Lors d'une soirée du Nouvel An dans un bar branché de Bâle, des incidents impliquant l'utilisation des «gouttes KO» ont été recensés. Peu après, dans le sud de l'Allemagne, plusieurs personnes ont été hospitalisées après des bals de carnaval pour des nausées, des vertiges et des pertes de mémoire. A cela s'ajoutent des témoignages comme celui de l'actrice Isabelle H., qui s'est évanouie en plein milieu d'un club et enfin, un incident similaire se serait produit le week-end dernier dans un club zurichois, où du GHB aurait été versé dans des boissons. Mais ces cas ne sont pas isolés.
Les politiciennes suisses sont en alerte face à cette hausse de cas de soumission chimique. Elles évoquent entre autres des cas internationaux hallucinants, comme celui du condamné Dominique Pelicot, qui a drogué son épouse Gisèle pendant des années avec des médicaments et l'a fait violer par plus de 50 hommes. Ou encore le cas d'un chirurgien français qui a admis avoir anesthésié et abusé sexuellement près de 300 patients mineurs lors d'interventions médicales.
L'Etat doit examiner ce sujet de plus près et agir, demandent les femmes politiques. «Ces cas illustrent les graves conséquences de l'abus de substances psychoactives à des fins de soumission chimique», déclare la députée PS zurichoise Mandy Abou Shoak. En collaboration avec d'autres parlementaires socialistes, des interventions ont vu le jour et ont été déposées sur la table de trois cantons. Mandy Abou Shoak en a déposé une à Zurich, Jessica Brandenburger à Bâle-Ville et Lelia Hunziker dans le canton d'Argovie.
Situation floue
«Nous voulons en savoir plus sur la situation actuelle dans les cantons afin de pouvoir prendre des mesures pour les victimes potentielles», explique Mandy Abou Shoak. Car on ne sait actuellement presque rien de la situation, faute de statistiques officielles.
Récemment, l'association Opferhilfe beider Basel a averti sur son site que l'on recensait de plus en plus de cas dans lesquels les gouttes KO étaient «utilisées de manière ciblée pour rendre une personne impuissante et la violer dans cet état». Le service d'aide aux victimes de Zurich soupçonne lui aussi une augmentation des cas, comme l'explique le président de la fondation Christoph Erdös à Blick.
Chaque année, le canton de Zurich compte plusieurs dizaines de cas, poursuit l'aide aux victimes. A Saint-Gall, on parle d'une poignée à une douzaine de cas, selon la police cantonale, pareil pour Berne et en Argovie. Et le reste de la Suisse n'est pas épargné.
Détectables pendant quelques heures seulement
Les victimes sont souvent traumatisées après les incidents, explique Erdös de l'association Opferhilfe Zürich. «Elles sentent et savent que quelque chose s'est passé contre leur volonté sur leur corps et son intégrité, mais ne savent souvent jamais quoi exactement.» A cela s'ajoute le fait que l'utilisation de la substance ne peut généralement pas être prouvée de manière juridiquement suffisante, et les procédures pénales sont donc souvent classées sans suite, bien que les auteurs soient connus.
Le professeur Wolfgang Weinmann, toxicologue médico-légal à l'Institut de médecine légale de l'Université de Berne, met le doigt sur une lacune médicale: «Le problème est qu'il n'existe pas de test rapide pour les gouttes KO, comme par exemple un test Covid ou un test de grossesse», explique-t-il. Il faut donc toujours faire appel à un laboratoire de toxicologie.
Les gouttes KO sont en fait de «l'ecstasy liquide», souvent à base d'acide gamma-hydroxybutyrique, ou GHB. «Celui-ci n'est décelable dans le sang que pendant environ six heures après l'absorption et dans l'urine pendant dix à douze heures», explique Wolfgang Weinmann. Mais de nombreuses victimes ne se rendraient à la police ou à l'hôpital qu'après plus de 24 heures, lorsque la substance n'est presque plus détectable.
Wolfgang Weinmann conseille malgré tout d'effectuer des analyses d'urine et de sang même après une longue période. «Il n'est pas exclu que l'on trouve encore des résidus ou des produits de dégradation plus tard.» L'ecstasy liquide n'est en outre pas la seule substance pouvant être utilisée comme goutte KO, de nombreuses autres substances sédatives sont détectables bien plus longtemps.
Bâle-Ville reconnaît le problème
C'est désormais aux cantons de réagir. Une réponse a déjà été donnée par Bâle-Ville. «La soumission chimique est un phénomène à prendre au sérieux», reconnaît certes le canton. Les mesures prises jusqu'à présent constitueraient toutefois une base solide. Ainsi, le canton mise entre autres sur des conseils aux victimes, des infirmières médico-légales pour la conservation des traces ainsi que des campagnes de prévention. Lors du Concours Eurovision de la chanson 2025, un dispositif complet de protection contre la violence sera testé pour la première fois avec des équipes de sensibilisation, des Safer Spaces et une hotline.
Néanmoins, le canton de Bâle-Ville précise qu'il examine en permanence quelles mesures supplémentaires seraient nécessaires, notamment en ce qui concerne le renforcement des preuves, la formation des professionnels et les stratégies de prévention. Les réponses des autres cantons sont encore attendues.