La guerre des avions de chasse
La société des officiers s'indigne contre l'ancien chef de l'armée

Les milieux proches de l'armée n'en finissent pas de se déchirer autour des avions de combat. La Société suisse des officiers attaque l'ancien chef de l'armée André Blattmann, qui avait remis en question le bien-fondé d'une armée de l'air.
Publié: 24.06.2021 à 12:36 heures
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Dernière mise à jour: 24.06.2021 à 12:45 heures
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Pour l'Association suisse des officiers et son président Stefan Holenstein, le comportement de Blattmann est "inacceptable et déloyal".
Photo: Keystone
Daniel Ballmer

«C'est tout simplement inqualifiable, absolument inacceptable et hautement déloyal.» C'est en ces quelques mots que Stefan Holenstein, président de la Société suisse des officiers, résume sa consternation après la prise de position de l'ancien chef de l'armée André Blattmann, qui a remis en question le bien-fondé d'une armée de l'Air suisse lundi. Peu après la publication de ce document, la presse suisse-allemande a révélé que le département fédéral de la Défense de Viola Amherd favoriserait le controversé avion furtif américain F-35.

L'analyse de André Blattmann a fait l'effet d'une bombe au sein des milieux proches de l'armée. Le militaire de carrière à la retraite arrive à la conclusion que la Suisse n'a pas besoin de nouveaux avions de combat. Ces derniers, dit-il, visent un adversaire «qui n'existe pratiquement pas dans notre théâtre d'opérations, même en période de crise et de conflit».

Blattmann estime qu'un large spectre de défense aérienne au sol, c'est-à-dire des batteries de missiles sol-air, serait suffisant pour la défense. Au lieu de 30 à 40 jets, 20 suffiraient, a-t-il déclaré, ajoutant que le projet actuel de six milliards pourrait bloquer d'autres investissements de l'armée pendant des années en raison des coûts d'exploitation.

«Il porte atteinte à la sécurité de la Suisse»

Ces critiques apportent de l'eau au moulin des opposants aux avions de chasse, qui menacent déjà de lancer une initiative contre l'avion américain controversé et font bondir les cercles favorables aux avions. «Les dégâts causés par Blattmann sont immenses. Rouvrir la discussion au moment le moins opportun porte atteinte à la sécurité de la Suisse», s'agace le président de la Société suisse des officiers Stefan Holenstein.

Avec ce document, l'ex-chef de l'armée désavouerait non seulement la conseillère fédérale Viola Amherd, mais aussi l'état-major de l'armée, tous les partis du camp bourgeois et toutes les organisations de milice, ajoute Holenstein. «Dans la société des officiers, par exemple, on parle de manque de compréhension de la démocratie ou de 'déshonneur' - et je ne ferai pas d'autres commentaires, qui seraient moins aimables.»

Une décision fondamentale pour l'armée suisse serait ici en jeu, torpillée par un ancien chef. Les analyses de Blattmann sont «effroyablement minces et en partie fondamentalement fausses». En faisant cela, il ignore tous les experts et un long processus démocratique, dit Holenstein. «C'est incroyable!»

L'ancien chef de l'armée regrette cette agitation

André Blattmann lui-même est mal à l'aise avec toute cette agitation. «Il n'était pas prévu que le document soit publié», avait assuré l'ex-chef d'armée au Blick lundi. Le document d'analyse n'était destiné qu'à un cercle restreint «Je partage l'avis que les anciens membres de l'armée ne doivent plus intervenir publiquement.»

Il regrette beaucoup que son analyse soit maintenant interprété comme un rejet de l'achat d'avions de chasse. «J'ai toujours eu un engagement total pour la Suisse et son armée», souligne-t-il. Il maintient toutefois ses réserves : «Je crains que d'autres investissements ne puissent être réalisés comme il le faudrait en raison du coût élevé des avions.» Mais cela ne signifie pas qu'il soit fondamentalement contre les nouveaux avions.

«Cela ressemble à un règlement de compte»

«Au mieux, c'était naïf», pense le président de la Société des officiers. Blattmann aurait dû être conscient que le document risquait d'être rendu public. Mais Holenstein a des doutes quant à la bonne foi de l'officier retraité, «d'autant plus qu'il persiste dans ses déclarations.»

Les officiers croient plutôt à un règlement de compte personnel. «Cela ressemble à un coup destiné au Département de la défense, car c'est sous le conseiller fédéral Guy Parmelin que le projet air-sol de Blattmann a été suspendu», dit Holenstein. Par ailleurs, Blattmann aurait probablement aimé rester en poste une ou deux années de plus.

Pour Holenstein, la réputation de Blattmann en a pris un coup: "Pour beaucoup, il est devenu persona non grata.»


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