mes employés triment sans relâche pour produire du bois. Même mes parents m'aident!»

Sur les lieux de son entreprise, 30'000 cartons de 15 kilos sont actuellement prêts pour être livrés à Migros. Et la production continue de tourner à plein régime. Dans le hall adjacent, une énorme machine de tri sépare les bûches de la poussière et de la saleté. Sur le parvis, une énorme fendeuse. Samuel Bischofberger a pris un an pour la construire avec l'aide d'un ami. Elle lui permet de transformer en un clin d'œil d'énormes troncs en bûches. Le timing a été excellent: sans le savoir, l'Argovien a mis au point la machine ultime juste à temps pour la période actuelle, où la demande est devenu quasi hystérique.

30'000 paquets de 15 kg vont être livrés à Migros.
Photo: Siggi Bucher

Grâce au biogaz et à la pyrolyse

Mais le cœur de la production de Bischofsberger se trouve dans des fermes et des usines. «J'utilise la chaleur résiduelle des centrales électriques au biogaz ou des installations de pyrolyse», explique-t-il. Dans les premières, le lisier de vache et le fumier produisent du méthane qui, à son tour, génère de l'électricité grâce à un moteur.

La pyrolyse permet, elle, de produire du charbon à partir de biomasse jusqu'alors inutilisée, comme les déchets verts, qui est ensuite réintroduit dans la terre et fixe ainsi le CO₂ de l'air dans le sol. Les deux procédés produisent une grande quantité de chaleur résiduelle, que Bischofberger utilise pour sécher les bûches. Sur chacun des dix sites se trouvent d'énormes conteneurs qui sèchent chacun dix stères de bois.

Comme Samuel Bischofberger est le seul de la région à pouvoir encore produire du bois de chauffage en masse grâce aux énormes séchoirs à bois, il aide aussi les propriétaires forestiers qui n'ont plus de bûches. Parmi eux, la ville de Zurich, ainsi que les communes argoviennes de Lenzburg, Bremgarten et Birsfeld. Par rapport à l'année dernière, le prix du stère de hêtre a augmenté de 15% pour atteindre 250 francs, auxquels s'ajoutent 40 francs pour la livraison.

Le bois est stocké pendant au moins deux ans

Même les grands propriétaires forestiers, comme le canton de Zurich, doivent actuellement refuser des demandes de personnes intéressées par le bois de chauffage. Sandro Krättli, responsable de la forêt domaniale cantonale, explique: «Il est impossible de s'adapter à la demande. Il faut deux ans de stockage, et nos habitués, dont de nombreux clients privés et des pizzerias, nous communiquent à l'avance leurs besoins.»

Sando Krättli est responsable des forêts du canton de Zurich.
Photo: Siggi Bucher

Le Zurichois est étonné par le boom soudain du secteur. «Cela fait des décennies qu'on n'avait pas vu un tel engouement pour les bûches! Nous continuons à livrer les quantités habituelles à nos clients réguliers, mais nous devons mettre les nouveaux clients sur liste d'attente, voire les refuser dans certaines régions...»

Pour le responsable de la plus grande forêt du canton de Zurich, il n'est pas envisageable de réduire la durée de stockage. «Nous sommes tenus de ne vendre que de la marchandise de qualité. Nous ne mettrons pas en vente du bois trop humide», assure-t-il.

L'offre ne peut pas être développée à volonté

Même en connaissance de cause, il sera difficile d'augmenter l'offre. «Aujourd'hui déjà, avec les nombreuses grandes chaudières à copeaux pour le chauffage à distance, nous sommes proches des limites de capacité.»

Seuls environ 8% du bois sert au chauffage. «Nous sommes tenus d'entretenir la forêt de manière durable, explique Sandro Krättli. Nous nous concentrons sur les prestations forestières. Ce n'est qu'après l'abattage que nous décidons de la destination du bois. Le bois de chauffage n'est que le bout de la chaîne: du bois de mauvaise qualité.»

Découvrez nos contenus sponsorisés
Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la