Spätzli, chou rouge, marrons et civet de cerf. Une assiette de gibier pour le déjeuner d'affaires, c'est tentant. Mais de retour au bureau avec l'estomac plein, il ne faut pas longtemps pour que le coma alimentaire frappe. L'estomac travaille, la concentration diminue et, malgré l'espresso après le repas, on se sent somnolent et fatigué.
On ne commande donc qu'une salade légère pour le déjeuner ou on s'autorise une petite sieste au bureau. Seulement voilà, ce n'est pas possible partout. La pression du temps est grande, les rendez-vous s'enchaînent et il n'y a pas toujours de salle de repos. De plus, ceux qui disparaissent pendant trente minutes pour dormir reçoivent bien souvent des regards sceptiques.
Il en va tout autrement dans les pays du sud. Là-bas, la sieste est le meilleur moyen de surmonter les températures caniculaires de midi. Mais ce sont les Japonais qui ont perfectionné l'art de la courte sieste. La culture de la sieste y est appelée «inemuri», un mélange de «présence et de sommeil». Dans le métro, les Japonais s'assoupissent, même en réunion, ils ferment les yeux et sombrent dans un léger sommeil. Cela signale que la personne travaille beaucoup et qu'elle se repose de temps en temps.
De nombreux bienfaits
En Suisse, la sieste n'est tout simplement pas adaptée à l'emploi du temps de nombreux travailleurs. C'est dommage, estime le chercheur en sommeil Albrecht Vorster de la Swiss Sleep House à l'hôpital de l'Île à Berne. «Une powernap (que l'on peut traduire par «courte sieste») est aussi efficace qu'une pause-café de 15 minutes». Après un court sommeil, les collaborateurs seraient de meilleure humeur, plus éveillés et plus productifs.
Mais «Le chef doit montrer l'exemple, ensuite tout le monde suit», poursuit Albrecht Vorster. Dans son bureau, il y a même un hamac suspendu aux murs. Une variante plus discrète consiste en des salles de repos que de nombreuses entreprises ont entre-temps aménagées. On en trouve par exemple chez Ikea, Bico, Google, Microsoft ou IBM.
La même année, la Nasa a publié l'une des premières études montrant qu'une sieste sur le lieu de travail augmentait les performances. 26 minutes étaient présentées comme la durée optimale de la sieste pour avoir un effet maximal sur la performance au travail. De plus, les powernaps augmentent la vitesse de réaction de 16 %, réduisent les pertes d'attention de 34 % et, selon la Harvard T.H. Chan School of Public Health, réduisent même le risque de maladies cardio-vasculaires.
Recharger sa batterie interne
Christine Blume, chercheuse sur le sommeil à l'université de Bâle, connaît la raison de la baisse de régime à midi: «Nous avons une sorte d'accumulateur interne», explique-t-elle. «Au cours de la journée, l'énergie est consommée et l'accumulateur se vide. Mais pour que nous ne nous endormions pas facilement, le corps favorise en même temps la 'vigilance' - comparable à un stimulant corporel. Ce n'est que lorsqu'il s'agit d'aller se coucher que l'éveil est moins fortement encouragé. En combinaison avec un faible niveau de batterie, nous sommes fatigués et pouvons nous endormir».
Si l'on se lève tôt ou si l'on a eu une matinée particulièrement active, l'accumulateur est déjà assez vide en début d'après-midi, alors que le processus de stimulation de l'éveil ne s'y oppose pas encore assez fortement. La conséquence est que l'on se sent fatigué et mou - c'est le moment de faire la sieste. Celle-ci fonctionne alors comme un câble de recharge rapide pour le téléphone portable: la batterie ne se recharge pas complètement, certes, mais le niveau de la batterie est plus élevé.
Combien de temps faut-il dormir?
De nombreux mythes entourent la courte sieste. En règle générale, Albrecht Vorster et Christine Blume recommandent à l'unisson environ 15 minutes de sommeil. Une courte sieste est considérée comme telle lorsqu'elle dure jusqu'à 30 minutes maximum. Au-delà, il s'agit plutôt d'une véritable sieste, comme celles que font souvent les personnes âgées.
Mais 15 minutes sont parfaites, car le corps n'a pas le temps de tomber dans un sommeil profond. «Souvent, on n'a pas l'impression de dormir. Mais après 15 minutes, il faut se lever systématiquement, que l'on ait l'impression d'être parti ou non», explique Albrecht Vorster. Le fait de somnoler peut déjà aider.
Les meilleures méthodes de sieste
Christine Blume recommande ce qu'elle appelle la sieste des clés: au lieu de mettre le réveil, on peut prendre les clés dans sa main suspendue. Dès que le corps s'est suffisamment détendu pour passer à un sommeil plus profond, la clé tombe de la main et s'écrase sur le sol. «C'est le bon moment pour se réveiller».
Une autre astuce pour en tirer le maximum est le «nap-Presso»: boire un espresso avant de s'allonger. La caféine se libère pendant le sommeil et au bout de 15 minutes, on se réveille avec un double boost d'énergie.
Il faut apprendre à se détendre correctement. L'armée de l'air américaine fait figure de modèle : «L'hygiène du sommeil est aussi importante qu'une alimentation saine et la forme physique», déclare Michele Edmondson, major et commandant de la Second Airforce. Les soldats et les soldates misent sur une relaxation musculaire progressive. L'objectif? Contracter tous les muscles du corps, puis tout relâcher.
Le sommeil nocturne évidemment fondamental
Dormir le jour est une bonne chose, mais bien dormir en général n'aide pas seulement les gens, mais aussi les entreprises: Le think tank Rand Europe a calculé que les troubles chroniques du sommeil peuvent entraîner une perte moyenne de temps de travail de plus de cinquante jours par an. Un coup de poignard au cœur de l'économie suisse. 1,3% - soit environ 9 milliards de francs - peuvent lui échapper à cause de cela. Une triste place de leader pour la Suisse.
Mais il faudra sans doute attendre encore un certain temps avant que la sieste ne s'établisse en Suisse. En conséquence, il n'y aura pas non plus d'assiette de gibier au déjeuner d'ici là.