Gangs, mafia et clans
Voici à quoi ressemble le crime organisé en Suisse

Les gangs, la mafia et autres clans qui mènent des actions illégales sont aussi présents en Suisse. Voici les principaux groupes qui sont actifs dans notre pays.
Publié: 30.07.2023 à 06:02 heures
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Dernière mise à jour: 30.07.2023 à 09:49 heures
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En Suisse, ils sont les chefs de file des bikers: les Hells Angels.
Photo: keystone-sda.ch
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Myrte Müller

Ils agissent en groupes, cherchent le profit et sont enclins à la violence: les clubs de bikers, les gangs de jeunes, les clans mafieux et les cartels internationaux tourmentent la population suisse, la police et le Ministère public. Tour d’horizon.

Les bandes de bikers

La police fédérale Fedpol les désigne sous le nom de «Outlaw Motorcycle Gangs» (en français: des gangs de bikers hors-la-loi). Les Hells Angels, les Broncos, les Outlaws Motorcycle Club et les Bandidos ont tous des branches – autrement appelées chapitres – en Suisse.

Ces groupes sont strictement hiérarchisés et suivent un code de conduite. Ils sont organisés à un niveau international, les différentes sections communiquent au-delà des frontières. On leur reproche des actes de violence, des délits contre le patrimoine et des délits liés à la drogue.

Un épisode a particulièrement marqué les esprits. En mai 2019, les Hells Angels, les Broncos et les Bandidos se sont affrontés à Belp (BE) avec des armes à feu. Résultat: trois blessés. Au début de l’été 2022, 22 motards ont été jugés. Le principal accusé, qui appartient aux Bandidos, a été condamné à huit ans de prison.

Plutôt silencieux en Suisse

«Alors que dans des villes allemandes comme Düsseldorf ou Berlin, il y a des démonstrations de force en public, en Suisse, les chapitres veulent plutôt mener leurs affaires en toute discrétion», observe Dirk Baier, directeur de l’Institut sur la délinquance et la prévention de la criminalité à la Haute école des sciences appliquées de Zurich.

«Pendant de nombreuses décennies, les Hells Angels ont dominé la Suisse. Ils avaient peu de raisons de montrer leur présence. Les rivalités ne sont apparues que lorsque les Bandidos ont revendiqué le territoire suisse. Mais depuis le procès de Berne, tout le monde se comporte avec plus de retenue.»

«Les Hells Angels revendiquent une position supérieure dans ce que l’on appelle la scène MC (ndlr: la scène des clubs de motards), qui se compose de plusieurs clubs plus petits», confirme également Berina Repesa de Fedpol. La plupart des groupes de bikers qui ont tenté d’établir des chapitres en Suisse ces dernières années n’existent plus.

Les gangs Osmanen Germania et Bahoz

C’est d'Allemagne que sont venus en 2016 les Osmanen Germania turcs et leurs rivaux kurdes, les Bahoz. Les Osmanen Germania, qui soutiennent le président turc de longue date Recep Tayyip Erdogan, faisaient l’objet d’une enquête pour trafic d’armes depuis la Suisse.

Une guerre des gangs menaçait entre les Turcs ultranationalistes et les Bahoz, profondément antifascistes, qui s’étaient installés à Zurich, Bâle, Saint-Gall et Schaffhouse.

Officiellement, les deux gangs ont été dissous il y a six ans. Mais le Ministère public de Zurich enquête à nouveau sur 25 membres présumés de Bahoz pour tentative d’homicide et lésions corporelles, car un témoin-clé a fait des révélations.

Les clans polonais et roumains

Toutes les polices cantonales connaissent leur mode opératoire: les escrocs appellent des personnes âgées, inventent des histoires glaçantes et les intimident jusqu’à ce qu’ils leur confient leurs économies.

Le scénario le plus commun des clans familiaux polonais et roumains: faire croire à la personne âgée que l’un de ses petits enfants est dans une situation de détresse et a besoin d’agent immédiatement. Arkadiusz L.* a inventé cette trame, mais c’est son fils Marcin K.* qui y excelle tout particulièrement: il a volé plus d’un million de francs à des seniors suisses.

En 2021, deux Roumaines ont été jugées dans le canton de Zurich pour avoir escroqué un homme de 96 ans pour une somme de 150’000 francs.

Les gangs de jeunes

Les gangs de jeunes – qui se nomment d’après le code postal de leur lieu de résidence – n’existent pas seulement dans les grandes métropoles internationales, mais aussi en Suisse. Ils agressent les passants, participent à des émeutes, se livrent à des vols et s’en prennent parfois violemment à des rivaux.

En 2021, une bagarre au couteau entre deux gangs, de Bienne et de La Chaux-de-Fond, a coûté la vie à un jeune de 20 ans. «La proportion de jeunes appartenant à un gang ou à une bande est légèrement inférieure à la moyenne internationale, avec près de 7%», complète Dirk Baier.

Il y a une différence notoire avec les gangs de l’étranger: en Suisse, ces jeunes ne sont pas actifs dans le trafic de drogue, et par conséquent moins impliqués dans des affrontements mortels.

«En Suisse, nous parlons de groupes de jeunes, principalement masculins, qui déclarent les lieux publics comme leur territoire, observe le spécialiste de la délinquance. Ils ont parfois des couteaux, mais pas d’autres armes. Des combats de rue tels qu’on les a vus par exemple à Malmö ou à Stockholm ne seraient pas imaginables en Suisse.» En raison de la petite taille des villes suisses, il est plus facile pour les autorités de contrôler les jeunes.

La mafia italienne

La mafia italienne, notamment la 'Ndrangheta de Calabre, est particulièrement dangereuse. La violence n’est utilisée qu’en dernier recours. Ces Italiens du sud misent plutôt sur le business et la coopération. Résultat: ils sont très impliqués dans des affaires illégales, mais œuvrent aussi, de plus en plus, du côté de la légalité. Depuis longtemps, la mafia calabraise fonctionne comme une entreprise, qui a des tentacules dans le monde entier.

La 'Ndrangheta de Calabre est bien présente en Suisse. Avec une vingtaine de cellules locales estimées, elle est représentée dans presque tous les cantons. Les clans calabrais règnent depuis leur pays d’origine. Leur principale source de revenus est le trafic de cocaïne en Europe. Ils utilisent en outre la Suisse pour le blanchiment d’argent et le commerce illégal d’armes en raison de sa législation plus souple que celle de l’Italie.

Les communications se font toujours davantage en ligne et de manière cryptée. Contrer cette mafia nécessite beaucoup de ressources, explique Berina Repesa de Fedpol. «Pour lutter contre la mafia, il faut une collaboration entre les polices et les acteurs non policiers. L’échange d’informations entre les autorités du registre foncier et du Registre du commerce gagne également en importance dans la lutte contre la mafia.» La 'Ndrangheta blanchit souvent l’argent de la drogue en achetant des biens immobiliers.

Au niveau du trafic international de cocaïne, elle coopère avec les cartels des Balkans – qui ont également des branches en Suisse –, avec la mafia nigériane Black Axe Confraternity, ainsi qu’avec des bandes dominicaines.

Cette évolution est assez récente, explique le procureur de la Confédération Sergio Mastroianni à Blick: «Les organisations criminelles sont un problème transfrontalier et dynamique.» C’est pourquoi de nombreuses enquêtes doivent être menées via l’entraide judiciaire internationale, ce qui n’accélère pas vraiment les procédures. De plus, il est difficile de prouver devant un tribunal le rôle joué par des membres suisses de la mafia au sein d’une organisation criminelle.

*Noms connus de la rédaction

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