Robin Harteveld en connaît un rayon sur le marché de la seconde main. Il a tenu son premier stand de puces à l’âge de 15 ans. Il vendrait alors des jouets et des livres. Mais aujourd’hui, il est passé à la vitesse supérieure. Il est l’organisateur de deux brocantes à Fribourg, dont le traditionnel marché de la vieille-ville, qui se tient sur la place du Petit-Saint-Jean depuis près de 40 ans.
«C’est toujours très familial, beaucoup de gens viennent du quartier et avec leurs enfants», décrit-il, le sourire aux lèvres. On sent bien la passion chez ce quadragénaire, qui nous raconte avec entrain que ce petit marché a lieu chaque premier samedi du mois. On y compte de 15 à 30 stands environ. Un chiffre qui dépend fortement de la météo. «En avril, il a plu à verse et j’étais tout seul», raconte Robin Harteveld en riant.
Et depuis cinq ans, il gère également un autre marché aux puces de Fribourg. Celui-ci se tient sur la place Python, chaque dernier samedi du mois. Ici, on y trouve plus de stands et de marchands professionnels. «Mais il y a bien sûr toujours de la place pour les nouveaux arrivants, assure-t-il. Des vendeurs et des visiteurs viennent de Berne, et même du Valais!»
La Suisse, pays des puces
Robin Harteveld n’est pas le seul féru d’objets de seconde main en Suisse. C’est au printemps que la saison des puces démarre. D’autant plus depuis quelques années: l’enthousiasme pour l’ancien et l’occasion connaît un véritable boom.
Ce mois de mai, plus de 50 marchés aux puces seront organisés entre Genève et Aarberg (BE), dont de grandes brocantes qui ont lieu le samedi dans des villes comme Bâle ou Zurich. D’autres ne se tiennent qu'occasionnellement, une ou deux fois par saison, comme dans la vieille ville de Zoug.
Les vêtements de seconde main sont à la mode
À côté de ces marchés traditionnels, de nouveaux sont apparus et beaucoup se sont diversifiés. On en trouve de plus en plus qui concernent le design et les antiquités. Mais aussi, et surtout, les vêtements.
En moyenne, un Suisse ou une Suissesse possède 118 vêtements dans son armoire, et 60 nouvelles pièces s’y ajoutent chaque année. Selon la plateforme Fashion Revolution Suisse, 40% des vêtements ne sont jamais portés, ou ne le sont que 2 à 4 fois. Et chaque année, chaque personne jette 6,3 kg de vêtements usagés.
L’industrie de la mode produirait ainsi entre 1,2 et 1,7 milliard de tonnes d’émissions de dioxyde de carbone – ce qui serait plus que l’aviation et la navigation réunies.
Les marchés aux puces remplacent la Fast Fashion
Pourquoi acheter des vêtements d’occasion? Faire les boutiques de seconde main était autrefois plutôt une nécessité, imposée par un budget serré, et presque considérée comme honteuse. Mais aujourd’hui, on le fait aussi pour le fun ou pour être branché. On se presse aujourd’hui sur les marchés aux puces pour acquérir des pièces originales.
Mais le côté écologique de cette façon de consommer n'est bien sûr pas à négliger. Le marché de l’occasion est considéré comme durable et fait fonctionner l’économie circulaire. Un grand changement de mentalité qui concurrence la Fast Fashion.
Mais le risque de dérive existe aussi. Le marché de la seconde main grossit et les marchés aux puces proposent de plus en plus d'habits sur leurs stands. La semaine dernière, la compagne de Robin Harteveld, Sandra Perriard, a organisé un stand à Bulle lors d’un marché de la mode d’occasion. «Avec 250 stands, c’est probablement le plus grand de Suisse, il y avait au total certainement 600 filles et femmes qui ont vendu leurs vêtements», s’enthousiasme-t-elle.
Monika Luck, présidente des puces de la Bürkliplatz à Zurich, se réjouit bien sûr aussi de ce succès. Mais rappelle qu'il ne faut pas se focaliser sur les fripes: «Nous sommes aujourd'hui inondés de vêtements! Mais nous voulons aussi proposer des antiquités, des bijoux, de la porcelaine, bref des trouvailles en tout genre.»
Ce marché compte parmi les plus anciens et les plus traditionnels de Suisse alémanique et il doit le rester, poursuit-elle. Elle ne veut pas qu’il soit dénaturé. «Nous recyclons depuis plus de 50 ans et ne voulons pas que cela devienne uniquement un marché qui vend des fringues à la mode», glisse-t-elle.
Les exploitants du marché central situé près de la Dampfzentrale, à Berne, révèlent également craindre d’être envahis de vêtements. «Nous avons un quota: la mode ne doit pas représenter plus d’un tiers par stand», explique Fabio Minerva. Ce spécialiste en informatique a repris ce marché aux puces avec ses parents il y a deux ans. «Nous voulons un pot-pourri d’articles quotidiens sélectionnés et d’articles rares», poursuit-il.
Au marché central, il y a de la place pour tout et pour tous, assure-t-il: du kitsch à l’objet de valeur, de l’élève de gymnase au commerçant.
Mais Fabio Minerva a déjà ressenti un sacré changement. L’année dernière, il proposait encore 50 à 60 stands. Aujourd’hui, ils sont déjà près de 90 à être inscrits. Pour le premier jour de marché, qui a lieu ce dimanche, tout est complet. «Mais si vous voulez venir, n’hésitez pas à venir vous présenter spontanément, précise-t-il. On ne sait jamais, au cas où quelqu’un ne viendrait pas…»