Décembre 2020. «On pourrait certainement organiser les Jeux Olympiques. La montagne de dette est si haute qu’on est certain d’avoir de la neige!» Sur le ton de la plaisanterie, le ministre des finances Ueli Maurer avertit: la pandémie pourrait faire monter la dette de la Confédération à 30 milliards d’ici 2024. En Suisse, une fois l’argent Covid dépensé, il faudra se serrer la ceinture pour permettre aux générations futures d’affronter les crises suivantes.
Chaque franc compte, donc? En fait, pas vraiment. Exonérations, déductions d’impôts, allègements fiscaux: des milliards échappent aux caisses de l’État chaque année. Mais, jusqu’ici, impossible de chiffrer précisément ce manque à gagner. En Suisse, l’opacité règne.
On y voit plus clair depuis ce mercredi. Le think thank international à but non lucratif «Council on economic policies», en collaboration avec l’Institut allemand de développement, publie une première base de données mondiale sur la fiscalité. Blick a obtenu ces chiffres à l’avance: la Confédération perd chaque année 24 milliards. L’équivalent d’un tiers de ses recettes.
Par exemple, les exonérations et déductions liées au 2e pilier coûtent plus de 5 milliards par an. Celles liées au 3e pilier, 830 millions. Le manque à gagner sur les héritages et les dons atteint 600 millions.
«Nous avons un problème de transparence»
Problème: de son côté, le Conseil fédéral n’a apparemment plus de vue d’ensemble sur ces sommes. Tout au plus existe-t-il un rapport remontant à 2011. Mais il y a dix ans, celui-ci était basé sur des estimations faites par le Canton de Berne, extrapolées au reste de la Suisse.
«Malheureusement, nous avons un problème de transparence en matière de flux financier», déplore la conseillère nationale socialiste Prisca Birrer-Heimo. En 2019, la Lucernoise avait déposé un postulat «Pour faire la lumière sur les rabais fiscaux et leurs conséquences». Il est pour l’heure resté lette morte.
À ce sujet, la Suisse est l’un des pays les moins transparents de l’OCDE, aux côtés de la Turquie ou du Mexique. Encore plus explosif: le gouvernement suisse ne respecte pas ses obligations légales. Selon la loi sur les subventions, la Confédération est tenue d’effectuer un audit périodique des allégements fiscaux tous les six ans.
Déjà des critiques en 2011
Dans son rapport de 2011 déjà, l’Administration fédérale des contributions (AFC) soulignait ce manque de transparence. Et ce alors que les avantages fiscaux sont en fait des subventions qui échappent largement au contrôle du Parlement, notait en substance l’AFC.
Grâce à la publication de cette nouvelle base de données internationale, les revendications de Prisca Birrer-Heimo trouvent un nouveau souffle. «Je vais remettre le sujet à l’ordre du jour, promet-elle. Il faut que les choses changent!»