Le verdict était clair: en 2021, la Cour européenne des droits de l'homme de Strasbourg (CEDH) est arrivée à la conclusion que les réfugiés admis provisoirement ne doivent pas attendre trois ans avant de pouvoir faire venir des membres de leur famille en Suisse. Un délai d'attente de plus de deux ans est incompatible avec le droit à la vie de famille, qui est ancré dans la Convention européenne des droits de l'homme.
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Après que le Tribunal administratif fédéral a adapté sa jurisprudence, le Conseil fédéral propose lui aussi une modification de la loi sur les étrangers et l'intégration: le regroupement familial pour les réfugiés admis provisoirement doit être possible à l'avenir après deux ans déjà et même avant dans des cas de rigueur particuliers.
L'UDC s'oppose aux juges étrangers
La modification de la loi est toutefois controversée, comme le montre la procédure de consultation qui s'achève ce jeudi. L'Union démocratique du centre (UDC), par exemple, s'oppose fermement au projet. Elle estime qu'il est inacceptable que des juges étrangers rendent de plus en plus de jugements politiques qui vont à l'encontre de la volonté du législateur et du souverain. Car leur tâche est d'appliquer les lois et non de les créer. Il n'y a pas non plus de raison objective pour laquelle un délai de deux ans serait plus juste et un délai de trois ans disproportionné, indique le parti.
Pour Le Centre également, il est clair que les jugements des tribunaux n'exigent pas une réduction obligatoire du délai d'attente. Au contraire, les jugements soulignent qu'à partir de deux ans, un examen au cas par cas est nécessaire et que le Département de la justice procède déjà ainsi aujourd'hui. Le Centre ne voit donc pas la nécessité de légiférer et propose de renoncer purement et simplement à la révision.
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Les cantons s'y opposent aussi. Le gouvernement schaffhousois, par exemple, avance des arguments similaires. Il craint en outre, tout comme le canton de Glaris, que le nombre de demandes augmente. Et du point de vue du gouvernement glaronnais, cela ne serait pas gérable avec le personnel actuel des cantons. D'autres cantons et associations se prononcent en revanche en faveur du projet de loi.
Le Parti libéral radical (PLR) se dit «préoccupé» par l'«effet d'attraction» qu'un changement pourrait créer. Il soutient certes en principe l'adaptation «afin de mettre les dispositions légales en conformité avec la jurisprudence de la CEDH», précisant qu'il est important pour un État de droit de respecter ses obligations internationales. Néanmoins, les critères doivent rester stricts pour garantir qu'il n'y ait pas d'augmentation de la migration vers la Suisse. Une comparaison avec d'autres pays européens montre tout de même que l'adaptation prévue correspond aux normes internationales.
La gauche et les Vert-e-s trouvent en veulent davantage
Le camp de la gauche et des Vert-e-s n'est pas vraiment satisfait non plus. Pour eux, le projet de loi ne va pas assez loin. Ainsi, les Vert-e-s souhaiteraient que le délai d'attente pour le regroupement familial soit purement et simplement supprimé. De tels obstacles ne sont pas en accord avec les principes fondamentaux du droit à la vie de famille, critique le parti. De plus, la notion de famille devrait être élargie aux parents, grands-parents, petits-enfants ou frères et sœurs.
Le Parti socialiste (PS) est du même avis. Il salue bien entendu la réduction du délai d'attente. Mais pour une mise en œuvre conforme au droit international, il est essentiel de ne pas partir du principe qu'aucune demande de regroupement familial ne peut être déposée avant l'expiration d'un délai de deux ans. Dans certains cas, le regroupement familial doit pouvoir être examiné et autorisé plus tôt.
De son côté, l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés fait remarquer qu'un délai d'attente plus court ne doit pas avoir pour conséquence que les personnes concernées disposent de moins de temps pour remplir les autres conditions du regroupement familial. En effet, pour obtenir une autorisation, il faut en outre être totalement indépendant de l'aide sociale et disposer d'un logement suffisamment grand. «Jusqu'à ce que les personnes concernées puissent remplir ces exigences élevées, elles ont besoin d'un certain temps», souligne l'Organisation d'aide aux réfugiés.