Martin Meier s'y connaît en records. Ce boulanger argovien a confectionné un jour la plus grande tourte aux carottes du monde: 5 mètres de diamètre et plus de 500 kg! Tous les habitants de Mägenwil (AG) ont pu avoir une part.
Mais l'heure n'est plus aux réjouissances ni à la rigolade. Car le quinquagénaire est inquiet pour les temps qui viennent: «Je paierai l'électricité deux fois plus cher en 2023. Il va falloir sacrément se serrer la ceinture...»
Les boulangeries figurent parmi les entreprises les plus touchées par ce boom des prix de l'électricité: les fours, très gourmands en énergie, ne laisseront plus beaucoup de marge à Martin Meier. Concrètement, son commerce paiera 11'000 francs par mois rien que pour l'électricité, au lieu des 6000 actuels. «Avec cette différence, je paie un salaire entier», déclare l'Argovien, consterné.
Les prix vont augmenter
Ce coup, ou coût, est d'autant plus dur à avaler que le commerce de Martin Meier est jusqu'ici une réussite totale. Il a repris la boulangerie il y a sept ans et emploie aujourd'hui 40 personnes. L'entreprise fait la fierté du village avec ses spécialités — quelque 600 clients viennent quotidiennement s'y approvisionner. «Mais je n'ai jamais dû faire face à une telle situation», explique-t-il.
L'entrepreneur veut lutter contre cette hausse de l'électricité par tous les moyens possibles, mais il n'exclut pas des hausses de prix en dernier recours: «J'espère que la qualité et le service nous permettront de garder la confiance des clients...»
Martin Meier n'est pas un cas isolé: les boulangeries sont «lourdement concernées», des deux côtés de la Sarine, selon l'Association suisse des patrons boulangers-confiseurs. Mais il y a, comme pour les différentes régions du pays, des fortunes diverses, souligne son président, Urs Wellauer-Boschung.
«Que fait le Conseil fédéral?»
Les boulangeries qui consomment moins de 100'000 kilowattheures par an continuent d'acheter leur électricité dans le cadre de l'approvisionnement de base et ne s'en sortent pas si mal. Ce sont les plus grosses entreprises, comme celle de Martin Meier, qui paient le plus lourd tribut: elles doivent acheter l'électricité sur le marché libre.
Dans le cas de l'Argovien, le timing est particulièrement mauvais, puisqu'il a dû renouveler son contrat avec les fournisseurs d'énergie précisément cette année...
En Allemagne, les prix élevés de l'électricité poussent de plus en plus de boulangeries à la faillite. Pour éviter que ce scénario ne menace de ce côté-ci du Rhin, Urs Wellauer-Boschung interpelle rien de moins que le gouvernement: «Le Conseil fédéral doit stabiliser les prix de l'électricité. Il devrait être possible pour les entreprises du marché libre de passer à l'approvisionnement de base ou du moins prolonger la durée des contrats existants.»
D'après le directeur de la faîtière, les boulangeries participent à l'effort collectif en réduisant leur consommation d'électricité. «Notre secteur fait sa part du travail», insiste le patron de l'Association suisse des patrons boulangers-confiseurs. Sera-t-il entendu par le Conseil fédéral?