Une crise électorale des plus étranges se joue actuellement à Mosnang, dans le canton de Saint-Gall. Plantons le décor: nous hommes dans une petite bourgade de Suisse orientale peuplée par environ 3000 habitants. Au croisement des deux principales routes, une église et la maison communale du village sur la gauche, et deux auberges sur la droite. La petite commune est présidée Renato Truniger, affilié à l'Union démocratique du centre (UDC). Max Gmür, et son collègue sans parti, préside quant à lui le conseil scolaire.
Mais voilà, ce petit village, habituellement si paisible, traverse des troubles qui lui étaient jusque-là étrangers. En cause, la réélection prochaine du conseil communal et du conseil scolaire. Truniger comme Gmür souhaitent rester en poste. Les deux seraient d'ailleurs certains d'être réélus. Mais contre toute attente, Renato Truniger a fait savoir qu'il ne souhaitait plus travailler avec Max Gmür. Pire encore, si le mandat de Gmür venait à être renouvelé au conseil scolaire, Truniger n'accepterait pas sa réélection. Or, Truniger n'a pas d'adversaire en vue de ce scrutin. Autrement dit, si Gmür était réélu, la commune de Mosnang se retrouverait... dépourvue de président.
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Mais les élections, elles, n'attendent pas. Et en brandissant cette menace, Truniger a divisé la population en deux camps, raconte Edi Schnellmann, habitant du village: «Je sens une certaine tension dans la commune. Il y a un silence étrange. On n'aborde pas la question des élections parce que chaque interlocuteur pourrait avoir une autre opinion.»
Que s'est-il passé?
Sollicité par Blick, le président de la commune justifie sa position: «J'ai le droit de dire si je ne me sens plus à l'aise avec cette constellation au sein du conseil communal». Il l'assure: cette annonce visait avant tout à informer rapidement la population du changement à venir. «Et j'ai aussi dit que ce changement, c'était peut-être moi», martèle-t-il.
A l'instar d'Edi Schnellmann, les villageois sont irrités par cette situation. Beaucoup se demandent ce qui a pu se passer entre les collègues du conseil. Renato Truniger siège au conseil municipal depuis 2005. Max Gmür l'a rejoint quatre ans plus en tant que président du conseil scolaire. Cela fait donc bientôt 16 ans que les deux hommes travaillent ensemble, une collaboration jusque-là sans accroc. Gmür lui-même ne comprend pas le revirement soudain de son collègue «Je ne savais pas moi-même pourquoi Renato Truniger ne voulait soudainement plus collaborer avec moi». Interrogé par Blick, le président de la commune n'a pas souhaité développer les raisons de ce conflit.
Certains propos tenus en début d'année par Truniger à la tribune d'une assemblée générale de l'UDC permettent néanmoins d'y voir un peu plus clair. Truniger avait alors évoqué un conflit rédhibitoire entre lui et Gmür. Motif: ce dernier aurait octroyé un avantage à un enseignant en lui proposant de prendre en charge une partie des frais de sa formation continue. Une pratique contraire au règlement du personnel, avait souligné Truniger lors de cette fameuse assemblée. Si le canton avait enquêté sur l'incident, il n'avait cependant pas constaté de faute disciplinaire.
Autre point de discorde: les finances
Autre point d'achoppement, les finances communales, un sujet brûlant à Mosnang. Plusieurs villageois confirment que Gmür et Truniger ne sont pas sur la même longueur d'onde sur cette question. Le président du conseil scolaire est considéré comme un visionnaire, quelqu'un qui fait bouger les choses. En 2017 par exemple, Gmür avait instigué la construction de la plus grande couronne de l'Avent du monde, faisant entrer Mosnang... dans le Guinness Book des records. «Il a œuvré pour la cohésion», estime Edi Schnellmann.
Durant ses multiples mandats, Gmür n'a eu de cette de mettre la main au porte-monnaie, ce qui a eu le don d'agacer le président de la commune. «Mosnang a de faibles capacités sur le plan financier. Nous sommes endettés», soupire Truniger. «Je suis conscient que les finances ne sont pas un sujet populaire. Mais nous devons en tenir compte lorsque nous lançons de nouveaux projets.»
Avec cette attitude, le président de la commune s'est attiré les faveurs de nombreux habitants de la commune. Notamment Myrtha Schuler-Bonelli, qui ne tarit pas d'éloges à l'égard de son président: «Je vote pour ceux dont je pense qu'ils maîtrisent les finances», clame-t-elle.
«On est en train de manipuler une élection»
Mais en ce qui concerne le prochain scrutin, la population de Musnang n'aura pas vraiment de choix. Le Parti libéral radical (PLR) local et le Centre ont beau avoir cravaché pendant des mois, ils ne sont pas parvenus à trouver une candidature à opposer à celle de Truniger.
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En revanche, deux candidates ont rejoint la course à la présidence du conseil scolaire. Regula Hollenstein, enseignante à l'école primaire de Mosnang, est l'une d'entre elles: «On est en train de manipuler une élection. Soit je vote contre Max Gmür, bien que je le soutienne clairement, soit je prends le risque que nous n'ayons bientôt plus de président de commune», regrette-t-elle.
Cette crise électorale devrait connaître son dénouement le 22 septembre, date du scrutin tant attendu (ou redouté, c'est selon). Edi Schnellmann ne sait pas encore exactement sur qui il va jeter son dévolu, «Peut-être que je devrais simplement élire mon voisin à la présidence de la commune», soupire-t-il, avec une pointe de résignation.