Des visages apathiques et épuisés, des coureurs tremblant de tout leur corps, d'autres éclatant littéralement en sanglots parce qu'ils ne sentaient plus leurs mains et leurs avant-bras... Certaines histoires rapportées par Clemens Henle du marathon de ski de l'Engadine, dans les Grisons, vont loin. C'est la quatrième fois qu'il participe à cette course. Normalement, tout est parfaitement organisé. Mais pour l'édition de dimanche dernier a tourné au fiasco et s'est déroulée dans une épaisse couche de neige. Un cauchemar, selon les participants.
Avec six autres amis, Clemens Henle avait fait le voyage depuis la région de Düsseldorf pour l'Engadine. L'Allemand est loin d'être un professionnel du ski de fond. Conformément au règlement, il était censé prendre le départ parmi les premiers. Mais dimanche, la météo a tourné avec de fortes chutes de neige et un vent assassin. Les débutants ont particulièrement souffert: «Notre groupe a été particulièrement frappé par la tempête de neige qui a commencé en fin de matinée», se souvient Clemens Henle.
L'incertitude, puis la peur...
En cours de route, la situation s'est dangereusement aggravée, avec une visibilité qui s'est rapidement réduite. Au bout d'un moment, Clemens Henle n'a même plus réussi à distinguer les silhouettes autour de lui. Ses skis s'enfonçaient dans la neige fraîche, nécessitant d'intenses efforts physiques: «Je ne savais pas si j'allais y arriver. Je ne sentais même plus mes mains!», se souvient le marathonien. Une légère panique s'est emparée alors de lui: «Là, j'ai compris qu'il fallait avancer et que ne devais en aucun cas m'arrêter.»
Finalement, l'homme de 52 ans a décidé de s'arrêter avant la ligne d'arrivée – comme environ 800 autres participants sur un total de 11'000. Les triathlètes Rouven Kuhn et Cathrin Mundt, deux Allemands, ont également abandonné la course. Tous les sportifs, expérimentés ou débutants en ski de fond, se sont retrouvés au milieu de la tempête de neige «Nous sommes arrivés au bout de nos limites physiques», explique les coureurs allemands.
Tous les postes de ravitaillement ont également été vidés. Les coureurs ont ensuite atteint un hôpital de fortune mis en place par les pompiers. Cathrin Mundt était tellement en hypothermie qu'elle ne pouvait plus défaire ses skis. C'est là qu'elle a été prise en charge par un médecin urgentiste: «J'étais bleue, je n'avais jamais eu de telles douleurs!»
Des coureurs frigorifiés s'arrosent de bouillon chaud
Certaines scènes restent dans la mémoire de Rouven Kuhn: «J'ai vu des gens se verser du bouillon brûlant sur tout le corps!» Il a vu de nombreuses personnes avec les lèvres, les mains et les pieds bleus. Clemens Henle raconte lui aussi: «Un coureur a carrément plongé ses mains dans du bouillon chaud. Un autre a dû être nourri parce qu'il ne pouvait plus bouger ses mains.» Les bénévoles n'ont pas été suffisamment briefés pour un tel cas, fustige le coureur, qui précise qu'il n'y avait ni couvertures ni suffisamment de places pour s'échauffer.
Selon lui, «les organisateurs auraient dû interrompre la course et rassembler les participants qui se trouvaient encore sur le parcours». Il aurait également souhaité que les organisateurs communiquent plus clairement aux bénévoles sur les dispositions à prendre dans de telles situations.
Deux jours après le marathon, ils souffraient encore d'engelures. Le couple de triathlètes aurait donc apprécié une alerte météo avant le départ, ou des consignes les invitant à porter des vêtements supplémentaires.
Les organisateurs se justifient
Quant à l'éventualité d'émettre une alerte météo, les organisateurs ont répondu que les prévisions annonçaient un vent arrière pour le dimanche: «Mais le vent de face et les chutes de neige ont créé une situation extraordinaire», explique ainsi Andi Grünenfelder, médecin de course du marathon de ski depuis 21 ans.
Les participants ont donc été rapidement mouillés et une partie d'entre eux a été victime d'hypothermie. Environ 300 des participants ayant abandonné ont donc dû être traités par le service d'urgence: «Moins de dix d'entre eux ont été transportés à l'hôpital par mesure de sécurité», a déclaré le médecin de la course et ancien coureur de fond de haut niveau.
Toutefois, cette édition n'a pas été la plus éprouvante. L'année précédente, environ 150 coureurs avaient abandonné. Le médecin de la course conteste également le reproche fait aux organisateurs de ne pas avoir été suffisamment préparés: «Nous mettons toujours à disposition des salles de réchauffement supplémentaires qui peuvent alors être mises en service en un temps record.»
L'une des difficultés d'un tel événement, qui s'étend sur une grande région, résidait dans le fait qu'on ne savait pas exactement où les participants devaient abandonner pour être pris en charge. Aujourd'hui, les organisateurs ne comprennent pas les critiques: «Jusqu'à présent, nous avons reçu une grande majorité de retours très positifs sur l'encadrement des participants, y compris ceux qui ont dû abandonner cette année.»
Malgré cette expérience, Clemens Henle a l'intention de participer à l'Engadiner l'année prochaine: «Je veux terminer la course que j'ai interrompue, mais plus jamais en pleine tempête de neige!»