Un dôme de chaleur s'installe pour au moins 10 jours au-dessus de la Suisse. Dès ce vendredi, il pourrait faire jusqu'à 37 degrés. Les autorités, en alerte, déclenchent leurs plans canicule, comme dans les cantons de Vaud et Genève. Des nuits tropicales — lors desquelles le mercure ne descendra pas au-dessous des 20 degrés — sont à prévoir.
Grâce — notamment — à François Herrmann, médecin aux Hôpitaux universitaires de Genève et co-auteur de neuf études sur le sujet depuis 2008, on sait que les périodes de canicule génèrent des décès. En 2003, 70'000. En 2022, plus de 60'000. La fournaise des journées peut être dangereuse pour la santé, mais quid des nuits beaucoup trop tièdes, surtout dans les centres-villes beaucoup trop bétonnés?
Pas pour les personnes jeunes et en bonne santé, répond le spécialiste en gériatrie. C'est une autre histoire pour les aînés et les bambins, développe le professeur dans cette interview, avant de distiller quelques conseils pour réduire les risques et mieux dormir. François Herrmann donne aussi quelques pistes aux autorités et aux propriétaires pour rendre la vie de la population plus supportable.
Les nuits chaudes, voire tropicales, sont-elles dangereuses pour la santé?
Il n’existe pas d’études médicales portant spécifiquement sur les nuits lors des périodes de canicule. Si vous êtes jeunes et en bonne santé, elles provoquent tout au plus un inconfort parce qu’on dort confortablement entre 16 et 20 degrés. Le manque de sommeil peut se ressentir et affecter la concentration sur le lieu de travail. Ainsi, je conseille de faire une micro-sieste durant la pause, qui permet de récupérer en partie et de diminuer les risques d’accident, augmentés par le manque de sommeil.
Et pour les personnes âgées?
On sait que les périodes de canicules provoquent des hausses de la mortalité chez les enfants en bas âge et les personnes âgées. Le problème avec les nuits chaudes ou tropicales, c’est qu’elles n'offrent pas de répit et ne permettent pas de rafraîchir suffisamment les intérieurs. Ainsi, les journées qui suivent sont plus dangereuses encore.
Pour les petits enfants et le troisième âge, le danger vient de la déshydratation. Pourquoi?
Parce que la déshydratation empire des problèmes existants. En temps normal, le corps de certaines personnes âgées arrive juste à réguler sa température ou ses fluides, par exemple. Leur cœur fonctionne aussi moins bien. S’il fait chaud, la fonction cardiaque va encore baisser. Et en cas de déshydratation, le risque de coagulation — et donc de voir des caillots sanguins se former — est augmenté.
Résultat?
Les personnes âgées s’exposent ainsi à des coups de chaleur, des infarctus du myocarde, des embolies pulmonaires ou des attaques cérébrales.
Quels sont vos conseils pour réduire ces risques?
Il faut d’abord s’hydrater correctement, boire entre 1,5 et 2 litres d’eau par jour. Et se réapprovisionner en sel. Des soupes froides, comme le gaspacho, ou des boissons isotoniques sont idéales pour cela.
Comment rafraîchir nos appartements et réussir à mieux dormir?
Un premier conseil est de baisser les stores extérieurs et fermer les fenêtres pendant la journée. De ne les ouvrir que de 22h à 7-8h. On peut aussi prendre une douche fraîche et laisser l'eau s'évaporer sans se sécher, avant d'aller au lit. On peut aussi faire porter des vêtements humides aux enfants. Avoir un ventilateur pas trop bruyant aide également.
L’Union démocratique du centre (UDC) genevoise veut faciliter la climatisation «pour sauver des vies». Qu’en pensez-vous?
Ce n’est pas une bonne solution. La climatisation est un gouffre à énergie, c’est contre-productif face au réchauffement climatique. En outre, les systèmes de climatisation peuvent être des nids à bactéries en cas d’humidité et il y a des risques de développer une légionellose, maladie pulmonaire qui peut être grave. Il faut plutôt favoriser le courant d'air ou le ventilateur.
Pensez-vous que les autorités en font assez pour aider la population à traverser les vagues de chaleur?
L’urgence, c’était de mettre en place des stratégies pour limiter la mortalité en période caniculaire. Avec les plans canicules, c’est chose faite, même si leur mise en place a pris du temps: Bâle et Zurich n’en avaient pas jusqu’à l’an dernier. Désormais, il faut repenser nos villes et nos habitats. En Suisse, tout est surtout prévu pour le froid. Or les vagues de chaleurs durent à présent des semaines et vont durer des mois à l’avenir.
Comment repenser nos villes et nos constructions?
Il faut planter des arbres parce qu’ils émettent de l’humidité et amènent de la fraîcheur. Il faut végétaliser les toits plats lorsque c’est possible. Repenser les bâtiments, construire avec des matériaux qui isolent bien et n’emmagasinent pas la chaleur. Créer des appartements traversant pour pouvoir faire circuler l’air. Augmenter la hauteur sous plafond pour que la chaleur puisse monter. Développer les systèmes de pompes à chaleur, qui peuvent chauffer les intérieurs en hiver et les refroidir en été. Tout cela ne se fera pas du jour au lendemain.