Fouler les pavés d’une ville – surtout le soir – avec la boule au ventre est probablement l’une des expériences les plus tristement universelles pour les femmes du monde entier. Un homme très relou, souvent insultant, voire dangereux, ayant vite fait de vous accoster lourdement.
Y compris à Genève, où 183 cas de harcèlement de rue ont été recensés ces six derniers mois, via une fonctionnalité de l’application Genève en Poche, selon les informations fournies par l'administration municipale à Blick.
Si les femmes (mais pas que) se font toujours siffler et traiter de tous les noms d’oiseaux sur les trottoirs en 2023, la bonne nouvelle, donc, c’est qu’on peut désormais le dénoncer. Suivant l’exemple vaudois de l’application EyesUp, le dispositif est arrivé au bout du lac en juin 2022 – en même temps que l’actuelle maire de Genève, Marie-Barbey Chappuis.
C’est un projet qui lui tient à cœur: «Progressivement, la honte change de camp, prône l'élue du Centre. Et nous voulions mettre en place quelque chose de concret. En plus de la prévention qui existe déjà.» Et d’ajouter: «Nous avons donc contacté la Ville de Lausanne, qui possédait déjà une application de signalement, afin de profiter de leur expérience.»
Insultes sexistes et regards lourds
Quant à la nature des dénonciations, elles concernent surtout des insultes à caractère sexuel ou sexiste, ou des regards insistants. Plus de 45 personnes affirment cependant avoir été suivies dans la rue, et plus de quinze personnes ont signalé des attouchements (voir graphique ci-dessous).
Y a-t-il des quartiers genevois plus problématiques que d'autres, en matière de harcèlement? Contacté, un lieutenant de la police municipale chargé du projet (qui a souhaité rester anonyme) rétorque: «Il n'y a pas vraiment un ou des foyers en particulier – c'est plutôt diffus. À part peut-être pour ce qui est des bus TPG, où les cas sont en effet plus fréquents.» L'espace clos étant plus propice à la promiscuité...
Les hommes signalent aussi
Sans surprise, la majorité de ces 183 dénonciations provient de femmes. Mais les hommes sont tout de même 21 à avoir appuyé sur le bouton «signaler». Ainsi que quinze personnes LGBTQ+, ou en questionnement de genre.
À noter que le bilan qui nous a été fourni par la municipalité est semestriel, les données collectées sont donc encore parfois incomplètes. L'âge des victimes, par exemple, n'est pas connu.
Mais la phase pilote du projet porte déjà ses fruits, selon Marie-Barbey Chappuis. «Nous constatons, après ces six premiers mois déjà, que cette offre répond bel et bien à une demande», affirme-t-elle.
Et ce n'est que les premiers pas d'un combat qu'elle compte mener à long terme: «Cette application est aussi un outil très utile pour nous, car nous pouvons ainsi quantifier le phénomène en Ville de Genève, et assurer un suivi des victimes par la police municipale.»
Ça peut finir au tribunal
Ces signalements ne sont pas des bouteilles jetées à la mer, bonnes qu'à en extraire des statistiques. Le but, au final, c'est de mettre en place un véritable dispositif pour enrayer le phénomène. Et ce, avec l'aide de «soldats» particuliers: quelque huit agentes et agents de la police municipale de Genève ont été formés tout exprès pour gérer cette cellule «Harcèlement de rue».
À ce jour, pas moins de 36 personnes ont demandé un suivi à la police municipale à la suite d'un cas signalé. Des requêtes que les agentes et agents traitent au maximum dans les vingt-quatre heures après la dénonciation.
Parmi ces suivis, deux victimes ont même demandé un accompagnement pour un dépôt de plainte pénale. Dans ce cas, les policières et policiers de la Ville assurent la transmission du dossier à la police cantonale.