Le texte voulait améliorer le bien-être animal en ancrant des normes bio dans la Constitution, et interdire les importations d'aliments qui ne seraient pas aux standards suisses. Lancée par une organisation antispéciste alémanique, l'initiative était soutenue par la Fondation Franz Weber, des organisations comme Greenpeace et Bio Suisse, et une large partie de la gauche et des Vert'libéraux. Au-delà des aspects éthiques et du rapport aux animaux, la cible affichée du texte était la consommation de viande en Suisse.
En Suisse romande, le refus a été particulièrement net en Valais, avec 76,1%, à Fribourg (72,9%) et dans le Jura (72,4%). Vaud (65,6%) et Neuchâtel (63,9%) ont été un peu moins sévères. Le Tessin rejette également l'initiative, à près de deux contre trois.
Appenzell Rhodes-Intérieures est le champion du «non» avec 78,4% des voix, suivi d'Obwald avec 76,3% et de Schwyz avec 74,9%. Berne a aussi refusé par 61,5%. Le texte a fait de meilleurs scores dans les zones urbaines. Au total, environ 1,8 million de personnes ont refusé l'initiative. Le camp du «oui» a lui réuni un peu plus d'un million de votes.
Les citoyens ont estimé que le bien-être animal est suffisamment protégé, a réagi le conseiller fédéral Alain Berset en conférence de presse. «Nous avons une loi stricte et des agriculteurs qui s'engagent au quotidien en faveur du bien-être des animaux», a-t-il déclaré, concédant toutefois que des choses peuvent être améliorées.
«Signal fort»
Il s'agit d'un «signal fort», selon Daniel Würgler, président de GalloSuisse. «Le travail que nous faisons comme agriculteurs est reconnu», a-t-il ajouté, avouant que ce n'était pas facile d'être «attaqué alors qu'on fait de notre mieux». La conseillère nationale Simone de Montmollin (PLR/GE) a estimé que l'initiative visait les agriculteurs déjà soumis à des exigences très strictes et déjà soucieux du bien-être animal, alors que c'est une question sociétale qui touche tous les maillons de la chaîne de valeur. Le texte «prenait le problème par le mauvais bout», a déclaré la Genevoise.
Elle s'est encore félicitée que son canton ait refusé le texte: «Même dans les milieux urbains, on était d'accord sur le fait que l'initiative n'apportait pas les changements souhaités par les initiants.» Les votants ont reconnu que l'initiative était «inutile», a complété l'Union suisse des arts et métiers.
Une acceptation aurait eu des conséquences très négatives pour les paysans et la production alimentaire en Suisse, a appuyé Martin Rufer, directeur de l'Union suisse des paysans et membre de la présidence du comité opposé à l'initiative. La population a ainsi montré son attachement à l’élevage qui fait partie du paysage de notre pays, a estimé l'Union suisse des paysannes et des femmes rurales.
Une victoire quand même
Dans le camp adverse, Vera Weber a estimé qu'il s'agissait d'une victoire malgré tout. La présidente de la Fondation Franz Weber a salué le fait que le texte ait permis d'ouvrir le débat sur l'élevage intensif et la consommation de viande. Et d'indiquer qu'elle n'arrêtera pas son combat pour promouvoir la consommation de protéines végétales à la place de la viande.
Les éleveurs bio continueront quand même sur le chemin du bien-être animal, a relevé Bio Suisse. Et d'ajouter qu'"après le bulletin de vote, les consommateurs peuvent encore voter avec la liste des commissions».
«Occasion manquée»
Philipp Ryf, directeur du comité d'initiative, a lui plutôt parlé d'"occasion manquée». Les initiants n'ont pas réussi à démontrer qu'une acceptation de leur texte aurait profité à l'agriculture. «La dignité de l'animal inscrite dans la Constitution reste une promesse hypocrite qui ne répond pas aux besoins des animaux», a réagi l'organisation alémanique Sentience.
«C'était un combat de David contre Goliath», a encore souligné M. Ryf, rappelant que le camp adverse avait beaucoup plus de moyens financiers. Le comité d'initiative trouve que la grande distribution a désormais une responsabilité à assumer, pour que «leurs images publicitaires coïncident enfin avec la réalité».
Les milieux agricoles doivent aussi être prêts à discuter, selon la conseillère nationale Léonore Porchet (Vert-e-s/VD). «Ce n'était pas un combat contre le monde paysan, mais contre l'industrie agro-alimentaire qui met une énorme pression sur les éleveurs.»
(ATS)