La commune se défend
En Suisse, 49 locataires doivent partir pour laisser leur place à des réfugiés

L'Argovie veut créer de la place pour accueillir les requérants d'asile. Dans le cas de la commune de Windisch (AG), 49 locataires ont été sommés de partir pour permettre à une centaine de personnes d'arriver. La commune s'oppose «avec véhémence» aux plans du canton.
Publié: 28.02.2023 à 15:05 heures
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Dernière mise à jour: 28.02.2023 à 15:15 heures
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Julia Adams est désespérée. Avec sa famille, elle fait partie des locataires sommés de quitter leur logement à Windisch.
Photo: Donghi Ralph (dnp)
Sebastian Babic, Ralph Donghi, Lea Hartmann

L’affaire secoue le village argovien d’un peu moins de 7000 âmes de Windisch. Le canton veut y ouvrir un centre d’hébergement pour une centaine de requérants d’asile. Selon les indications de la commune, qui s’oppose à cette décision, celle-ci a conduit le propriétaire privé de trois immeubles à donner congé aux 49 locataires actuels pour la fin juin.

«Nos enfants ont tous pleuré»

Julia Adams, 39 ans, fait partie des locataires concernés. Cette scientifique vit avec son mari Michael, 42 ans, et leurs trois enfants Finja, 3 ans, Johannes, 6 ans, et Norina, 8 ans, dans l’un des appartements de l’immeuble. «Nous avons reçu le préavis en milieu de semaine dernière. Nous étions sous le choc. Nos enfants étaient là quand la lettre est arrivée. Ils ont tous pleuré.»

Aucun motif ne figurait dans la lettre de résiliation. «Ce qui est prévu pour le bâtiment, je l’ai appris par le journal. Notre espoir est de pouvoir retarder la résiliation. Mais la question est de savoir si l’on souhaite rester si l’on est aussi mal traité», soulève la mère de famille.

La nouvelle utilisation de l’immeuble n’est pas l’élément qui chagrine le plus Julia Adams. Au contraire. «Je suis quelqu’un qui aime partager. Mais ici, j’ai l’impression de m’être fait avoir. Le délai fixé est follement court, en particulier pour une famille avec des enfants scolarisés.»

Le conseil communal se défend «avec véhémence»

Ni le conseil communal ni l’administration communale n’ont été informés au préalable de l’exécution de ces résiliations, peut-on lire dans un communiqué de la chancellerie communale.

Lors d’un entretien le 17 février, la commune avait déjà attiré l’attention du canton sur le fait qu’elle n’accepterait pas «que des locataires soient mis à la rue pour héberger des requérants d’asile».

Selon les informations de la radio SRF, les immeubles appartiennent à une société anonyme active dans la gestion d’immeubles et d’appartements, 1drittel Aleph AG, dont le siège est à Wollerau, dans le canton de Schwytz. C’est cette société qui aurait prononcé la résiliation.

Selon ses propres déclarations, le conseil municipal s’oppose «avec véhémence à l’expulsion de ses habitants de leur logement». Dans sa prise de position, l’exécutif municipal craint qu’il sera difficile, voire impossible, de trouver un logement dans le segment des prix bas, en particulier pour les personnes qui se trouvent déjà dans une situation financière tendue.

«J’ai peur de me retrouver à la rue»

C’est justement le cas de Björn Waltert, 32 ans, résident et bénéficiaire de l’aide sociale. «Depuis que nous avons reçu la résiliation, je cherche des appartements partout. Je suis limité en termes de prix et mon chien rend la recherche encore plus difficile.»

«On est à la fois en colère et triste. C’est une accumulation d’émotions. Rien que l’année dernière, j’ai déménagé trois fois. Je pensais vraiment que j’avais enfin trouvé un foyer, se lamente Björn Waltert, abattu. Le rêve serait que nous puissions tous rester. La commune s’engage beaucoup pour nous, d’après ce que j’ai entendu.» Le trentenaire ne sait pas comment les choses vont évoluer: «J’ai même peur de me retrouver à la rue.»

Le conseil communal s’exprime de manière tout aussi préoccupante dans sa prise de position: «Le fait que le canton aille maintenant jusqu’à louer même des immeubles habités, en sachant qu’il faudra pour cela résilier le bail des locataires, suscite une grande perplexité au sein du conseil communal. Dans ce cas, il n’y a aucune trace de retenue et de proportionnalité.» Le conseil communal attend du canton qu’il renonce à la location des immeubles concernés.

Le canton reste discret

Contacté lundi soir, le département de la santé et des affaires sociales du canton d’Argovie a indiqué qu’il s’agissait d’une location régulière de deux anciens immeubles dont l’assainissement est imminent et non d’une réquisition.

Le Service social cantonal (SSC) a confirmé avoir reçu mercredi une lettre du conseil communal de Windisch. Il répondra dans les prochains jours. Le SSC ne souhaite pas régler les différends existants par le biais des médias. Le public sera informé du contenu de sa réponse une fois qu’il aura répondu à la commune.

«Le problème ne fait qu’être déplacé»

Heidi Ammon, 63 ans, présidente de la commune de Windisch, partage son effarement à Blick: «Je ne peux pas comprendre que l’on prononce de telles résiliations.» Le contrat de location entre le propriétaire et le canton a été fixé à trois ans. On spécule déjà dans la commune sur la possibilité de construire un nouveau bâtiment au même endroit à l’expiration du bail.

«Nous partons du principe que le centre d’hébergement pour demandeurs d’asile prévu est une solution intermédiaire», prévoit la représentante de la commune. Les biens immobiliers concernés ne sont actuellement pas dans un état qui leur permet d’être occupés pendant des années. De cette manière, on se donne le temps de préparer une demande de permis de construire. «Je souhaite que le canton reconsidère la question et que les locataires puissent continuer d’habiter ici», espère Heidi Ammon.

Les résiliations suscitent également l’indignation de Luzia Capanni, conseillère en intégration et partisane du PS à Windisch. «Les locataires dont le contrat a été résilié n’auront pas la tâche facile pour trouver un nouveau logement bon marché», dénonce-t-elle. S’ils n’y parviennent pas, c’est à la commune de s’occuper d’eux. «Cela ne fait que déplacer le problème. Ce n’est pas possible!» La socialiste critique en outre la communication entre le canton et la commune.

«Ce n’est pas que Windisch se moque d’accueillir des réfugiés. Dans notre commune, il y a déjà deux centres d’accueil cantonaux pour les demandeurs d’asile», ajoute Lucia Capanni. L’un accueille actuellement 20 mineurs non accompagnés et l’autre de jeunes adultes, auxquels s’ajoutent de nombreux Ukrainiens. «De plus, le centre fédéral d’asile de Brugg représente également une charge pour Windisch. Le canton ne soutient pas la commune.»

(Avec l’ATS)

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