L'appareil a fait le tour du monde
Horizon juridique bouché pour la capsule à suicide

En décembre, la capsule à suicide développée par un Australien pour une utilisation en Suisse a fait le tour des médias internationaux. Selon la «NZZ», la réalité est différente: des obstacles juridiques empêchent son utilisation prochaine dans notre pays.
Publié: 05.01.2022 à 13:30 heures
Le candidat au suicide assisté n'a qu'à s'installer dans l'appareil pour connaître une mort «euphorique et calme».
Photo: Exit International
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Adrien SchnarrenbergerJournaliste Blick

Un article de Swissinfo début décembre avait fait la Une des médias internationaux: une capsule autonome allait bientôt faciliter le suicide assisté. Exposée dans plusieurs événements artistiques en Europe, Sarco (c'est son nom) avait passé l'examen juridique, écrivait alors «Swissinfo».

Philip Nitschke, interviewé par le média en ligne, était enthousiaste. «Il s'agit d'une capsule imprimée en 3D, activée de l'intérieur par la personne qui a l'intention de mourir. La machine peut être remorquée n'importe où, dans un cadre extérieur idyllique ou dans les locaux d'une organisation pour le suicide assisté, par exemple», expliquait l'Australien de 74 ans.

Baptisé «Dr Mort», Philip Nitschke s'est donné pour mission de faciliter l'aide au suicide. Et il assurait voici un mois s'en donner les moyens. «Deux prototypes ont déjà été créés et le troisième va être imprimé aux Pays-Bas. Si tout va bien, une machine sera prête pour la Suisse en 2022 déjà», assurait-il.

La lecture de la «NZZ» de ce mercredi tempère largement l'enthousiasme du créateur de cette machine futuristique, qualifiée de «Tesla de la mort» par des médias internationaux. D'abord parce que «Swissinfo» a écrit de manière erronée que l'appareil avait obtenu les autorisations légales nécessaires. Un message d'excuses de la rédactrice en chef Larissa Bieler accueille désormais les visiteurs de la page en question.

L'association rétropédale

À en croire le renommé quotidien zurichois, l'horizon semble bien plus flou pour «Sarco». Son créateur est allé beaucoup trop vite en besogne et a été lui-même rattrapé par le tsunami médiatique créé par son interview. Ce n'est qu'une question de temps avant qu'une première personne puisse utiliser l'appareil, assurait-il en substance. Or, l'association suisse d'aide au suicide, avec laquelle Philip Nitschke voulait collaborer, a rétropédalé. Les responsables ont décidé de stopper, du moins provisoirement, les travaux avec Sarco, écrit la «NZZ».

Ce n'est pas une question de candidats potentiels: selon l'association, une liste d'attente existe déjà pour se donner la mort dans la capsule futuriste. Le problème réside dans des problèmes juridiques — sur le plan légal, la situation est bien moins claire que ce que Philip Nitschke prétendait dans l'article de «Swissinfo».

L'organisation Exit International de Philip Nitschke — à ne pas confondre avec Exit Suisse — assure avoir demandé une expertise juridique à un cabinet d'avocats zurichois. Celle-ci concluerait que l'utilisation de Sarco n'enfreint aucune loi. Comme il ne s'agit pas d'un produit médical, l'appareil ne doit pas non plus être testé avant d'être utilisé en Suisse, estime Exit International.

Des poursuites possibles pour les médecins

Or, l'experte en droit de la santé Kerstin Noëlle Vokinger donne un autre son de cloche dans le quotidien zurichois. La spécialiste estime que les produits utilisés pour le suicide assisté tombent également sous le coup de la loi sur les produits thérapeutiques, entre autres problèmes juridiques que posent cette situation.

La femme de loi est d'avis que Sarco est bien un produit médical. Selon Vokinger, les médecins qui participent au suicide par Sarco mettraient leur responsabilité en jeu. Les obligations professionnelles des praticiens pourraient également être violées, selon Noëlle Vokinger.

La «NZZ» estime qu'il est possible que l'association en question (la «Schweizer Sterbehilfeverein» dans son nom original, ndlr.) ait été surprise par la violence du débat autour de Sarco, qui a fait les grands titres à l'étranger. Dans le quotidien britannique «The Independant», même un partisan de l'euthanasie s'est dit «horrifié» par cette machine. Pour lui, l'appareil pose de nombreuses questions, notamment un détournement criminel, l'utilisation accidentelle par un enfant ou des dysfonctionnements éventuels.

Critiques en Suisse aussi

Même le prestigieux «New York Times» s'est emparé de l'affaire. Le médecin Charles D. Blanke y estime que Sarco n'a pas encore été testé et qu'il n'est absolument pas acquis qu'une «mort paisible après un bref sentiment d'euphorie» survienne, comme le prétend son créateur. Les activistes du suicide assisté assurent en revanche que l'azote administré par un masque a fait ses preuves au Canada.

La «NZZ» rapporte encore les propos des spécialistes de l'aide au suicide en Suisse. L'association Exit, du moins sa section alémanique (il existe un pendant romand), fait remarquer qu'un accompagnateur qualifié et des proches assistent la candidate ou le candidat à une mort volontaire, un moyen «plus digne que de mourir dans un cercueil en plastique».

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