C'est par l'intermédiaire de son patron qu'elle a appris la nouvelle. Jana Meyer, jardinière paysagiste de 22 ans, est d'abord perturbée lorsque son chef lui partage le lien d'un site pornographique. Mais très vite, la surprise laisse place à l'effroi. L'url renvoie vers des photos coquines de Jana à côté de son vrai nom! Le tout est accompagné d'un texte grivois: «Des mises à jour quotidiennes de mon corps sexy», lit-on. Il est également possible de s'abonner pour pouvoir visionner des vidéos prétendument explicites de la jeune femme. «J'étais complètement choquée, confie-t-elle à Blick. Je ne publierais jamais de photos de moi nue. Et encore moins des contenus pornographiques. J'ai peur pour ma réputation.» En s'adressant à Blick, la jeune femme veut donner du courage à d'autres femmes victimes de cette situation. «Vous n'êtes pas seules», dit-elle.
Lucide, elle évoque tout de suite une probable usurpation d'identité. Si Jana Meyer se sent un temps rassurée, la réalité la frappe: du contenu porno circule librement et contre sa volonté sur Internet. «Toutes les minutes, des connaissances et des personnes qui me suivent sur Instagram me demandaient pourquoi je faisais cela», dit-elle.
Jana Meyer se défend publiquement
Dans les environs de Sumiswald, commune du canton de Berne, la paysagiste est bien connue. En plus de son travail, elle donne des coups de main sur le domaine agricole de ses parents. Elle dirige aussi une section de jeunes tireurs et fait du mannequinat à temps partiel pour des bijoux, des cosmétiques et des sous-vêtements: «Maintenant, tout le monde doit savoir que cela s'est produit contre ma volonté», déclare-t-elle.
Le cas est particulièrement vicieux: une partie du faux profil pornographique est basée sur des éléments réels. Outre le nom, les photos de sous-vêtements sont authentiques. La jeune femme les avait publiées elle-même sur les réseaux sociaux. Les prétendues vidéos porno de la Bernoise sont en revanche fausses. Les personnes qui paient reçoivent des films de femmes qui ont un physique similaire à celui de la Bernoise. Les visages ne sont pas visibles. Les clients qui paient pour les vidéos sont donc également trompés.
Un lien vers le prétendu site porno de Jana Meyer est envoyé à tous ses followers sur Instagram, ses amis, sa famille et ses collègues de travail!
La police est au courant du problème
«Dans de tels cas, nous recommandons de se rendre dans un poste de police à proximité et de prendre avec soi le plus d'informations possible, par exemple le nom d'utilisateur, les captures d'écran, les adresses e-mail, les numéros de téléphone, la date et l'heure de publication», écrit Cindy Schneider de la police cantonale bernoise. Les enquêteurs conseillent aux victimes de prendre contact le plus rapidement possible avec la plate-forme de réseaux sociaux concernée, de signaler le faux profil et de le faire bloquer.
Des pistes existent pour remonter aux auteurs. La police cantonale bernoise écrit à ce sujet: «Nous avons différentes possibilités d'enquêter lorsqu'il y a infraction. Nous pouvons par exemple demander des données supplémentaires aux fournisseurs ou les collecter en collaboration avec des autorités de poursuite pénale étrangères. Il est également possible de procéder à différentes analyses à partir d'un faux profil.»
Plus de 1000 dénonciations en 12 mois
Jana Meyer a suivi ce conseil et a déposé plainte auprès de la police cantonale. Depuis le 1er septembre 2023, des cas comme celui-ci sont qualifiés d'«usurpation d'identité» selon l'article 179 du Code pénal et peuvent être punis jusqu'à un an de prison. Or, nombre de ces cas concernent des escroqueries dans des boutiques en ligne.
Un coup d'œil sur les statistiques révèle qu'il s'agit d'un problème aigu: depuis l'entrée en vigueur de l'article, plus de 1000 cas ont été dénoncés, écrit le «Tages-Anzeiger». Rien que de septembre à décembre 2023, 290 cas ont été recensés dans toute la Suisse. Le nombre de cas non recensés devrait être nettement plus élevé.
«176 d'entre eux ont été enregistrés en 2023 dans le canton de Zurich», écrit le service de cybercriminalité de la police cantonale zurichoise à la demande de Blick. Pour s'en protéger, la police recommande de «ne publier que des images que tout le monde peut voir et qui ne peuvent donc pas être utilisées abusivement par des tiers».