Cette affaire est d'autant plus tragique que, deux ans plus tôt, un autre bébé de cette femme était mort dans des circonstances similaires. A l'époque toutefois, la procédure pénale avait été classée, les causes du décès n'ayant pas pu être clairement établies.
Le décès de la fillette en 2020 est «un remake en tous points» du drame de 2018, «c'est la triste et sordide réalité», a relevé le procureur Jean-Marie Ruede. Il a décrit la prévenue, une Anglaise de 39 ans, comme une personne qui «noie son mal-être psychique» dans une consommation intensive d'alcool.
C'est ce qui ressort également du rapport des experts psychiatriques: l'accusée souffre «de longue date» de troubles de la personnalité, avec des traits «borderline», ainsi que d'une relation «toxique» à l'alcool.
Le Parquet n'a pas réclamé de peine
Selon le procureur, cette femme doit être reconnue coupable d'homicide par négligence. Il a toutefois renoncé à réclamer une peine, au motif que l'accusée se trouvait «en état d'irresponsabilité totale» au moment des faits.
Et pour cause, lorsqu'elle a étouffé son bébé, la mère était plongée dans un coma éthylique. C'est sa fille aînée, âgée de 6 ans à l'époque, qui avait été alertée par les gémissements de sa petite soeur et avait appelé des voisins à l'aide. La mère avait été contrôlée plus tard avec un taux d'alcool dans le sang de 3,16 pour mille.
Pour l'avocat de la prévenue également, il faut conclure à l'irresponsabilité complète de sa cliente. Lorsqu'elle commençait à boire, rongée par «ses conflits internes», elle n'avait «plus les ressources» pour s'arrêter, elle ne «maîtrisait plus rien», a dit Me Patrick Sutter.
Tout le monde aurait dû faire plus et mieux
Dans leur plaidoirie, tant le procureur que l'avocat ont insisté sur «les manquements» et «le sentiment de gâchis» suite au premier drame de 2018. Selon eux, les services sociaux, les médecins et même le mari, critiqué par le procureur pour sa «passivité», auraient dû en faire davantage.
«Pourquoi aucune mesure de précaution n'a été prise?», a demandé Me Sutter. Il s'est dit «convaincu» que si un diagnostic psychiatrique avait été posé en 2018, que si «des choses avaient été mises en place», le drame de 2020 aurait pu être évité.
Il a en effet fallu la mort du deuxième bébé pour que la mère bénéficie d'un véritable suivi. Un traitement qui, à en croire la prévenue, semble fonctionner. Elle a notamment raconté qu'elle n'avait plus bu une goutte d'alcool depuis octobre 2020.
Elle est sobre depuis les faits
«J'ai compris et accepté que je n'avais aucun contrôle sur l'alcool», a-t-elle dit. Elle a aussi affirmé avoir saisi la nature de ses troubles psychiques et l'importance d'un suivi. «Je sais que c'est nécessaire», a-t-elle assuré.
Pour le procureur, ce traitement ambulatoire, à la fois psychiatrique, addictologique et psychothérapeutique, doit se poursuivre aussi longtemps que les experts le jugeront nécessaire.
Avant de fondre en larmes durant les plaidoiries, la mère est restée imperturbable durant une bonne partie de l'audience. Dans ses propos en anglais, traduits par une interprète, elle a notamment raconté que «la paix» était revenue au sein de sa famille, même si «la phase de reconstruction» n'était pas encore terminée.
La maman se rachète une conduite
Appelé comme témoin, le mari a aussi affirmé que son épouse avait «complètement changé» par rapport à 2020 et qu'elle était désormais «une super maman».
A noter que le couple, qui vit désormais dans le canton de Genève, a eu une quatrième fille en mai dernier. Celle-ci a toutefois été placée dès sa naissance dans un foyer par le Tribunal de protection de l'enfant.
La fille aînée vit, elle, avec le couple. La mère peut à nouveau être seule avec elle, ce dont elle a été interdite pendant environ une année. Le Tribunal correctionnel de La Côte rendra son verdict mardi prochain.
(ATS)