L'appel à l'aide de Lukas Engelberger
«Le Conseil fédéral doit réagir»

Les hôpitaux pédiatriques sont à bout de souffle, y compris sur le plan financier. Lukas Engelberger, président de la Conférence des directeurs cantonaux de la santé (CDS), demande à Alain Berset d'agir.
Publié: 18.12.2022 à 09:01 heures
Les hôpitaux pédiatriques sont pris d'assaut en Suisse.
Photo: Siggi Bucher
Danny Schlumpf

Quelle est la situation actuelle dans les hôpitaux pédiatriques suisses?
De manière générale, le secteur de la santé est dans une situation de forte pression. C’est une conséquence de la phase tardive de la pandémie, qui est elle-même peut-être aussi la raison de l’importante émergence du virus RS. En gros, les enfants ont eu moins de contacts pendant la pandémie et n’ont donc pas pu activer correctement leur système immunitaire.

Le personnel soignant tombe également plus souvent malade — ce qui aggrave encore le manque de personnel dans les hôpitaux.
C’est très stressant pour les employés. Je comprends qu’ils appellent à l’aide en raison de la situation actuelle. Je leur en suis reconnaissant, même.

Les hôpitaux pédiatriques croulent sous les situations d’urgence. Il s’agit de traitements ambulatoires — un domaine qui représente la majeure partie du travail de ces hôpitaux, mais qui leur occasionne des pertes financières massives. Pourquoi en est-on arrivé là?
Le secteur ambulatoire est, en effet, sous-financé. La cause, c’est le système tarifaire Tarmed qui est toujours en vigueur. Or, il est obsolète et le Conseil fédéral l’a réduit en 2018. Cela s’est fait au détriment des hôpitaux pédiatriques. Les tarifs ne tiennent pas assez compte du fait que le traitement des enfants est nettement plus coûteux que celui des adultes. La CDS s’était alors prononcée pour que le domaine pédiatrique ne soit pas concerné par les coupes.

Lukas Engelberger est le président de la CDS depuis 2020 et également conseiller d'État dans le canton de Bâle-Ville.
Photo: Stefan Bohrer

Sans succès.
Malheureusement, le Conseil fédéral n’en a pas tenu compte. Le nouveau système tarifaire Tardoc pourrait fortement améliorer la situation des hôpitaux pédiatriques. Malheureusement, son introduction est retardée parce que les partenaires tarifaires ne parviennent pas à s’entendre sur une solution commune.

Que signifie cette situation compliquée pour les cantons?
Ils dépensent chaque année des dizaines de millions pour soutenir les hôpitaux pédiatriques. Ils ont donc tout intérêt à ce que les partenaires tarifaires aillent maintenant de l’avant avec Tardoc. Mais le Conseil fédéral doit lui aussi réagir.

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«Il n'est pas question pour les cantons de boucher les trous chaque année.»
Lukas Engelberger, directeur de la CDS
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Comment faire?
Avec Tardoc, une proposition est sur la table. Elle n’est pas encore parfaite, mais la Conférence des directeurs de la santé suggère depuis longtemps de l’approuver — sous conditions, jusqu’à ce que les défauts méthodologiques soient corrigés. Il faut faire ce pas maintenant, car ce retard occasionne beaucoup de problèmes. Alternativement, le Conseil fédéral pourrait également revenir sur les réductions de Tarmed qu’il a lui-même ordonnées en 2018.

À vous entendre, ce n’est donc pas la marge de manœuvre qui manque…
Du point de vue des cantons, il n’est pas question de colmater les trous chaque année et de verser des subventions pour les prestations ambulatoires. La loi sur l’assurance-maladie stipule que toutes les prestations fournies de manière efficace doivent être remboursées de manière à couvrir les coûts, y compris dans les hôpitaux pour enfants.

Le frein aux coûts de la santé fonctionne mal, ce qui fait bondir les tarifs des primes maladie. N’est-il pas paradoxal que ce soient justement les hôpitaux pédiatriques qui soient les plus affectés, alors qu’ils ne proposent justement pas de prestations inutiles ou trop chères?
Les hôpitaux pédiatriques ne sont pas les seuls à payer un lourd tribut. Regardez dans les services de gériatrie, d’urgence ou de psychiatrie. La pression est forte dans de nombreux domaines. Il apparaît très clairement que nous ne pouvons pas avoir d’immenses attentes en matière de prestations de santé et espérer en même temps des coûts stables.

Comment résoudre ce problème?
Idéalement, nous devrions commencer par limiter l’utilisation des prestations. Aujourd’hui, le recours aux urgences est presque devenu un réflexe, même dans des cas où une visite chez le médecin traitant serait tout à fait indiquée. Il faudrait donc pouvoir miser sur davantage de responsabilité individuelle. La Suisse n’a jamais été un pays où l’on a envie de réglementer à outrance le système de santé avec des prescriptions.

La politique a-t-elle un rôle à jouer?
Bien sûr, elle doit poursuivre les réformes en suspens. Le financement uniforme du système de santé, comme il est prévu, est une étape structurelle importante pour éliminer les mauvaises incitations. Et, bien sûr, les réformes tarifaires doivent maintenant intervenir le plus rapidement possible.

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