En octobre et novembre derniers, Ulrich Frey, 74 ans, se retrouve sans sa rente AVS. Ce cuisinier à la retraite, habitant de Winterthour, décroche alors son téléphone et se renseigne auprès de l’Office des assurances sociales de son canton: pourquoi ne la perçoit-il plus? «Ils m'ont indiqué le statut de mon dossier, sur lequel il y avait la mention de départ», explique le fromager de formation à Blick. «Je n'ai pas compris. Le collaborateur m’a alors expliqué que cela voulait dire que j’étais décédé».
Une confusion lourde de conséquences
Cette situation pour le moins surprenante n'arrange pas Ulrich Frey. Le retraité souffre d’une maladie pulmonaire chronique et doit être alimenté artificiellement en oxygène. Pour le reste, il se sent plutôt en bonne santé et aime se promener plusieurs fois par jour avec sa chienne Kira. «J'ai demandé au collaborateur comment j'aurais pu être mort étant donné que je l'avais au bout du fil... Je n’appelais tout de même pas de l’au-delà».
Ulrich Frey raconte qu’il a échappé de justesse à la mort en octobre 1979, lorsqu’il a survécu à un accident d’avion. «J’étais assis dans le Douglas DC-8 de Swissair qui, à l’époque, avait roulé en dehors de la piste lors d'un atterrissage à Athènes. L'appareil avait pris feu». Le retraité avait été grièvement blessé dans cet accident qui a coûté la vie à 14 personnes.
Comme le rapporte le «Landbote», une confusion lourde de conséquences est à l’origine de l’absence de rente AVS. Selon l'Office des assurances sociales du canton de Zurich, l’erreur n’a pas été commise en raison de modification des données personnelles. Ulrich Frey n’a donc pas été déclaré mort. Mais après le décès d’une autre personne, le versement de sa renter aurait été stoppé par erreur.
La personne décédée était son ex-femme
Comment cela a-t-il pu se produire? La personne décédée est en réalité l’ex-femme du cuisinier. Ils ont divorcé il y a environ 40 ans et n’étaient plus en contact depuis longtemps. Les dossiers AVS des couples mariés restent toutefois liés dans le système, même après un divorce. C’est donc la source de cette erreur: une collaboratrice a bloqué la rente d'Ulrich Frey par erreur au lieu de celle de son ex-femme.
Selon l'Office zurichois, il s’agit d’un cas isolé. La porte-parole Daniela Aloisi l'assure: «A ma connaissance, il n'y a eu autre cas de ce genre. Je n'en ai jamais entendu parler et cela fait pourtant déjà 20 ans que je travaille pour cet Office à Zurich». L’erreur a été rapidement corrigée et des excuses immédiatement présentées.
Après son coup de téléphone, la rente a été intégralement versée à Ulrich Frey. «J’ai également reçu une lettre, dans laquelle était question d’une erreur de système, explique le Suisse. Ce n’est pas possible, les ordinateurs ne font pas d’erreurs!», tonne-t-il. Pour lui, c'est clair, il s’agit d’une excuse toute faite. «J’ai eu du mal avec cette histoire et également avec le prétexte évoqué». Le retraité contacte alors à nouveau l'office et reçoit finalement une deuxième lettre, dans laquelle il est cette fois confirmé qu’il s’agit d’une «erreur humaine».
Passé douloureux
Pour Ulrich Frey, cette confusion fait également ressurgir un pan douloureux de son histoire familiale: «J’ai malheureusement perdu contact avec mes deux fils, enfants que j'ai eus avec mon ex-femme, et je l'ai toujours regretté, confie-t-il à Blick. La séparation s'est faite en mauvais termes, il m'était difficile de continuer à voir mes enfants et j’ai fini par y renoncer».
Après avoir appris le décès de son ex-femme, il a également reçu l'information que ses deux fils avaient refusé l'héritage car la défunte s'était endettée. Le registre des poursuites mentionnait l’adresse de celle-ci: «Dans ses dernières années, elle habitait en fait dans une unité de soin située juste en face, à moins de 200 mètres de mon appartement et je ne l'avais même pas remarqué».
(Adaptation par Thibault Gilgen)