Beatrice Keller n'aime pas la solitude. A 65 ans, elle a encore besoin d'un partenaire, «quelqu'un sur qui je peux m'appuyer», dit-elle. Elle a partagé sa vie avec son mari pendant 33 ans. Lorsque ce dernier est mort des conséquences d'une leucémie il y a dix ans, elle s'est soudain retrouvée toute seule. Elle avait 55 ans.
Elle a consulté une psychologue, pour faire face à ce deuil particulièrement cruel. Elle a tenu un journal, fait des albums photos, les a remplis d'images d'elle et de son mari. Il lui a fallu cinq ans pour accepter cette disparition. Aujourd'hui, elle est prête à retomber amoureuse.
Soudain, il manque quelque chose
Elle a d'abord essayé une agence de rencontre, mais elle n'y a rencontré personne qui lui plaisait vraiment. Des hommes sympas, certes, mais personne avec qui la connexion était mémorable. Elle a donc décidé de s'inscrire sur une application de rencontre en ligne. Après le travail, elle prenait le temps d'écrire et de téléphoner aux hommes avec qui elle avait matché. Elle a rencontré quelques-un d'entre eux en personne, mais aucun ne lui convenait vraiment.
C'est alors qu'elle a contacté Sandra Bugmann, qui connaît bien les histoires comme celle de Beatrice Keller. Elle dirige depuis 1998 une agence matrimoniale à Frick, en Argovie. Sa clientèle est âgée entre 25 et 85 ans, mais la majorité a entre 50 et 70 ans. «Tant que l'on est encore dans la vie active, on est souvent bien occupé. A la retraite, il manque soudain quelque chose. Non seulement on a plus de temps, mais chez beaucoup, le désir de trouver un partenaire grandit», explique-t-elle.
Les chiffres sur les plateformes de rencontre montrent également que les personnes âgées veulent (re)tomber amoureuses. Le portail en ligne Date50.ch compte par exemple 380'000 personnes inscrites. Et sur Parship, l'un des sites de rencontre les plus connus de Suisse, un célibataire inscrit sur trois a plus de 50 ans.
Le défi de la rencontre
Beatrice Keller trouve qu'il est beaucoup plus difficile aujourd'hui de rencontrer de nouvelles personnes. «Avec l'âge, on ne va plus aussi souvent danser qu'avant», dit-elle. En outre, il lui est de plus en plus difficile d'aborder les autres. «Quand on est jeune, on se dit 'il me plaît, je vais lui parler, il n'est certainement pas marié!' Mais avec les personnes plus âgées, on part plutôt du principe qu'elles sont déjà prises et on n'ose moins faire le premier pas.»
Sandra Bugmann confie de son côté qu'il est fréquemment difficile pour sa clientèle âgée de trouver un partenaire. «Beaucoup ne savent tout simplement pas où chercher», dit-elle. «Autrefois, il y avait plus de possibilités sociales, les rencontres se faisaient presque d'elles-mêmes. Aujourd'hui, de nombreuses personnes âgées n'ont plus ce contact social, et donc plus la possibilité de rencontrer quelqu'un».
Des papillons au premier rendez-vous
Mais il n'a pas fallu longtemps pour que Sandra Bugmann appelle Beatrice Keller pour lui annoncer qu'elle avait trouvé quelqu'un pour elle. A partir de ce moment, tout est allé très vite. «Elle lui avait à peine donné mon numéro qu'il m'appelait déjà», raconte Beatrice Keller. Ils se sont immédiatement donné rendez-vous et se sont retrouvés pour le dîner. «Au début, j'étais très calme, car j'avais entretemps vécu tellement de rendez-vous. Mais j'ai ensuite réalisé que cet homme-là pourrait vraiment me convenir.» Ce n'est qu'à ce moment-là que l'excitation est montée. «Pendant tout le rendez-vous, je me suis dit 'il me plaît beaucoup, mais moi? Est-ce que je lui conviens?» Au moment de se quitter, ils se sont embrassés, et pour la première fois depuis très longtemps, Beatrice Keller a eu des papillons dans le ventre.
Cela fait maintenant deux ans et demi que ce premier rendez-vous a eu lieu. Beatrice Keller et son homme sont maintenant dans une relation stable. C'est un homme «qui a les pieds sur terre, attaché aux traditions, originaire de la campagne et très engagé dans la vie associative. Exactement ce que je cherchais!», confie-t-elle en riant.
Mais pour Beatrice Keller, pas question de se marier, ni de vivre ensemble d'ailleurs. Sa maison est son lieu de retraite, et elle ne compte pas l'abandonner. «C'est très bien comme ça. J'ai été seule pendant huit ans, mais maintenant je ne suis plus seule. Je peux aller chez lui quand je veux, ou il peut venir chez moi. Nous avons chacun notre place dans la vie de l'autre.» Son partenaire est également veuf, et cela crée des liens. «Nos partenaires passés font partie de nous. Ils sont toujours présents, reviennent souvent dans les conversations.» Elle n'a en outre aucune mauvaise conscience vis-à-vis de son défunt mari. «Il ne s'agit pas de les refouler ou de les considérer comme des concurrents. Ils font partie de notre vie, chacun à leur manière.»
«On a l'impression que tout est plus intense»
En comparaison avec les 33 ans qu'elle a passés avec son défunt mari, deux ans et demi avec son nouveau partenaire lui semblent bien courts. «C'est un vrai défi. Avec l'âge, on a l'impression que tout est plus intense que quand on est jeune», explique Beatrice Keller. «Quand on est jeune, on est plus prêt à faire des compromis, on n'a pas encore d'expérience. Mais avec le temps et les relations passées, la comparaison vient automatiquement, même si on ne le veut pas toujours.»
Beatrice Keller est allée plusieurs fois au Canada avec son défunt mari. Aujourd'hui, elle veut y retourner avec son nouveau partenaire, à Vancouver particulièrement. «Là-bas, j'aimerais lui montrer les orques.»