La nouvelle secoue le monde de la viticulture valaisanne. Cédric Flaction, encaveur sédunois, est mis en accusation pour escroquerie, faux dans les titres, falsification de marchandises. Son tort? Il aurait fait passer des centaines de milliers de litres de vin espagnol ou schaffousois pour de l'AOC Valais.
Le dirigeant de la Cave des Cailles Sàrl, à Chamoson, et Flaction Sàrl, à Sion, présumé innocent, a profité d'un système qui lui aurait permis d'engranger des millions de francs de bénéfices entre 2009 et 2016. Une enquête poussée du Ministère public a permis de lever le voile sur ses agissements.
Un vin pur ne peut pas mentir
Comment l'encaveur a-t-il pu tromper son monde sept ans durant? Au nez et au goût, n'est-il pas possible de distinguer un vin valaisan d'un espagnol? Les contrôles n'existent donc pas? Blick a interrogé le président de l'Interprofession de la Vigne et du Vin du Valais (IVV), et le «sommelier de l'année 2015», Jérôme Aké Béda.
Selon ce dernier, célèbre amoureux du chasselas vaudois, il n'est pas possible de mentir sur un vin pur. «Je ne crois pas du tout qu'il ait mis du Tempranillo dans son Cornalin, par exemple», imagine le directeur du Chalet du Mont-Pèlerin (VD).
L'assemblage, plus difficile à décortiquer
Pour lui, c'est évident: seul un assemblage peut trahir les pros. «Si l’on me dit qu’un vin est un Pinot Noir et qu’il n’en a pas le profil aromatique, je ne peux pas y croire. Il me faut les marqueurs du Pinot Noir. On découvre la supercherie très facilement, assure le sommelier. Le vigneron peut raconter une belle histoire autour de son faux vin, ça ne fonctionne pas sur les vrais amateurs.»
Il y a plusieurs contrôles des AOC Valais. Un contrôle des cuves et de la comptabilité viticole et un contrôle organoleptique des produits. «Des experts effectuent des contrôles organoleptiques, développe le président de l'Interprofession de la vigne et du vin du Valais (IVV). Ils passent dans les caves et en magasin, retirent les bouteilles qui sont dégustées par une commission de dégustation qui répond aux règles de l'organisation internationale de la vigne et du vin.» Que se passe-t-il si un vin n'a pas le niveau d'une AOC? «Il peut être retiré du marché, mais c’est rare, précise Yvan Aymon. C’est d’abord une question de qualité du vin qui a pu évoluer en bouteille, ce pas qu’une question de fraude.» Après la plainte de l'IVV, en 2015, le nombre d’échantillonnages a été augmenté.
Il y a plusieurs contrôles des AOC Valais. Un contrôle des cuves et de la comptabilité viticole et un contrôle organoleptique des produits. «Des experts effectuent des contrôles organoleptiques, développe le président de l'Interprofession de la vigne et du vin du Valais (IVV). Ils passent dans les caves et en magasin, retirent les bouteilles qui sont dégustées par une commission de dégustation qui répond aux règles de l'organisation internationale de la vigne et du vin.» Que se passe-t-il si un vin n'a pas le niveau d'une AOC? «Il peut être retiré du marché, mais c’est rare, précise Yvan Aymon. C’est d’abord une question de qualité du vin qui a pu évoluer en bouteille, ce pas qu’une question de fraude.» Après la plainte de l'IVV, en 2015, le nombre d’échantillonnages a été augmenté.
En revanche, si l’on glisse un vin espagnol dans un assemblage, c’est plus difficile. «Il suffit d’une harmonie, d’un équilibre dans le vin pour qu’un bon œnologue fasse ce qu’il veut», glisse le maître d'hôtel. Il peut chercher un vin structuré et original, te donner un nom en disant «voilà, c’est mon assemblage de la Luciole, il y a trois ou quatre cépages dedans», et tu ne sauras pas retrouver la trace d’un vin étranger.»
Pas de contrôles?
Le président de l'Interprofession de la vigne et du vin du Valais (IVV) confirme cette analyse. «Je crois que des vins purs ont été vendus, mais c’est extrêmement rare, confie Yvan Aymon. 10% de vin espagnol dans un vin valaisan, c’est indétectable. C'étaient très certainement des vins très neutres, ils passent donc inaperçus dans un vin de caractère.»
Cédric Flaction aurait profité du filon entre 2009 et 2016, et empoché 11,8 millions de francs en troquant notamment le vin espagnol à 1,31 franc le litre en AOC valaisanne vendue entre 3,9 et 9 francs le litre. Aucun contrôle n'a eu lieu en sept ans?
Contrôles renforcés en 2015
Oui, mais c'est justement sur une faille qu'aurait flirté Cédric Flaction, proche par ailleurs de Dominique Giroud, célèbre encaveur au centre de dizaines de procédures, notamment pour des faits de fraude similaires.
Les contrôles ont changé suite au dépôt de la plainte de l'IVV en 2015. Ils ont été renforcés, explique Yvan Aymon. Auparavant, l’Organisme intercantonal de certification (OIC) contrôlait les petites caves, et le Contrôle suisse du commerce des vins (CSCV) s’occupait des grandes», développe le président.
Les petites caves étaient utilisées
Avec deux organes de contrôles, les données n’étaient pas échangées et les factures n’étaient pas tracées. Les petites caves étaient utilisées pour faire de fausses factures et ainsi, attester d'un achat fictif de vin respectant l'AOC. «Depuis 2016, le CSCV contrôle toutes les caves», indique Yvan Aymon.
En 2014, l'IVV a compris le système de fraude, quand les PV d'audition de Dominique Giroud par l'Administration fédérale des contributions sont sortis dans la presse. «Nous ne sommes pas du tout surpris de l'affaire qui sera jugée le 26 août, glisse le patron de l'IVV. Cédric Flaction apparaissait déjà dans les fausses factures de Giroud en 2015.»
La fraude aujourd'hui? Ça serait «suicidaire»
Aujourd'hui, il n'y aurait plus de fraude. C'est la conviction de l'Interprofession valaisanne. «Ça serait suicidaire de continuer à faire fonctionner ce système alors que nous avons compris comme il marche», souligne Yvan Aymon. Il ajoute que les nouveaux contrôles et la pression médiatique rendent l'entreprise impossible.
Jérôme Aké Béda rappelle un précédent concernant un Hongkongais, qui trafiquait des grands crus en mélangeant lui-même ses vins. Là encore, ce n'est pas le goût qui l'a perdu. «Il faisait croire que c’était de la Romanée-Conti (ndlr: l'un des vins le plus cher du monde). Les grands brokers n’ont jamais compris, jusqu’à ce qu’il se trompe sur une date», se remémore le sommelier.