Ce mardi, la commune bernoise de Kandersteg a été le théâtre d'un éboulement de près de 10'000 mètres cubes de pierre. Depuis, le téléphone portable du président du Conseil communal sonne presque sans arrêt. «Je n'ai encore jamais vécu une telle situation, déclare René Maeder à Blick. Je suis tout le temps sollicité.» Le sexagénaire prend toutefois le temps de nous montrer l'endroit où cela s'est produit.
Entre le lac d'Oeschinen et le centre du village, 500'000 mètres cubes de roche supplémentaires pourraient s'effondrer dans les prochains jours. «Personne n'a le droit de s'approcher pour le moment», explique René Maeder. La plupart des chemins de randonnée qui mènent du village jusqu'au lac étaient de toute manière déjà fermés avant l'éboulement de mardi.»
Des avertissements 49 heures à l'avance
Il faut dire que les précautions ont été prises. La zone rocheuse en question, au sud du lac d'Oeschinen, connaît des mouvements accrus depuis 2018. Le 20 décembre 2019, environ 15 000 mètres cubes de roche s'étaient déjà détachés pour tomber dans la vallée. Heureusement, aucun blessé n'était à déplorer. «Personne n'habite à cet endroit, assure le président du Conseil. Si tous les promeneurs et randonneurs respectent nos consignes, il n'y a pas de risque de blessures.»
Les experts attribuent ces chutes de pierre aux au recul du permafrost dans le sol. «La zone est surveillée depuis longtemps par des appareils techniques», explique René Maeder. On trouve par exemple de nombreux radars ou GPS sur le terrain. «Grâce aux mesures qui nous sont communiquées, nous savons au moins 49 heures à l'avance si un élément dangereux peut atteindre le village.»
Onze millions de francs pour la sécurité
Il ne faut cependant pas sous-estimer la force de la nature, poursuit-il. Selon lui, la roche présente sur le lieux de l'éboulement se déplace à une vitesse de 20 centimètres par jour. Le taux des mouvements est donc toujours très élevé. Mais une réduction du niveau de sécurité à celui de la semaine dernière pourrait bientôt être envisagée.
«Comme un gros rocher est tombé et qu'il faisait si sec, il y a eu un gros nuage de poussière», raconte le président du Conseil. C'était spectaculaire. Mais rien n'est descendu dans la vallée! Car nous sommes désormais préparé à un tel cas. Avec des filets, des digues, un corridor de débordement et un concept global», assure-t-il. Avec le canton, la Commune a dépensé plus de onze millions de francs pour ce concept de protection.
«Nous voulons un avenir dans cette région magnifique.»
C'est ainsi que la riveraine Ursula Künzi a vu une digue être construite devant sa maison. «Les travaux ont commencé fin juin», explique cette commerçante à la retraite. Elle et son mari n'y voient aucun inconvénient. «Nous habitons dans cette maison depuis 1986 et nous aimerions bien y rester», affirme la femme de 76 ans.
Un peu plus loin, l'ancien conseiller fédéral UDC Adolf Ogi possède une résidence. Celui-ci estime aussi que la sécurité est nécessaire: «Les dangers naturels existent et il faut les prendre au sérieux», affirme Adolf Ogi. Pour lui, il est normal d'investir autant d'argent dans des mesures de protection. «Les jeunes ici à Kandersteg doivent avoir un avenir et pouvoir résister à la concurrence, par exemple en matière de tourisme. Il ne faut pas enlever l'espoir aux jeunes», nous explique l'ancien conseiller fédéral.
Dans le village, il n'y a déjà plus de poste de police, plus de bureau de poste, plus de boucherie et plus de buffet de la gare. «Cette évolution est déjà dramatique, souligne Adolf Ogi. Mais nous voulons tous un avenir dans cette magnifique région de Kandersteg». Il assure aussi trouver «irresponsables» les promeneurs ou randonneurs qui ne respectent pas les règles de la Commune.
Les visiteurs continuent d'affluer
Hans Schärer avoue avoir déjà ignoré qu'un sentier de randonnée soit fermé dans l'Oberland bernois. «Après tout, je fais de la randonnée depuis 60 ans», explique ce commerçant à la retraite. Le Zurichois s'inquiète davantage de l'avenir de nos montagnes. «A première vue, c'est généralement le recul des glaciers que j'observe presque partout, explique-t-il. Cela va devenir encore plus préoccupant et plus rapide qu'on ne le pense». Il ne craint pas pour autant les éboulements, même si le risque zéro n'existe pas en montagne. «Il faut simplement être prudent».
La prudence, Noah Jude en fait justement preuve en montagne. Ce réalisateur venu de Thoune montre pour la première fois le lac d'Oeschinen à sa petite amie. Il ne veut emprunter avec elle que les chemins de randonnée autorisés. «J'ai déjà entendu parler de l'éboulement. Mais si nous montons au lac par l'autre côté, il ne devrait pas y avoir de risque, selon la Commune». Il n'a donc pas peur d'emprunter ce chemin, même si selon lui toutes les mesures du monde ne suffiraient pas si «tout tombait d'un coup». Pour lui, on ne peut pas arrêter les gens qui ne respectent pas les conditions, estime Noah Jude: «Ils veulent juste avoir leur aventure».
Niveau de danger levé
L'éboulement de mardi à Kandersteg n'a visiblement pas encore d'influence sur le tourisme: les visiteurs continuent d'affluer. C'est le cas de Maria Bazhkova, originaire de Biélorussie, qui vit actuellement à Lucerne. «J'ai trouvé beaucoup de chemins de randonnée ouverts. Et c'était très beau au bord du lac», raconte-t-elle. Elle n'a pas eu peur lorsqu'elle a entendu parler de l'éboulement, cela l'a plutôt rendue triste, «parce que c'est peut-être arrivé à cause du climat».
Entre-temps, le danger s'est atténué. La Commune a levé ce vendredi matin les niveaux de danger et les mesures correspondantes. Les précipitations prévues pourraient toutefois encore provoquer des glissements de terrain. Les données de surveillance sont analysées en permanence.
(Adaptation par Thibault Gilgen)