Le vélo sera-t-il bientôt le maître des routes en Ville de Genève? Frédérique Perler, conseillère administrative verte en charge du Département de l’aménagement, des constructions et de la mobilité, ne semble pas contre l'idée.
Le contexte n'est pas anodin. Après le «rodéo routier» qui aurait coûté la vie à une cycliste genevoise sur la Route de Lausanne ce week-end, Blick a contacté l’élue écologiste. Est-ce le décès de trop? Pour elle, le funèbre accident est l’occasion de remettre le sujet de la limitation de vitesse à 30 km/h sur la table. L'assistante sociale de formation emboîte ainsi le pas à la cheffe de groupe de son parti au Grand Conseil, Marjorie de Chastonay, qui défendait ce lundi cette mesure sur nos plateformes.
Une mesure également voulue par le Canton dans le cadre de son «plan antibruit», mais qui ne risque pas d’aboutir de sitôt: la droite l’ayant suspendu au moyen de divers recours auprès du Tribunal administratif de première instance, comme l’indiquait la RTS en novembre 2022 déjà. Rien n’a bougé depuis. De quoi frustrer la cheffe de la mobilité du bout du Léman. Interview.
Frédérique Perler, en tant que conseillère administrative verte en charge de l’aménagement et de la mobilité en Ville de Genève, le «rodéo routier» qui a coûté la vie à une cycliste ce week-end vous a marqué?
Oui. Particulièrement choquant au vu de ses circonstances, et véritablement dramatique par ses conséquences, l’accident survenu samedi démontre une fois de plus qu’il faut réduire le trafic motorisé en zone urbaine, et apaiser sa vitesse…
L’idée d’une limitation à 30 km/h partout en Ville, par exemple, se heurte à une ferme opposition de la droite…
Pourtant, ce n’est pas un hasard si la Ville de Genève revendique une limitation de la vitesse à 30 km/h sur l’ensemble de son territoire. Il en va du respect de la tranquillité de la population, selon la ligne adoptée par le Canton dans sa «stratégie vitesse bruit», actuellement contestée en justice. Et c’est aussi une question de sécurité routière. On sait qu’un choc à 30 km/h laisse de bonnes probabilités de survie à la personne touchée, alors que les risques de décès l’emportent dès 50 km/h.
N’est-ce pas un peu naïf, de penser que mettre en place des limitations plus strictes va vraiment empêcher les gens de les transgresser?
Cette mesure ne suffirait sans doute pas à empêcher des comportements criminels comme ceux qui ont causé la tragédie de ce week-end, en effet. Mais cela poserait un cadre, dans lequel l’automobile devrait s’ajuster au tempo d’une ville où les mobilités douces prédominent. Plutôt que ce soit à la ville de s’adapter à la voiture, comme cela s’est fait au siècle dernier — avec un impact encore bien visible aujourd’hui. Dans une ville à la mobilité apaisée, un rodéo routier serait encore moins envisageable qu’il ne devrait déjà l’être aujourd’hui. Il faut absolument calmer le jeu. Cet apaisement est non seulement une question de qualité de vie, mais aussi de survie, tout simplement.
Donc Genève a vraiment un problème de sécurité routière?
Le caractère très urbanisé du canton explique en partie sa densité d’accidents. Mais il ne s’agit pas d’une fatalité. Le canton de Bâle-Ville, qui a brillamment réussi à apaiser son hypercentre, montre une fréquence bien moins forte (15,1 accidents routiers avec dommages corporels pour 10’000 habitants, contre 22,3 dans le canton de Genève, ou 23,4 dans celui de Zurich). Bâle est un exemple à suivre et je m’y emploie, dans les limites des compétences communales qui, à Genève, sont hélas restreintes.
En résumé, les cyclistes ont bien raison d’avoir peur de rouler en Ville?
À l’échelle nationale, les statistiques de 2022 montrent que les occupants de voitures sont les victimes létales les plus fréquentes des accidents de la route, devant les motards. Les cyclistes arrivant quant à eux en troisième position. Il n’en reste pas moins que les craintes liées à la sécurité sont l’un des freins majeurs à l’adoption du vélo comme mode de déplacement, en dépit de tous ses avantages: le vélo est écologique, pratique, prend peu de place en ville, fait faire de l’exercice, etc.
Comment réduire les craintes dont vous parlez?
Plus le vélo deviendra courant en ville et prendra sa pleine place sur la chaussée, plus sa sécurité s’améliorera et plus les craintes s’atténueront. Il faut donc impérativement continuer à investir dans l’amélioration des aménagements. Mais l’accident de ce week-end montre qu’il s’agit aussi d’une problématique de police, face à des comportements potentiellement meurtriers, parfaitement inadmissibles et, à mes yeux, incompréhensibles.
Une «problématique de police», c’est-à-dire?
En tant que magistrate responsable de la mobilité, je déplore un niveau élevé d’incivilités et de manques d’égard entre tous les types d’usage de la route à Genève. L’exemple de ce week-end est extrême, mais il doit nous servir de rappel que cet état d’esprit, trop généralisé, peut entraîner des conséquences terribles, pour les victimes et pour leurs proches.