Le ciel est tombé sur la tête des familles d’enfants handicapés, ce week-end. Comme l’a révélé la «NZZ am Sonntag», l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) va mettre en place un plafond des remboursements pour certains appareils, mettant le reste de la facture à charge des familles concernées. L’économie pour la Confédération est de l’ordre de 40 millions de francs, la douloureuse pour les familles jusqu’à 1000 francs par mois.
«La plupart des enfants touchés ont sans doute des maladies chroniques qui coûtent cher et, du jour au lendemain, ils vont devoir trouver d'autres solutions ou payer de leur poche un traitement quotidien», a regretté le président de Procap, Laurent Duvanel.
A gauche et au centre de l’échiquier politique, les réactions ont fusé. Jusqu’au sein du parti d’Alain Berset, dont le département chapeaute l’OFAS: «L’UBS peut envoyer sa facture de 9 milliards de francs pour le sauvetage de Credit Suisse directement à la Confédération. Pendant ce temps, les parents d’enfants sévèrement atteints sont laissés en plan», a tweeté la coprésidente du Parti socialiste, Mattea Meyer.
Baptiste Hurni, conseiller national du parti à la rose, a également fait part de son mécontentement. «Quel degré de mépris faut-il pour sauver une banque à coups de milliards un jour et couper dans la santé presque le lendemain?», a interrogé le Neuchâtelois sur les réseaux sociaux. Celui qui préside par ailleurs la section romande de la Fédération suisse des patients (FSP) et vise le Conseil des États cet automne a accepté d’étayer son coup de gueule pour Blick.
Désormais, à chaque décision qui irrite la gauche, vous allez rappeler le prix du sauvetage de Credit Suisse?
Je ne suis pas idiot, je sais que le sujet en question n’a pas grand-chose à voir avec les banques. Mais il y a une dimension symbolique: on garantit sans problème des centaines de milliards pour des établissements financiers, et en parallèle, on racle les fonds de tiroir pour économiser 40 millions de francs par an. J’ai vraiment de la peine à comprendre ce choix.
La décision du DFI suscite une immense levée de boucliers depuis ce week-end, ce d’autant plus qu’elle est réalisée par une ordonnance, dans le dos du Parlement. Comment l’expliquez-vous?
Depuis la crise du Covid, il y a une forte pression de la part du Département des finances (DFF) pour économiser partout où l’on peut. J’imagine que cette décision s’inscrit dans ce contexte. Mais viser les familles d’enfants handicapés, c’est choquant. On nous avait toujours assuré, lors des discussions au Parlement, qu’elles ne seraient pas affectées.
Dans la «NZZ am Sonntag», la Confédération se justifie en expliquant qu'avec ce changement, les entreprises qui fournissent les appareils ne pourront «plus facturer n’importe quel prix». L’argument ne vous paraît pas valable?
Peut-être qu’il y avait effectivement des excès, on le saura puisque mon collègue Christian Lohr (Centre/TG) a déposé une intervention pour que le Conseil fédéral explique sa décision. Mais, souvent, les enfants handicapés ont fait des essais avant de trouver les moyens auxiliaires qui les aident au quotidien, et c’est difficile de les changer lorsqu’ils ont pris leurs habitudes. Franchement, économiser là, qui plus est sur le dos des familles, c’est incompréhensible.
Le Conseil fédéral risque-t-il de faire machine arrière, selon vous?
On verra déjà les suites de l’interpellation de Christian Lohr, mais oui, c’est à espérer.
Reste que le coût de la santé est plus que jamais un problème d’actualité, avec les primes-maladie qui risquent de flamber encore à l’automne. N’y a-t-il vraiment aucune solution?
Il faut le dire sans tabou: nous sommes dans l’impasse. Il faut le reconnaître et le dire ouvertement, ce qui permet ensuite d’analyser les options. Au cours de cette législature, le Conseil fédéral a tenté beaucoup de choses, à commencer par fixer un prix de référence pour les médicaments. Mais le Parlement a toujours refusé, ce qui nous met les pieds au mur.
Quels seraient vos remèdes?
Il y a deux axes à distinguer: d’un côté ce que les gens paient, et de l’autre le système de santé dans sa globalité. Concernant le premier point, les augmentations de cet automne vont encore empirer les choses. Mais le Parlement agit, notamment avec le contre-projet de l’initiative sur le plafonnement des primes. Pour le second point, il faut se rendre à l’évidence: notre système actuel ne fonctionne pas.
Pourquoi?
Dans le système LaMal actuel, il y a des gens qui gagnent beaucoup trop d’argent, d’autres pas assez. Jusqu’ici, on a toujours essayé de boucher les trous, de corriger avec des petites mesures qui font souvent apparaître de nouveaux problèmes. Il faut avoir le courage d’aller plus loin, de constater que de se baser sur l’offre et la demande ne suffit pas. Nous devons redonner du pouvoir aux cantons et à la Confédération pour la planification de la santé.
Il y a néanmoins des facteurs sur lesquels il est difficile d’agir. Par exemple les paramètres démographiques.
C’est sûr, les baby boomers qui vieillissent mettent le système de santé sous pression, parce qu’ils vont avoir besoin de soins qui vont coûter cher. Là-dessus, la politique n’a pas beaucoup d’emprise. Mais il y a bien assez d’endroits où agir: pourquoi la Suisse est le seul pays qui persiste sans prix de référence pour les médicaments, par exemple? Cela permettrait d’économiser 400 millions, soit dix fois plus que la mesure évoquée ce week-end. Avec une politique différente, un rééquilibrage du système est possible.