La souffrance du personnel
Les personnes non vaccinées paralysent les hôpitaux suisses

Les unités de soins intensifs ne sont remplies qu'à 80%. Pourtant les hôpitaux tirent déjà la sonnette d'alarme quant à la menace de surpopulation. Explications.
Publié: 03.09.2021 à 06:03 heures
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Dernière mise à jour: 04.09.2021 à 19:29 heures
Fabian Vogt, Fabio Giger, Jocelyn Daloz (adaptation)

Les hôpitaux tirent la sonnette d'alarme une fois de plus. Leurs unités de soins intensifs seront bientôt surchargées et le personnel est à bout. Des opérations doivent être déjà reportées. Cela n'est pas sans rappeler ce qui s'est passé au printemps et à l'automne 2020 ainsi qu'à l'hiver dernier.

Jeudi, 686 personnes se trouvaient dans les unités de soins intensifs, dont 275 à cause de Covid-19, soit nettement plus qu'il y a un mois. Plus de 90% d'entre elles ne sont pas vaccinées. Les soins intensifs suisses sont à environ 80% de leur capacité.

Au printemps 2020, il y avait plus de 1500 lits

En plus des lits de soins intensifs certifiés, il est théoriquement possible d'installer temporairement des lits ad hoc. Ceux-ci ne disposent pas toujours du même équipement et la qualité du traitement n'est pas la même. Ils permettent toutefois d'absorber une partie du choc.

Au printemps 2020, il y avait plus de 1500 lits dans les unités de soins intensifs, lors de la deuxième vague, il y en avait 1100. Fin août, il n'y en avait plus que 854.

Ce qui pose une question fondamentale: pourquoi le nombre des lits de soins intensifs n'augmente afin de pallier à l'augmentation des cas?

«Au début, c'était une médecine de catastrophe»

«Au début de la pandémie, nous avions prévu une mission de médecine de catastrophe», explique Reto Schüpbach. Il dirige l'Institut de médecine des soins intensifs de l'hôpital universitaire de Zurich. À l'époque, tout ce que l'on savait du coronavirus était qu'il était hautement contagieux et pouvait être fatal. C'était à l'époque où les images d'hôpitaux surpeuplés de Chine et d'Italie du Nord avaient choqué la Suisse.

Pour éviter que cela ne se produise chez nous, le nombre de lits de soins intensifs avait été rapidement augmenté. Toutefois, Reto Schüpbach déclare de but en blanc: «Nous n'aurions jamais pu prendre en charge les patients en soins intensifs avec la qualité habituelle dans ces 1500 lits».

Le plus gros problème: le manque de personnel

Des situations comme en Lombardie ne se sont pas produites en Suisse. Au plus fort de la première vague, seule la moitié des lits de soins intensifs étaient occupés. Aujourd'hui, le taux d'occupation des lits est d'environ 80%. Un lit sur cinq dans les unités de soins intensifs est libre. Alors pourquoi est-ce que les hôpitaux s'alarment?

Ce qui importe, ce ne sont pas les lits, mais le personnel, explique Reto Schüpbach. «À une capacité de cent pour cent, nous n'aurions pas suffisamment de spécialistes pour soigner les patients au niveau de qualité requis.» En outre, il faut toujours prévoir quelques lits supplémentaires libres pour les urgences, par exemple pour les patients gravement blessés dans un accident de voiture.

Les interventions ne peuvent être reportées éternellement

Ajoutez à cela qu'un patient Covid nécessite entre une fois et demie à deux fois plus de soins que les autres patients, selon l'hôpital cantonal de Bâle-Campagne. Par ailleurs, un patient non Covid reste en moyenne 1,6 jour en soins intensifs, contre 10 à 14 jours pour les patients Covid.

En temps normal, les unités de soins intensifs peuvent mieux gérer leur routine quotidienne. Elles atteignent également un taux d'occupation proche des 75%, mais un tiers des patients sont à l'hôpital pour des opérations non urgentes. En temps de pandémie, ces procédures se voient repoussées. Mais elles ne peuvent l'être que jusqu'à un certain point. À un moment donné, les personnes nécessitant une opération au coeur ou au cerveau ne pourront plus attendre.

«On se demande si cela n'aurait pas pu être fait différemment»

Les professionnels se sentent-ils résignés par la position des non vaccinés? Andreas Zollinger, codirecteur de l'hôpital Triemli de Zurich, déclare: «Bien sûr, on donne toujours le maximum à chaque patient.» Peu importe qu'il s'agisse d'un patient non vacciné ou de quelqu'un qui doit subir une opération cardiaque. «Mais lorsque vous rentrez chez vous le soir, fatigué, et que vous repensez à la journée, si stressante sur le plan psychologique, vous vous demandez si cela aurait pu se dérouler différemment.»

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