Initiatives parlementaires
Hausse des loyers, moins de droits... Les partis bourgeois attaquent les locataires

Les prix des loyers ont pris l'ascenseur dans tout le pays. Alors que la gauche souhaite une réglementation pour empêcher les pratiques abusives, la droite et les propriétaires fonciers cherchent à réduire les droits des locataires.
Publié: 05.09.2022 à 12:16 heures
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Dernière mise à jour: 05.09.2022 à 12:18 heures
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L'ex-conseiller national UDC et patron de l’Association des propriétaires fonciers (HEV), Hans Egloff, veut davantage restreindre les droits des locataires.
Photo: EQ Images
Thomas Schlittler («Beobachter»)

Une famille avec trois enfants. Leur souhait: que chaque enfant ait sa propre chambre. Mais la recherche d’un appartement de 5,5 pièces dans la ville de Zurich est une pure frustration. Mi-août, Homegate.ch propose tout juste cinq appartements: 2940 francs, 3780 francs, 4000 francs, 5310 francs, 12’200 francs. Qui va payer cela?

Les prix des loyers n’ont pas seulement augmenté de manière significative à Zurich, mais aussi dans tout le pays. En juillet, les appartements coûtaient en moyenne 11,4% de plus qu’il y a douze ans. C’est ce que montre l’indice officiel des loyers de la Confédération, qui prend en compte les baux existants et nouveaux.

De nombreux loyers «abusifs»

Cette évolution donne à réfléchir. En effet, les propriétaires ont profité ces dernières années de taux d’intérêt hypothécaires records. En vertu de la loi, les locataires auraient également dû en profiter. Car en louant, on ne peut pas simplement gagner autant que le marché le permet. Si les bailleurs obtiennent un «rendement excessif», c’est abusif selon le Code des obligations. Les locataires pourraient alors contester le loyer initial.

Les abus sont nombreux. Le rendement net maximal autorisé pour la propriété immobilière est actuellement de 3,25%, a décidé le Tribunal fédéral il y a deux ans. Mais de nombreux bailleurs encaissent davantage. Si tous les loyers actuels en Suisse étaient examinés, «une bonne partie» serait considérée comme abusive. Ce n’est pas n’importe qui qui le dit, mais Martin Tschirren, directeur de l’Office fédéral du logement (OFL), qui l’a déclaré à la «Handelszeitung».

Martin Neff, économiste en chef du groupe Raiffeisen, ne s’étonne pas plus que cela de la déclaration du directeur de l'OFL: «Je suis seulement surpris que l’OFL n’ait pas souligné cette anomalie bien plus tôt.»

Le fait que de nombreux bailleurs réalisent des rendements élevés injustifiés est en effet connu depuis des années. «Ce ne sont pas seulement les marges bénéficiaires des grands groupes immobiliers qui le prouvent, mais aussi plusieurs études», poursuit l'économiste.

Interventions de la gauche

Ces déclarations apportent de l’eau au moulin de la gauche, qui essaie depuis des années de mettre un terme à la hausse des loyers et aux rendements excessifs des bailleurs.

La socialiste zurichoise Jacqueline Badran et son collègue de parti Carlo Sommaruga, président de l’Association suisse des locataires (Asloca), ont déposé deux interventions de même teneur au Conseil national et au Conseil des Etats. Ces textes demandent une «obligation de révision périodique du rendement des revenus locatifs dans l’immobilier résidentiel». Ils veulent ainsi s’assurer que les loyers répondent à l’avenir aux exigences légales.

Les deux interventions seront présentées au Parlement lors de la session d’automne, en ce mois de septembre. Fin juin, la commission juridique du Conseil national a recommandé le rejet de l’intervention de Jacqueline Badran – d’extrême justesse, par douze voix contre onze.

Les bourgeois cherchent à réduire les droits des locataires

Hans Egloff, président de l’Association des propriétaires fonciers (HEV) et ancien conseiller national UDC, a eu plus de succès. Sa demande de rendre la sous-location plus difficile pour les locataires et de faciliter la résiliation en cas d’infraction a reçu le soutien de la commission juridique.

Le feu vert a également été donné à une initiative de la conseillère nationale PLR Christa Markwalder, qui veut faciliter la résiliation du bail pour cause de besoin personnel du bailleur.

Ces projets seront soumis à la Chambre des cantons lors de la session d’hiver. Natalie Imboden, secrétaire générale de l’Asloca, met en garde: «Ces projets affaibliraient sensiblement les droits des locataires.» Et tout cela ne serait qu’un début. «D’autres initiatives sont dans le pipeline, qui entraîneraient même des augmentations de loyer, notamment en cas de changement de locataire», poursuit-elle.

Concrètement, il s’agit de deux autres initiatives du président de l’HEV. L’une veut rendre plus difficile pour les locataires la contestation du loyer initial. L’autre veut permettre aux bailleurs de prouver plus facilement que le loyer d’un appartement est conforme aux usages locaux et de quartier et de légitimer ainsi le tarif demandé.

Accusations réciproques

Hans Egloff estime que les bailleurs sont traités injustement dans les deux domaines: «La contestation du loyer initial représente une énorme atteinte à la fidélité contractuelle.» Selon lui, une telle intervention doit être limitée à des cas absolument exceptionnels.

En ce qui concerne la preuve d’exiger un loyer conforme aux usages locaux, les tribunaux auraient là aussi des critères «exagérés et éloignés de la pratique». «Ils posent des exigences tellement élevées quant au détail des critères de comparaison que la preuve ne peut pas être apportée avec un effort raisonnable», affirme Hans Egloff.

Pour la représentante des locataires Natalie Imboden, il est clair que «le lobby immobilier travaille à une libéralisation rampante du droit de la location».

Hans Egloff ne veut rien savoir de telles accusations: «Il est ridicule de qualifier les interventions mentionnées de libéralisations.» Le président de l'HEV affirme ne pas vouloir toucher à la protection des locataires ni faciliter les augmentations de loyer. «C’est de la pure propagande», fustige-t-il.

Il juge également l’évolution des tarifs différemment de l’association des locataires. Les loyers existants sont en baisse depuis des années, dit-il. Pour les nouvelles locations, il y a certes eu une augmentation des prix «selon la région», mais elle est due «en grande partie à l’augmentation considérable de la surface habitable et à la hausse constante des normes de construction».

Pas d’accord en vue

Le conflit s’envenime. Les évaluations de la situation ne pourraient pas être plus différentes. Il n’y a actuellement guère de dénominateur commun pour une discussion fructueuse. D’autant plus qu’en juillet, les désaccords se sont encore aggravés.

Le ministre de l’Économie, Guy Parmelin, a invité l’Asloca à participer à un groupe de travail sur le droit du bail. L'association a refusé: «Le mandat proposé par l’Office fédéral du logement ne tient pas compte des préoccupations réelles des locataires.» Seules les demandes favorables aux bailleurs seraient reprises – dans le but de légaliser les loyers déjà trop élevés aujourd’hui et de renforcer le principe des loyers du marché.

Lutter au niveau régional

C’est pourquoi l’Asloca se concentre de plus en plus sur la politique régionale dans sa lutte pour la réduction des loyers. Fin 2021, Bâle-Ville a adopté une initiative pour la protection du logement qui vise à mettre un terme aux hausses de prix excessives lors de rénovations.

Des réglementations similaires existent depuis longtemps à Genève et dans le canton de Vaud. «Nous examinons actuellement où nous pourrions faire passer des projets comparables», explique Natalie Imboden. C’est surtout dans les grandes agglomérations que l’on dispose des majorités nécessaires.

(Adaptation par Quentin Durig)


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