Filet de bœuf d’Argentine: 5 francs au lieu de 10! Viande hachée suisse: 40% de rabais! Rognon de porc: 1.65 au lieu de 3.70 francs! Avec de telles offres, les détaillants incitent les clients potentiels à faire leurs achats chez eux – au grand dam des paysans.
«Ce n’est pas possible qu’un kilo de viande hachée soit moins cher qu’un kilo de vache!», s’exclame Markus Ritter. Le président de l’Union suisse des paysans et conseiller national du Centre veut dire par là que les détaillants vendent dans de nombreux cas la viande à un prix inférieur à celui que les éleveurs paient par kilo de poids mort. «Ces rabais exorbitants envoient un mauvais signal», estime-t-il. Selon lui, il n’est pas juste de brader littéralement un aliment de grande valeur comme la viande.
«Au détriment des agriculteurs locaux»
L’agriculteur bio et conseiller national des Vert-e-s Kilian Baumann est du même avis – et ne veut plus accepter de telles offres alléchantes. Dans une intervention parlementaire, il demande à la Confédération d’examiner une interdiction de la publicité à ce sujet. «Le dumping des prix de la viande, souvent étrangère, se fait au détriment des agriculteurs locaux», explique l'élu. Les offres spéciales ont pour conséquence que la viande suisse labellisée reste sur le carreau.
Kilian Baumann envisage une autolimitation volontaire. Les détaillants devraient se mettre d’accord pour renoncer à de telles actions. Des engagements similaires ont été pris pour la publicité destinée aux enfants. Si la démarche qu'il prône ne devait pas aboutir, une interdiction de la publicité pour la viande serait également envisageable, selon l’agriculteur. Le Conseil fédéral doit maintenant présenter les différentes possibilités dans un rapport.
Soutien des partis de droite
Le conseiller écologiste peut compter sur le soutien de politiciennes du Centre et du PLR. La conseillère nationale du Centre Priska Wismer-Felder avance par exemple que «les actions à bas prix pour la viande importée détruisent le marché de la viande locale». Elle estime donc qu’il est juste d’envisager une autolimitation des détaillants.
Bien que l’Union suisse des paysans soit également critique à l’égard des offres d’appel, son président, Markus Ritter, rejette cette initiative, qui constitue «une intervention flagrante dans l’économie de marché». Il ne veut toutefois pas rester inactif. L’Union suisse des paysans s’inquiète aussi de la stagnation de la part de viande bio et labellisée depuis des années et veut mettre en place une table ronde sur ce thème, comme l’a récemment rapporté le «Tages-Anzeiger».
Le lobby paysan suffira-t-il?
Des représentants de toute la chaîne de création de valeur devraient ainsi trouver une solution sectorielle commune, selon le président de l’Union suisse – des agriculteurs aux détaillants, en passant par les transformateurs de viande. «Cela nous semble plus ciblé qu’une interdiction légale de la publicité», déclare-t-il.
La question de savoir si le postulat de l’agriculteur bio trouvera une majorité au Parlement reste donc ouverte. Mais l’expérience le montre: lorsque le lobby paysan pousse, généralement, il réussit.
En cas de non, la pression sur l’Union suisse des paysans devrait augmenter pour qu’elle convoque effectivement la table ronde sur la viande labellisée et qu’elle élabore ainsi des solutions.