Marco G.* a déjà rempli d'innombrables rayons et scanné des millions de codes-barres. Le salarié trentenaire travaille depuis 15 ans chez Coop, où il a gravi les échelons d'apprenti à responsable de filiale. Durant cette période, il n'a cependant que rarement vu un ou une collègue partir chez Aldi ou Lidl. «Je ne me souviens que de trois cas de ce genre», dit-il dans un entretien à Blick.
C'est surprenant. Car dans le commerce alimentaire suisse, la course au salaire minimum le plus élevé fait rage – Coop et Migros ont depuis longtemps été distancés par les discounters allemands dans ce domaine.
Jusqu'à 7098 francs de différence par an
Chez Aldi Suisse, le salaire minimum pour les personnes non qualifiées s'élève désormais à 4646 francs par mois, la durée hebdomadaire de travail étant de 42 heures. Chez Lidl Suisse, la semaine de 41 heures est en vigueur et le salaire minimum est de 4500 francs. Un 13e mois de salaire est garanti chez les deux discounters.
Migros et Coop n'offrent en revanche que 4100 francs aux personnes non qualifiées, Migros souhaitant augmenter ce montant de 100 francs d'ici 2024. Actuellement, la différence avec les discounters peut donc atteindre 546 francs par mois, voire 7098 francs par an – un joli pactole, surtout pour les bas salaires.
Comment se fait-il que les géants orange ne connaissent pas d'exode de leur personnel malgré cette différence? Qu'est-ce qui retient une vendeuse ou un vendeur qui gagne 4100 francs à la caisse de Coop ou de Migros, alors qu'ils pourrait obtenir 10% de plus chez Aldi ou Lidl?
Moins de magasins
Marco G. esquisse plusieurs explications possibles. «L'une des raisons est certainement qu'Aldi et Lidl ont beaucoup moins de magasins, notamment à la campagne», dit-il. Pour de nombreux employés de Coop et Migros, un changement n'est pas envisageable, ne serait-ce qu'en raison du trajet plus long à parcourir pour aller travailler. «Les gens qui ont des enfants, en particulier, ont besoin de pouvoir rentrer chez eux à midi pour leur faire à manger.»
Une autre raison est la charge de travail. «Chez les discounters, il y a moins de personnes disponibles pour la même surface», explique cet employé de longue date du commerce de détail. Les salariés doivent donc décharger plus de palettes par personne: «Ce n'est pas forcément une mauvaise chose, mais cela peut être une charge pour les employés plus âgés.»
Anne Rubin, responsable du commerce de détail au syndicat Unia, a observé que les possibilités de carrière et de formation sont plus larges chez Coop et Migros que chez les discounters. Le thème du temps partiel est également important: «Lidl et Aldi ont tendance à avoir des taux d'occupation garantis plus bas et une plus grande flexibilité horaire. Presque seuls les directeurs ou directrices de magasin et leurs adjoints et adjointes travaillent à temps plein.» Un coup d'œil sur les offres d'emploi le confirme.
Autres avantages
De leur côté, Coop et Migros mettent également en avant leurs prestations de caisse de pension et «de très bonnes prestations salariales annexes». La porte-parole de Coop parle de primes de fidélité et de nombreux autres avantages, alors que sa consœur de Migros met en avant une contribution d'au moins 800 francs par an pour des offres à l'Ecole-club ou dans les domaines du fitness et des loisirs.
Chez Lidl, on ne veut pas spéculer sur les raisons qui freinent le personnel de Coop et Migros à postuler en masse. Aldi aborde la question de manière plus joueuse: «Nous sommes heureux pour nos concurrents que leurs collaborateurs leur restent fidèles», écrit le service de presse. Et d'ajouter avec un clin d'œil: «Nous pouvons, nous aussi, compter sur l'engagement dynamique de nombreux collaborateurs de longue date, dont certains sont fidèlement à nos côtés depuis la naissance d'Aldi Suisse.»
Aldi aborde ainsi un aspect que mentionne également Marco G., collaborateur de Coop: «Beaucoup restent fidèles à leur entreprise tout simplement parce qu'ils ont peur du changement – et parce qu'ils se plaisent assez bien chez leur employeur actuel.»
*Nom connu de la rédaction