En ville, chaque touriste compte: les hôteliers doivent jouer des coudes et faire preuve d’inventivité pour attirer la clientèle de ce secteur en crise. Mais depuis le début de la pandémie, plus on s’éloigne des centres-villes, plus les affaires marchent. De nombreux hôtels de campagne et de montagne connaissent même une période de prospérité inattendue grâce à de nombreux Suisses à la recherche de calme face au stress du Covid.
C’est ainsi que l’Ofenhorn, situé à Binn, dans le Haut-Valais, a prospéré. Si cet établissement traditionnel menaçait autrefois de tomber en ruine, il enregistre désormais des chiffres records. «Nous avons été les grands gagnants de la pandémie. L’hôtel a plus que doublé son chiffre d’affaires au cours des deux dernières années», se réjouit Benno Mutter, président de la coopérative d’exploitation de l’Ofenhorn.
A certains moments, il n’était même plus possible d’avoir une table sans réservation à l’hôtel-restaurant. Mais aujourd’hui, le temps est suspendu dans l’établissement. Les chaises sont retournées sur les tables de l’Ofenhorn, ses volets sont fermés. Des piles de serviettes, soigneusement pliées, prennent la poussière sur les commodes. On entend le vieux plancher en sapin grincer à chaque pas. L’ambiance est lugubre.
Toutefois, un petit rayon de soleil parvient encore à filtrer dans la vieille bâtisse: dans le petit bar du rez-de-chaussée, la lumière du jour pénètre par la baie vitrée. À l’une des tables, Benno Mutter, le président de la coopérative hôtelière, Daniel Kronig, le vice-président, et Rudolf Jossen, président de commune, attendent. Tous trois ont «une mission», comme ils disent. Ils recherchent activement un nouveau tenancier ou une nouvelle tenancière. Et ils doivent faire vite: à la fin du mois de mai, leur maison devra absolument être prête à accueillir des touristes. Dans le cas contraire, la saison estivale serait compromise.
Fleuron de la commune
La fermeture de cette institution serait fatale pour Binn. «L’Ofenhorn est la vitrine de notre village!», désespère le président de la commune Rudolf Jossen. Patrimoine suisse classe même l’Ofenhorn parmi les plus beaux hôtels de Suisse.
Après 5 ans à la tête de l’établissement, l’hôtesse et directrice actuelle de l’hôtel, Regula Hüppi, le quitte pour un autre. La quête d’un successeur est une tâche colossale à Binn. Le village se situe dans une vallée latérale isolée de la vallée de Conches. Pour se rendre à Binn, il n’y a qu’une seule solution: emprunter un tunnel routier aux parois rocheuses rustiques et à voie unique. Personne ne peut donc s’y rendre par hasard et le personnel de l’Ofenhorn n’a pas d’autre choix que d’habiter dans la vallée de Conches. Un candidat prometteur s’est d’ailleurs désisté pour cette raison.
«Une fermeture serait pire que tout»
Les intéressés ne manquent pas, comme le souligne le président de la coopérative hôtelière. «Nous avons reçu plus de vingt candidatures». Mais cet hôtel traditionnel n’est pas n’importe quel établissement, comme le souligne Benno Mutter: «Nous cherchons quelqu’un de professionnel, qui est sensible aux bâtiments historiques et sait entretenir leur ambiance particulière. C’est notre carte de visite.» Le président de commune, Rudolf Jossen, renchérit: «Il faut que ce soit la bonne personne. Nous ne pouvons pas embaucher n’importe qui. Sur le long terme, nous ne pourrions que nuire à l’Ofenhorn.»
Et garder cet établissement ouvert est essentiel pour Binn. «L’hôtel est de loin le plus gros employeur de ce petit village de 127 habitants», glisse le vice-président de la commune, Daniel Kronig. En haute saison, il emploie vingt personnes, ce qui représente près de neuf postes à temps plein sur l’année. L’Ofenhorn fait vivre la commune. Raison pour laquelle celle-ci participe financièrement à la coopérative. «Une fermeture de l’hôtel serait pire que tout pour nous, se désole le président de commune. Nous ferons tout ce que nous pourrons pour que l’Ofenhorn soit ouvert cet été.»
Un village qui a fait ses preuves en cas de crise
Les exploitants partent du principe que l’Ofenhorn connaîtra à nouveau un excellent été, pour autant qu’il soit ouvert. L’hôtel est particulièrement apprécié des clients en quête de nature et de culture. Le bâtiment de la Belle Époque, chargé d’histoire, a été ouvert en 1883 et a servi de logement aux troupes pendant la Seconde Guerre mondiale. Depuis des années, les trente chambres sont rénovées et restaurées avec application dans le style d’origine.
Les habitants de Binn et le conseil communal ont l’habitude de se battre pour la survie de leur village. Il y a quelques années, ils ont sauvé le magasin de Binn. Et dernièrement, au terme de longues recherches, la commune est parvenue à trouver une nouvelle enseignante, sans quoi la petite école du village aurait été contrainte de fermer ses portes.
La coopérative a été créée spécialement pour sauver l’hôtel Ofenhorn, il y a plus de trente ans déjà. «Sinon, l’hôtel serait tombé en ruine», affirme Benno Mutter. Si elle ne trouve pas de solution d’ici la mi-février, elle devra mettre la clé sous la porte. Mais pour l’instant, son président garde espoir. Les entretiens d’embauche ont repris. Il pense que l’Ofenhorn pourrait à nouveau accueillir des clients à partir de la fin mai.
(Adaptation par Lauriane Pipoz)