Est-ce seulement un problème d'argent?
L'armée ne peut même plus s'offrir de nouvelles chaussettes

Sous-vêtements, protection contre la pluie, gilets de protection: depuis un an, l'armée équipe ses troupes avec du nouveau matériel. Mais des retards se font sentir et le manque de fond est pointé du doigt, alors même que le budget de l'armée a été augmenté cette année.
Publié: 21.09.2024 à 17:11 heures
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Dernière mise à jour: 21.09.2024 à 17:23 heures
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Des chaussettes aux gilets de protection: le Parlement a accordé 348 millions de francs pour le nouvel équipement personnel des troupes.
Photo: NICOLA PITARO
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Daniel Ballmer
Le nouveau système d'habillement et d'équipement se compose au total de 148 pièces d'équipement qui permettent de nombreuses combinaisons en fonction de l'utilisation.
Photo: NICOLA PITARO

Erich Muff ne mâche pas ses mots. «Si l'on n'a plus d'argent pour équiper tous les soldats avec les mêmes bottes de combat, c'est l'alerte rouge!», déclare le président de la Société des officiers des troupes blindées.

Depuis l'automne dernier, l'armée suisse équipe progressivement ses troupes avec ce que l'on appelle le système modulaire d'habillement et d'équipement (MBAS). Autrement dit: tous les soldats disposent de nouveaux sous-vêtements, de tenues de camouflage, de protections contre la pluie, de sacs à dos, de couvre-chefs et même de gilets de protection.

L'équipement personnel actuel, qui date des années 1990, a atteint la fin de sa durée d'utilisation. Le Parlement avait accordé 348 millions de francs à cet effet dans le cadre du message sur l'armée 2018.

L'armée et Armasuisse admettent des retards

Seulement voilà: l'introduction devrait subir d'importants retards. Des cours de répétition auraient été annulés sans justification. C'est ce qui est arrivé au conseiller national UDC David Zuberbühler. En réponse à sa question, le Conseil fédéral renvoie à l'introduction échelonnée, mais laisse néanmoins entendre que l'acquisition et l'introduction seront reconsidérées en raison de la situation financière «tendue».

Interrogés à ce sujet, l'armée et l'Office fédéral de l'armement (Armasuisse) admettent d'éventuels retards. Diverses variantes sont en cours d'élaboration, qui tiennent également compte de la «situation tendue du budget fédéral».

A cela s'ajoute le fait que l'industrie a besoin d'un temps de préparation relativement long en raison d'une charge de travail élevée. De plus, comme la Confédération doit revoir sa copie, les commandes n'ont pas pu être passées conformément au planning initial. Il faut donc s'attendre à des délais d'attente.

Les retards seraient dus à des raisons financières, comme l'explique Dominik Knill. «Il y a un manque à tous les coins de rue», commente le président de la Société suisse des officiers. Dans les milieux militaires, on dit qu'il est désagréable pour Armasuisse d'admettre ouvertement que l'office fédéral ne peut même plus s'offrir de nouveaux vêtements en temps voulu.

La guerre en Ukraine a causé de longues files d'attente

Comme la Confédération n'a pas pu passer de commande ferme, elle doit maintenant faire la queue. «A cause de la guerre en Ukraine, le monde entier passe maintenant commande. Il manque du matériel de camouflage et des capacités de production», explique l'officier Erich Muff.

A cela s'ajoute le fait que les prix ont explosé en raison de la demande. Si l'on attend un ou deux ans, on ne pourra plus commander que nettement moins de matériel avec les fonds alloués. Armasuisse part également du principe qu'il peut y avoir de «légères augmentations de prix» en raison des retards.

Le problème serait plus profond

Les milieux militaires tirent depuis longtemps la sonnette d'alarme sur la pénurie de fonds. «On peut bien sûr dire que les soldats pourraient tranquillement porter l'équipement vieux de 30 ans deux ou trois ans de plus», déclare l'officier de chars Erich Muff. «Mais cela montre l'état de l'armée: elle manque de tout. Maintenant, on n'a même plus d'argent pour acheter des vêtements. C'est dramatique!»

Et ce n'est que la pointe de l'iceberg, selon lui. L'artillerie serait depuis longtemps à bout de souffle, mais son remplacement se fait toujours attendre. Près de la moitié des chars Léopard seraient confrontés à des pannes. Parallèlement, les munitions et les pièces de rechange font défaut, s'inquiète au plus haut point l'officier Erich Muff: «Une instruction n'est plus possible s'il manque du matériel, des véhicules et des munitions». Et chaque année, le matériel vieillit et deviendrait plus vulnérable aux dommages.

Un débat politique houleux

Depuis le début de la guerre en Ukraine, le Parlement se bat pour le réarmement de l'armée. Après le Conseil des Etats, le Conseil national a également voté jeudi en faveur d'une augmentation de quatre milliards de francs du plafond de dépenses pour les quatre prochaines années, le portant ainsi à 29,8 milliards de francs. La balle est à nouveau dans le camp du Conseil des Etats. Des moyens supplémentaires se profilent donc pour l'armée.

Le politicien de l'UDC Zuberbühler annonce qu'il va maintenant soumettre les problèmes liés à l'habillement et à l'équipement à la commission compétente du Conseil national. Car jusqu'à présent, il juge les réponses de la Confédération insatisfaisantes.

Ce n'est pas l'avis du Parti socialiste, des Vert-e-s et des Vert'libéraux. Ces derniers considèrent qu'une guerre sur le territoire suisse est trop improbable pour que l'armée ait besoin d'un budget aussi élevé. Ils dénoncent notamment une propagande «alarmiste» de l'armée. 

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