Deux ans après la grève de 2019, les femmes redescendent dans la rue. Des milliers d'entre elles sont attendues dans tout le pays ce lundi pour manifester pour l'égalité des droits, la reconnaissance et la lutte contre les discriminations.
Pour de nombreuses femmes, faire la grève ne suffit pas. 50 ans après l'instauration du droit de vote féminin, de nombreuses organisations dont la faîtière apolitique des organisations féminines suisses alliance F avec la Commission fédérale pour les questions féminines, organisent une session parlementaire des femmes pour la fin de cette année.
Fin octobre, 246 femmes de tout le pays se réuniront au Parlement fédéral dans la salle du Conseil national pour discuter des préoccupations politiques des femmes. Cette rencontre devrait permettre de formuler des demandes concrètes auprès du Conseil fédéral et du Parlement. Les thèmes abordés vont du bénévolat au système de retraite, ou encore des violences faites aux femmes au travail de «care».
Cette année, 1'400 femmes se sont présentées et près de 12'000 électrices se sont portées volontaires pour les choisir. Les élections, qui ont eu lieu du 24 mai au 7 juin, permettront de désigner les 246 élues pour cet événement. Suite aux résultats publiés début juillet, elles pourront choisir une des huit commissions proposées.
Blick est allé à la rencontre de deux candidates.
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«Je ne peux pas rester les bras croisés»
Layla Ibrahim-Staubli est l'une des 1'400 femmes à se présenter pour un siège. La Syrienne, aujourd'hui résidente à Zofingue (AG) est arrivée en Suisse il y a sept ans en tant que réfugiée. Dans sa ville natale d'Alep, la géographe de formation travaillait à l'hôpital universitaire, où elle a dû reconstruire sa vie. Elle suit actuellement un master à l'Université de Berne et a récemment créé une petite entreprise de traiteur dans laquelle elle et d'autres femmes syriennes produisent des spécialités de leur pays d'origine.
Un journaliste lui avait signalé la session des femmes, explique-t-elle dans le jardin de la maison qu'elle habite avec son mari. Layla Ibrahim-Staubli n'a pas hésité et s'est inscrite comme candidate. «Je ne peux pas rester assise sans rien faire. L'idée de rencontrer d'autres femmes m'a séduite.»
Elle veut porter la voix des femmes migrantes au Parlement fédéral en octobre. «Les Suisses parlent beaucoup de nous, les réfugiés, dit-elle, mais ils ne connaissent pas nos expériences, notre douleur.» À Berne (et ailleurs), elle veut faire en sorte que la société, à laquelle les femmes étrangères appartiennent aussi, grandisse. «Et pour cela, nous devons devenir nous-mêmes actives», est-elle convaincue. «Peut-être que dans dix ans, une ancienne réfugiée siégera au Conseil national!».
«Sans des femmes à tous les niveaux, nous n'arriverons à rien»
Karin Stadelmann souhaitait également faire partie du Conseil national en 2019. La Lucernoise avait fait un bon résultat, mais n'avait pas réussi à être élue. Elle ne débute pourtant pas en politique: elle est la présidente du PDC de la ville de Lucerne et la vice-présidente du parti cantonal. «Il faut des femmes à tous les niveaux, sinon nous n'arriverons à rien», dit-elle.
Mais pour cela, les femmes ont besoin de se constituer un réseau. C'est pourquoi la plupart se présentent à cette session entièrement féminine. «Discuter avec un grand nombre de femmes au sujet de ce que nous pouvons mieux faire et devons exiger, c'est une énorme opportunité», ajoute Karin Stadelmann.
Les élues seront annoncées en juillet
La session offre la possibilité de porter certaines préoccupations citoyennes jusqu'au Parlement fédéral. Karin Stadelmann complète: «Le travail social par exemple n'a tout simplement pas de lobby à Berne». Sa préoccupation pour le mois d'octobre est claire: «Je veux que nous trouvions des modèles nouveaux et abordables pour les soins aux personnes âgées.» Il s'agit d'une préoccupation majeure pour de nombreuses femmes, ajoute-t-elle, et qui devient encore plus importante avec le vieillissement de la société.
Layla Ibrahim-Staubli et Karin Stadelmann ne sauront qu'au début du mois de juillet si elles sont élues. La première prend la chose calmement: «Si je suis élue je serai contente. Et si ce n'est pas le cas, je n'aurai rien perdu non plus.»
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