Près de 60% de la population suisse s'est constitué un troisième pilier pour la prévoyance vieillesse. Ceux qui ont franchi le pas ne misent donc pas uniquement sur les prévoyances étatique et professionnelle, mais espèrent augmenter leur surface financière à la retraite grâce à l'épargne privée. Mais cet espoir est-il vraiment fondé?
Actuellement, les piliers 3a les plus lucratifs rapportent 1,6% d'intérêt. Selon les calculs du portail de comparaison en ligne Moneyland.ch, celui qui y verse chaque année le montant maximal de 7056 francs se constitue une fortune de plus de 164'700 francs en 20 ans. Sur cette somme, 141'100 francs proviennent des versements, 23'600 francs sont dus aux intérêts, ce qui n'est une bonne affaire qu'en apparence.
En effet, la valeur réelle de la fortune diminue en raison du renchérissement. Après prise en compte d'un taux d'inflation d'1% sur 20 ans, les 164'700 francs ne correspondent plus qu'à 149'460 francs. On ne gagne donc plus que 8340 francs. Les intérêts perçus se réduisent comme peau de chagrin.
Ceux qui optent pour un compte d'épargne 3a avec un taux d'intérêt inférieur à 1,6% s'en sortent encore moins bien. Or, il existe des dizaines d'offres de ce type avec des taux d'intérêt relativement bas, proposées par certains instituts financiers. En voici une sélection:
Banque Migros | 1,1 |
Raiffeisen | 1,1 |
Postfinance | 1,0 |
Banque Cler | 1,0 |
UBS | 0,9 |
ZKB | 0,8 |
Source: moneyland.ch / Etat au 23 juillet 2024
Le pilier 3a est toutefois un choix judicieux pour les personnes qui, d'une part, veulent profiter de nombreux avantages fiscaux et, d'autre part, consolider leur sécurité financière. Ces personnes peuvent optimiser leur prévoyance en changeant de banque, pour augmenter leurs intérêts. Car quand ces derniers sont supérieurs de 0,3 point de pourcentage, ils conduisent théoriquement à un capital supérieur d'environ 4500 francs au bout de 20 ans – avant déduction de l'inflation.
Les solutions de titres sont une autre option solide pour ceux qui veulent maximiser leur profit. Elles sont surtout attrayantes pour les personnes qui sont encore loin de la retraite et qui ont donc un horizon de placement important.
Investir plutôt qu'épargner
Aux États-Unis, le marché des actions a augmenté de 387% au cours des vingt dernières années. La croissance du marché suisse des actions est moins forte, mais toujours aussi impressionnante; le Swiss Market Index (SMI) a progressé de 118% depuis début juillet 2004, avec un rendement annualisé de plus de 3,9% ce qui prouve que les placements en actions peuvent être rentables à long terme. En outre, ce calcul ne tient pas compte des dividendes versés aux investisseurs, qui auraient encore amélioré le résultat.
La participation au marché des actions est possible dans le cadre du troisième pilier, grâce aux fonds de prévoyance 3a. Ils génèrent un rendement qui peut varier fortement d'une année à l'autre. Mais les perspectives de rendement restent bonnes si l'on mise sur les bons fonds de prévoyance, comme le montre une comparaison de Moneyland. Ainsi, avec une part dédiée aux actions de 45% ou un profil de risque moyen, la performance nette annualisée a été de 3% au cours des deux dernières décennies.
Selon Therese Faessler, fondatrice d'Invested.ch et Senior Research Associate à l'université de Saint-Gall, il est possible se constituer un capital vieillesse grâce au marché financier: «Outre les trois premiers piliers de la prévoyance vieillesse, il faut un quatrième pilier, c'est-à-dire investir et savoir le faire.» Ainsi, les placements en actions sont explicitement considérés comme un autre type de prévoyance vieillesse, mais restent inhabituels dans la mesure où, actuellement, deux tiers des Suisses n'investissent pas dans des actions.
Therese Faessler estime que les gens devraient «investir dans des entreprises qu'ils connaissent» comme Nestlé, Novartis, Roche, Zurich Assurance et UBS. Il s'agit de poids lourds de différentes branches du Swiss Market Index, mais toutes n'ont pas convaincu ces dernières années. Ainsi, alors que Novartis a progressé, Nestlé a chuté. Pour Roche, la tendance négative semble avoir été brisée, l'action évoluant à nouveau à la hausse depuis mai. Pour une meilleure diversification, on peut acheter des actions étrangères, par exemple des valeurs technologiques, ainsi que des obligations, de l'immobilier et de l'or.
Therese Faessler trouve également des raisons d'investir dans l'opérateur de télécommunications Swisscom: «Beaucoup de gens sont clients de Swisscom. L'entreprise a un mandat de service universel et appartient majoritairement à la Confédération, donc à l'Etat.» De plus, Swisscom reverse correctement des dividendes à ses actionnaires. Ces dernières années, le montant redistribué a toujours été de 22 francs.
La gestion de fortune est une activité exigeante, qui plus est si l'on manque de temps ou de savoir-faire pour gérer ses placements. Une bonne raison d'opter pour un ETF, selon Therese Faessler, qui rappelle qu'à long terme, «on s'en sort mieux qu'avec un compte d'épargne du pilier 3a». Sauf si l'on privilégie la sécurité au rendement.
Réinvestir les dividendes
Pour constituer un capital vieillesse, il est possible d'investir, mois après mois, une part fixe de son revenu. Selon les spécialistes, cette part peut se situer entre 5 et 10%, soit un investissement de 350 à 700 francs pour une personne gagnant 7000 francs, soit un peu plus que le salaire médian suisse. Cela peut impliquer de renoncer à certaines dépenses pour investir régulièrement dans des actions sur une longue période. Il faut donc prendre des précautions. Mais avec de tels placements, «on peut très probablement maintenir son niveau de vie à la retraite», comme l'a déclaré Veronica Weisser, spécialiste de la prévoyance chez l'UBS.
Les dividendes sont avantageusement réinvestis et «contribuent ainsi à la constitution d'un patrimoine à long terme» explique Therese Faessler. Cette idée est connue des fonds de capitalisation. Ces derniers ne versent pas les dividendes, mais les réinvestissent de sorte que les sommes accumulées participent à l'évolution du marché des capitaux.
En clair, l'épargne dans le troisième pilier est peu rentable. Mais si elle reste considérée comme sûre, investir dans des actions pour se constituer un capital vieillesse est plus rentable à long terme. Ce choix comporte toutefois des risques tout aussi importants.