La Zougoise Martina Müller, 35 ans, du canton de Zoug, pleure le décès de «tante Emmi». Emma Abächerli, de Giswil (OW), a certes atteint un très bel âge: 92 ans. Mais les circonstances de son décès laissent un goût très amer à sa petite-nièce.
Dimanche, Emma Abächerli s'est éteinte dans la maison de retraite «Dr Heimä» («La maison»), après avoir été testée positive au Covid. Au cœur de la polémique: la décision de l'EMS d'abolir l'obligation de porter un masque. Au cours des trois dernières semaines, neuf décès y ont été enregistrés.
«Lorsque l'on meurt de quelque chose qui aurait pu être évité, c'est toujours une grande perte», se désole Martina Müller en feuilletant son album de famille. «Qu'il s'agisse de quelques jours, des mois ou même des années, sa vie aurait été prolongée si les mesures de protection avaient été suivies», affirme la trentenaire à Blick.
Employés sans masque
Avant cette fin dramatique, la jeune femme avait une bonne impression de l'établissement. «J'ai appris à connaître les employés, tous très compétents. Ils ont bien fait leur travail, donc je suis d'autant plus surprise...»
Les accusations sont lourdes. Elles ont initialement été portées par la «Luzerner Zeitung»: l'obligation du port du masque a été tout simplement ignorée, et ce systématiquement. Durant l'été, les employés ne portaient pas de protection faciale; la direction leur a même demandé de ne pas le faire. Les membres de la protection civile qui étaient en service en septembre ont reçu l'ordre clair de ne pas porter de masque.
Avec la récente série de décès, l'affaire a intéressé la police. «Sur la base des rapports, une enquête a été ouverte pour faire toute la lumière sur ces allégations», indiquent les autorités obwaldiennes.
Mercredi, la direction de l'EMS a organisé une conférence de presse pour répondre aux questions du public. «Il y a eu de nombreux décès au cours des dix derniers jours, ce qui est très tragique d'un point de vue humain. C'est incroyablement stressant pour le personnel et les résidents», a affirmé Albert Sigrist, président du conseil d'administration.
Masques pris pour une «recommandation»
Le directeur général de l'établissement, Daniel Kiefer, a estimé que l'obligation de porter des masques avait été prise comme «une recommandation». «D'autres EMS de la région ont également profité de ce que l'on pensait être une marge de manoeuvre», a poursuivi ce responsable. Or, dans le canton d'Obwald, une levée de l'obligation n'a jamais été envisagée.
Les employés contrôlés positifs au Covid ont continué à travailler dans certaines circonstances. «C'était possible pour les employés qui ne présentaient aucun symptôme», a confirmé Daniel Kiefer. Ils n'auraient eu de contact qu'avec les résidents positifs ou guéris.
Malgré ces graves accusations, le président du conseil de fondation Albert Sigrist, qui est par ailleurs élu au Grand Conseil obwaldien sous la bannière UDC, estime que l'EMS n'a commis aucune erreur et qu'en aucun cas l'établissement n'a d'excuses à présenter. «Nous ne voyons pas nécessairement un lien irréfutable entre le masque et les épidémies. C'est pourquoi il n'y a pas de regrets à avoir. Mais dès que nous avons réalisé que la situation devenait critique, nous avons immédiatement remis les masques.»
Un complot en vue de la votation
Plus que cela, Albert Sigrist perçoit une «conspiration» en vue du référendum bis sur le Covid, soumis au peuple le 28 novembre. «Quand on voit le texte de la votation qui arrive, nous représentons un exemple où les gens peuvent se dire 'Voilà, on a attrapé un cas'. J'aimerais que tout cela s'arrête. On veut la paix et que tout le monde soit en bonne santé.»
Une polémique qui n'intéresse pas Martina Müller. La jeune femme préfère se concentrer sur le deuil de sa grande-tante et se rappeler tous les bons moments passés ensemble. «C'était une personne très chaleureuse et modeste. Ces dernières années, elle a beaucoup tricoté. Je l'admire.»
L'EMS de Giswil a été le théâtre d'un rassemblement surprenant. Les «Freiheitstrychler», ces protestataires contre les mesures Covid, sont venus apporter leur soutien aux responsables de l'établissement. Ils ont commémoré les neuf victimes, en estimant que la mort devait faire partie de la vie. «Mieux vaut contracter le Covid que vivre avec un masque et sans sourire», a estimé l'un d'eux à la caméra de nos collègues de BlickTV. «Le sommet du cynisme», écrit la cheffe de l'actualité Jessica von Duehren dans un éditorial (en allemand).