Une pénurie frappe actuellement la Suisse, et nous ne parlons pas ici d’énergie. Qu’il s’agisse de sirops contre la fièvre, d’antibiotiques pour enfant, de médicaments contre les poux ou la toux, d’antihypertenseurs ou encore de bloqueur d’acide gastrique… Certains médicaments sont en rupture de stock dans les pharmacies de notre pays depuis des semaines.
La situation irait même en s’aggravant, surtout pour les médicaments destinés aux enfants en bas âge. Un contexte alarmant, sachant que le besoin en médicaments est particulièrement élevé en ce moment à cause de la flambée des cas d’infection au virus respiratoire syncytial (VRS).
Un virus dangereux en circulation menace les bébés
«Les nourrissons et les jeunes enfants en particulier y sont parfois confrontés pour la première fois et ont des réactions violentes. Les infections des voies respiratoires accompagnées de fièvre et de toux sont la règle», explique au SonntagsBlick Enea Martinelli, pharmacien-chef du groupe hospitalier bernois FMI et vice-président de l’association Pharmasuisse.
Pour traiter le virus, les enfants ont notamment besoin de préparations antipyrétiques ou anti-inflammatoires comme le paracétamol ou l’ibuprofène. Or, les sirops d’ibuprofène se font actuellement rares dans les officines.
Les pharmacies appellent à ne pas céder à la panique
Des employés de la plus grande chaîne de pharmacies de Suisse, Amavita, ont été témoins de la frustration des parents. «Nous raclons les fonds de tiroirs pour trouver la moindre dernière boîte de médicaments», raconte une pharmacienne. Elle souligne toutefois que la situation ne mérite pas de céder à la panique. Elle déconseille aux parents d’acheter massivement des médicaments pour en faire des stocks.
D’autres remèdes importants sous toutefois également concernés par les pénuries. C’est le cas de l’antibiotique pour enfants Co-Amoxicilline des fabricants Sandoz et Mepha. Utilisée pour certaines infections chez les nourrissons à partir de deux mois, cette préparation est actuellement en rupture de stock dans presque toutes les pharmacies de Suisse.
Une fabrication sur place possible… mais coûteuse
En cas de nécessité, les pharmacies pourraient fabriquer elles-mêmes la Co-Amoxicilline, mais le processus est compliqué. Nicolas Lutz, propriétaire de la pharmacie Kirchenfeld à Berne, souligne les limites de la procédure: «Même si nous avons les substances actives, il nous faut beaucoup de temps et de personnel pour fabriquer l’antibiotique correspondant. C’est là que nous atteignons nos limites.»
Alors que la préparation prête à l’emploi coûte à peine dix francs pour la plus petite dose et est remboursée par les caisses maladie, l’antibiotique fabriqué en pharmacie coûterait plus de 30 francs… Et ne serait pas pris en charge par l’assurance de base. En cause: le conflit tarifaire entre les caisses et l’Office fédéral de la santé publique (OFSP).
Les confinements chinois pointés du doigt
À la source de ces pénuries, les pharmaciens évoquent des irrégularités dans la production mondiale de médicaments. Environ 60% des sites de production de substances actives destinées à l’Europe se trouvent en Asie, où les coûts sont moins élevés.
Si la fabrication y est stoppée, si des impuretés sont présentes dans les préparations, ou si la production s’arrête, la Suisse peut voir son approvisionnement limité. L’association des pharmaciens Pharmasuisse estime que le problème principal vient de la Chine: «L’approvisionnement est retardé parce qu’en Chine, où une grande partie des substances actives est produite, des confinements sont toujours imposés aux entreprises pharmaceutiques», suppute la porte-parole Martina Tschan.
Enea Martinelli a établi une liste de 782 médicaments sur ordonnance qui ne sont actuellement pas disponibles. Aucune amélioration ne semble toutefois se profiler.
(Adaptation par Louise Maksimovic)