Selon le Parti socialiste genevois, les travailleurs les plus modestes, autrement dit quelques de 135'000 personnes, devraient recevoir un chèque de 300 francs par ans pour les soins dentaires de prévention. Le parti lance aujourd'hui son initiative cantonale «Pour des soins dentaires accessibles à toute la population».
Comme chacun le sait, contrairement à nos voisins français, par exemple, le sourire n'est (en principe) pas remboursé en Suisse. L'assurance maladie obligatoire ne couvrant «les coûts des soins dentaires que s’ils sont occasionnés par une maladie grave», peut-on lire sur le site de la Confédération.
En 2017, la RTS titrait que «près de 180'000 Suisses renoncent à des soins dentaires en raison du coût» chaque année. Pourtant, les initiatives cantonales qui ciblent cette problématique, en général pour intégrer les soins dentaires dans l'assurance maladie d'une façon ou d'une autre, ont clairement tendance à échouer. La dernière en date: en septembre 2022, dans le canton de Neuchâtel, l'assurance dentaire obligatoire a été refusée à 63,24% par la population.
À Genève, le PS tente sa chance en passant par un autre chemin: s'adresser directement à la population, sans forcément s'attaquer aux assurances. Carole Anne Kast, maire de la Ville d'Onex et candidate au Conseil d'Etat, est l'une des chevilles ouvrières du projet. En quatre réponses, elle nous dit pourquoi elle pense que cette initiative peut faire la différence.
Avoir de belles dents, c’est un luxe en Suisse?
En tous cas, ça ne devrait pas l’être. Ce n’est pas une question d’esthétique, mais de santé… La santé est un droit, pas un luxe. Or, comme tous le savent, les soins dentaires ne sont pas inclus dans les offres d’assurances maladie de base. Résultat: aujourd’hui, nous savons qu'entre 6% et 20% de la population suisse renonce à ces soins, faute de moyens. Et je pense que la prévention est également une partie du problème. Si tout le monde allait faire un contrôle annuel, cela éviterait les grosses interventions coûteuses. Mais beaucoup de personnes renoncent au dépistage régulier faute de moyens, et n’y vont que lorsque la douleur devient trop insupportable. À ce moment-là, la facture l’est tout autant.
Comment en est-on arrivé là, d’après vous?
Je n’ai pas d’explication toute faite. Mais, lorsque la LAMal (ndlr: Loi fédérale sur l’assurance maladie) a été instaurée à la fin des années 1990, les soins dentaires devaient en faire partie intégrante, de base. Puis, sous la pression parlementaire, ils ont été retirés de la loi. Depuis, c’est une affaire privée. On estime que les ménages paient aujourd’hui eux-mêmes 90% de la facture dentaire, contre 55% environ dans les autres pays d’Europe.
Rendre les soins dentaires plus accessibles: beaucoup ont essayé, ces dernières années. Sans succès. Pourquoi votre initiative ferait-elle la différence?
Contrairement à ses prédécesseurs, cette proposition du parti socialiste n’est pas un projet d’assurance. Après avoir étudié les initiatives qui ont échoué par le passé, nous avons constaté qu’il était effectivement difficile de toucher à ces entreprises en tant que telles. Car il faudrait alors réinventer tout le système de contrôle des prix, de remboursement, et ainsi de suite… Et rendre l'assurance obligatoire n’est pas constitutionnel. En prenant tout cela en compte, notre but est donc de miser sur la prévention, et surtout de donner aux gens les moyens de se faire dépister.
Concrètement, ça veut dire quoi?
Nous voulons une vraie politique publique de prévention: communication, sensibilisation… Et un médecin-dentiste cantonal attitré, qui serait chargé de cette dernière. Mais surtout, et c’est le point principal: nous voulons instaurer un chèque dentaire annuel pour tous les bénéficiaires des subsides d’assurance maladie, c’est-à-dire environ 26% des habitants du canton de Genève. Dans la pratique, cela se concrétiserait par un montant de 300 francs par an, à faire valoir sur une facture d’hygiéniste ou de dentiste, via un remboursement à posteriori.