Pas de salle comble, pas de confettis, juste un simple message annonçant le «passage de témoin». Le week-end dernier, le mouvement Opération Libero a annoncé que la présidente Laura Zimmermann cédait son poste à Sanija Ameti, après cinq années de service.
Sanija Ameti n’a donc pas été élue. Le conseil d’administration a simplement convenu qu’elle serait une présidente appropriée – et l’a nommée au poste.
Une campagne comme carte de visite
L’avocate, âgée de 28 ans, prépare une thèse de doctorat sur la cybersécurité à l’Université de Berne et siège à l’exécutif du parti des Vert’libéraux dans le canton de Zurich. Ses parents sont arrivés en Suisse en tant que réfugiés musulmans bosniaques. Sanija Ameti a attiré l’attention du monde politique en début d’année lors de la campagne contre la loi anti-terroriste qu’elle a mené.
Elle a perdu aux urnes, mais le succès de son engagement lui a servi de carte de visite. «Les responsables d’Opération Libero ont pensé que j’étais une bonne candidate grâce à cette campagne politique, et m’ont demandé de rejoindre le conseil d’administration», explique l’avocate.
Fi de la démocratie?
Après son élection au conseil d’administration, ses collègues n’ont pas tardé à penser qu’elle serait la relève idéale pour le poste de présidente. «J’ai dû y réfléchir longtemps, car j’ai un grand respect pour cette tâche», affirme-t-elle. Elle a néanmoins fini par accepter.
L’ascension de la jeune femme au sein d’Opération Libero fait davantage penser à une carrière dans le secteur privé – où la direction décide des promotions – qu’à un parcours classique dans une organisation politique. Comment cela s’inscrit-il dans les valeurs que défend l’organisation, qui a fait de la lutte pour la démocratie libérale et transparente sa mission première?
Un accord au lieu d’un bras de fer
Le partenaire de Sanija Ameti au sein du présidium, Stefan Manser-Egli, affirme qu’il n’y a pas eu de véritable élection au sein du conseil depuis sa création. «Nous fonctionnons plutôt selon le principe du consentement.» En outre, les présidents sont avant tout des membres du conseil d’administration, qui représentent l’association à l’externe. «Nous prenons toutes les décisions importantes ensemble», explique-t-il. Les membres du conseil d’administration seraient quant à eux élus par les membres lors de l’assemblée générale.
Les partis sont sceptiques
Dans le monde politique, cette procédure suscite l’étonnement. «Ce serait impensable dans notre parti», déclare Ronja Jansen, présidente des Jeunes socialistes. Lorsqu’elle s’est présentée aux élections il y a deux ans, elle a dû expliquer en détail où elle voulait amener le parti sur le plan politique. Lors de douze audiences dans toute la Suisse, elle s’est battue en duel avec sa rivale Mia Jenni. Lors de l’élection par les délégués, une seule voix a fait pencher la balance en sa faveur. «Pour nous, ce débat de fond était très précieux», précise-t-elle.
Son point de vue sur le fonctionnement électoral d’Opération Libero est donc mitigé: «Je trouve un peu ironique qu’ils revendiquent la transparence et les valeurs démocratiques, et qu’ils ne les mettent pas en pratique à l’interne. Cela les distingue des véritables mouvements démocratiques, comme la Grève du climat.»
Matthias Müller, président de la Young Free Alliance depuis deux ans, souligne également les avantages de l’élection directe: «Je sais que la majorité est derrière moi et partage ma vision et ma stratégie.» Opération Libero n’a que faire des critiques. «Nous ne sommes pas un parti, et nous ne voulons pas le devenir», conclut Sanija Ameti.