«Elle est la grande victoire de ma vie»
Elle dépose son enfant dans une boîte à bébé, puis le retrouve

En novembre dernier, Camille* donnait naissance dans l'urgence à une petite fille chez elle, après un déni de grossesse total. Désemparée, elle dépose l'enfant dans une «boîte à bébé». Rattrapée par ses émotions, elle a décidé de le retrouver. Elle témoigne pour Blick.
Publié: 20.09.2021 à 12:12 heures
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Dernière mise à jour: 23.09.2021 à 09:04 heures
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Victoire, dix mois, dans les bras de sa maman.
Photo: Luisa Ita
Luisa Ita (texte), Alexandre Cudré (adaptation)

Le visage de Camille*, 40 ans, est empli de larmes alors qu’elle parle de son histoire à Blick. La culpabilité la tourmente: elle s’éponge les joues avec un mouchoir et regarde sa petite Victoire avec tendresse.

Elle tient sa petite fille de dix mois dans ses bras. Pendant ce temps, le bébé aux yeux bleus brillants rit joyeusement. «Je ne sais pas comment je pourrai lui annoncer ça, quand elle sera grande. J’ai tellement peur de sa réaction», dit-elle.

Un déni de grossesse total

La fillette est née en novembre dernier. Elle n’était pas désirée. «Jusqu'à la fin, je n'ai pas remarqué que j'étais enceinte, raconte Camille. On ne voyait rien et j’avais toujours mes règles.»

Elle n'est donc jamais allé chez les médecin. Au pire a-t-elle ressenti quelques douleurs dans le dos, qu'elle a attribué à sa grande charge de travail. «Un jour, j’ai eu mal au ventre et je suis allée aux toilettes, dit-elle. Une minute plus tard, elle arrivait.»

Elle accouche seule dans sa salle de bains

L'accouchement a lieu dans sa salle de bain. Elle est seule. «Ensuite, j’ai trouvé une paire de ciseaux pour couper le cordon ombilical. Je n’avais aucune idée de ce que je faisais, alors j’ai coupé comme je pouvais», poursuit-elle.

Alors qu’elle était encore sous le choc, le placenta s’est détaché et s’est écoulé. Elle l’a jeté dans les toilettes et tiré la chasse d’eau. «C'était comme dans un film. Je me suis retrouvée avec un bébé dans les bras sans comprendre d’où il venait», explique-t-elle.

Cependant, elle refuse de chercher de l’aide dans son entourage. Toujours sous le choc de son déni de grossesse, elle avait peur que les gens ne la croient pas.

«Ensuite, j’ai essayé de l’allaiter, mais ça ne venait pas», continue-t-elle avec émotion. «Je l’ai enveloppée dans des couvertures, je l’ai mise dans mon lit et j’ai couru au magasin le plus proche pour acheter du lait pour bébé.»

«Je voulais me réveiller de ce cauchemar»

Complètement dépassée, elle a essayé de faire face à son premier jour avec le nourrisson. «Je pleurais beaucoup. Je voulais juste me sortir de cette situation. Je voulais me réveiller de ce cauchemar.»

Camille pensait alors qu’elle ne serait pas à la hauteur de son rôle de mère. Elle voulait une vie meilleure pour son enfant et la savoir en sécurité. «J’ai trouvé la boîte à bébé sur le net et j'ai appelé le numéro qui était indiqué. Au téléphone, ils ont essayé de me convaincre qu’une enfant a besoin de sa mère et que je pouvais m’en sortir», énonce-t-elle d’une voix larmoyante.

On lui a également proposé de l’aide, mais sa décision était prise. «Le lendemain matin, je me suis rendue en voiture à la boîte à bébé la plus proche. J’y ai déposé Victoire avec une lettre.»

Elle craignait d’aller en prison

Pourtant, déposer l’enfant dans la «fenêtre à bébé» de l’hôpital Bethesda de Bâle a été tout sauf facile pour Camille. «J’avais très peur. Sur le moment, je voulais mourir. Mais je souhaitais aussi que mon bébé soit entre de bonnes mains, ce qui n’était pas le cas avec moi.»

«Je n’étais pas moi-même, continue-t-elle. J’aurais fait confiance à n’importe qui à ce moment-là.» Après avoir déposé le nouveau-né, elle est allée au travail, comme d’habitude, sans en dire un mot à qui que ce soit.

Mais rien n’était plus pareil. Le bébé commençait à lui manquer et elle voulait savoir comment il allait. Elle a alors commencé à appeler anonymement, et régulièrement, l’équipe de l'association Baby Window, responsable de la boîte à bébé.

«Je ne voulais pas donner mon nom car je pensais avoir fait quelque chose d’interdit, dit-elle. J’avais peur d’aller en prison, même s’ils m’ont toujours assuré que ça n’arriverait pas.»

Dans une famille d'accueil

Finalement, ses émotions l’ont emporté et la quadragénaire a osé faire confiance à l'association. C'était déjà plusieurs semaines après l'accouchement.

«J’ai dû faire un test ADN et attendre un mois pour avoir le résultat. Puis j’ai été autorisée à aller rendre visite à Victoire dans sa famille d’accueil. La première rencontre était très émotionnelle. La petite a ri et je l’ai prise dans mes bras.»

La famille d'accueil était elle aussi très émue et contente de voir le bébé retrouver sa mère. Si Camille n'était pas revenue, l'enfant serait ensuite parti en famille d'adoption. «En rentrant, j'ai eu peur qu'elle ne m'aime pas et veuille retourner avec sa famille d'accueil, mais tout s'est bien passé.»

Une amie proche passe la nouvelle

À ce stade, sa famille, ses amis et le père de l’enfant ne sont pas au courant. «Je me suis confiée à une amie proche. Je lui ai demandé de transmettre la nouvelle aux autres, c’était trop dur de le faire moi-même.»

Elle caresse doucement la tête de son enfant. «Son père vit loin d’ici. Nous étions en couple jusqu’à quatre mois avant la naissance. La nouvelle l’a choqué, mais il aimerait quand même voir Victoire un jour.»

«Elle est la victoire de ma vie»

Depuis, la mère et la fille vivent à deux. «Je travaille de nuit et mon voisin, un retraité, garde Victoire. Je peux passer mes journées avec elle», explique-t-elle. Elle se dit stressée et épuisée, mais elle ne veut plus manquer une seconde de la vie de son bébé. Elle dit encore ressentir beaucoup de culpabilité.

En parlant de manière publique, elle souhaite encourager d’autres mères dans le besoin et remercier l’équipe de Baby Window pour en engagement. Bien qu’elle sait que la vie lui réserve encore bien ses surprises, son monde tourne désormais autour de Victoire, qu’elle a nommée ainsi en conséquence. «Elle est la victoire de ma vie.»

*prénom d’emprunt

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