Le 18 décembre dernier, le président russe Vladimir Poutine a lancé 2501 attaques en une seule journée sur la ville d'adoption d'Eva Samoylenko-Niederer. Dans la région de Donetsk, les missiles pleuvent. Mais cela ne décourage pas la native de Wädenswil, commune située dans le canton de Zurich.
Le samedi précédant Noël, cette femme de 43 ans et sa plus jeune fille sont dans un bus longue distance partant de Zurich pour Sloviansk, dans la région de Donetsk, dans l'est de l'Ukraine, où les combats font rage. Malgré le danger de mort, Eva Samoylenko-Niederer souhaite revenir au pays. «Nous nous sommes battus pendant trois ans, mais le monde ne nous a pas donné ce dont nous avions besoin pour gagner contre la Russie», estime l'enseignante qui a géré un foyer pour enfants dans l'est de l'Ukraine, avec son mari ukrainien, jusqu'au début de la guerre. Lorsque le foyer a été détruit par les Russes en 2022, elle a fui vers l'ouest du pays.
Récemment, elle est revenue en Suisse pour souffler un peu. Mais elle ne supporte pas de rester les bras croisés face à la destruction de son pays d'adoption: «Ce qui se passe avec l'Ukraine est totalement incertain. Je ne sais pas si je verrai un jour fleurir les fleurs que nous avons plantées dans notre jardin, il y a encore quelques semaines.»
Eva Samoylenko-Niederer ne sait pas combien de temps elle pourra rester chez elle. Dès que la ville proche du front sera à portée des obus d'artillerie russes, elle devra quitter sa maison bien-aimée. «Aujourd'hui déjà, des obus tombent régulièrement. Mais les gens ne réagissent même plus aux explosions. La folie est devenue un triste quotidien», constate-t-elle.
«A Noël, la guerre est particulièrement cruelle»
La Suissesse ne se contente pas d'observer la guerre: avec son association «Segel der Hoffnung», elle a mis en place un réseau de plus de 500 bénévoles en Ukraine. En un peu plus de 1000 jours de guerre, ils ont déjà évacué 52'000 personnes de la zone de front, distribué 50'000 tonnes de biens de première nécessité – beaucoup de dons proviennent de la Suisse – aux personnes dans le besoin et parcouru 2,5 millions de kilomètres.
Mais en ce moment, malgré tout ce soutien, la souffrance de beaucoup de leurs connaissances dans l'est de l'Ukraine devient presque insupportable. «Les sirènes des attaques aériennes remplacent 'Mon beau sapin', les coupures de courant remplacent les guirlandes, et pour de nombreux enfants, c'est le premier Noël sans leur père, leur frère, parfois leur mère. Au moment de Noël, la guerre est particulièrement cruelle», observe cette chrétienne croyante.
Eva Samoylenko-Niederer a depuis longtemps abandonné l'espoir que l'Ukraine puisse vaincre militairement son envahisseur surpuissant. D'un autre côté, un accord de paix pourrait signifier que toute la région du Donbass tombe aux mains de la Russie, y compris sa ville de Sloviansk. «Des centaines de milliers de personnes devraient fuir vers l'ouest du pays. Mais nous, les Russophones de l'Est de l'Ukraine, ne sommes souvent pas les bienvenus», explique-t-elle, en faisant référence à sa propre expérience.
Discriminée à cause de la langue russe
Pendant des mois, elle a dû vivre avec ses trois filles dans l'ouest de l'Ukraine. Harcèlement à l'école, regards suspects à chaque mot russe, ressources quasi inexistantes pour aider les personnes déplacées: «A un moment donné, nous n'en pouvions plus», raconte Eva Samoylenko-Niederer.
Mais aujourd'hui, face à la menace de destruction de sa patrie d'adoption, la Suisso-Ukrainienne veut se rebeller une fois de plus. «Nous ne pouvons pas arrêter l'armée russe. Mais il y a encore des milliers de petites possibilités d'aider ceux qui souffrent sur place.» Raison pour laquelle elle retourne dans la zone proche des combats.