Dölf Keller a 57 ans. Il n’a jamais eu de relations sexuelles de sa vie: «je suis vierge.» assume-t-il.
L’Argovien qui vit à Wettingen pense connaître la raison: «C’est parce que je suis handicapé.» Il est atteint de paralysie cérébrale. Il s’agit d’un trouble du mouvement résultant d’une lésion cérébrale présente dès la naissance. «Dans le ventre de ma mère, j’étais couché en croix. C’est pourquoi ils ont dû me retourner avec des forceps. J’ai fait une hémorragie cérébrale.» raconte-t-il.
Il n’a pas gardé de séquelles mentales de l’accouchement difficile. Dölf Keller est bien présent dans sa tête. Son handicap physique est perceptible lorsqu’il parle et marche: il peine à prononcer les mots et à se faire comprendre. Ses pas sont saccadés, son corps est secoué de spasmes involontaires.
«Nous, les personnes handicapées, sommes des personnes normales avec des besoins normaux»
À plus d’un demi-siècle, Dölf Keller en a assez d’être célibataire: «Je veux une petite amie.» Et il parle de manière crue d’un sujet trop souvent ignoré: il ne cherche pas d’un amour chaste. «Je veux de l’amour, de la tendresse – et du sexe.»
Le tabou qui entoure encore les désirs charnels des personnes handicapées l’attriste: «nous, les personnes handicapées, sommes des personnes normales avec des besoins normaux.»
Le toucher, autant que l’affection d’une femme, lui font cruellement défaut. Il précise, sans fard, qu’il rêve également de donner du plaisir, pas seulement d’en recevoir. «Après tout, je peux bouger!»
Dölf Keller a pourtant connu des femmes. «Mais ça n’a jamais rien donné.» Des relations courtes, souvent avec des partenaires qui avaient un handicap mental. Il explique avoir connu une forme de contact physique. «Nous avons échangé des baisers, des caresses, mais ça n’est jamais allé plus loin. Nous n’en sommes jamais venus au sexe. J’aurais voulu, mais ça ne s’est pas produit.»
«Jolie et intelligente, ce serait bien»
Dölf Keller décrit sa partenaire idéale: ouverte, romantique, spontanée, créative, honnête et fidèle. «Il faudrait aussi qu’elle montre de la compréhension pour mon handicap.» Il envisage sa dulcinée entre 20 à 50 ans, ne se soucie ni d’origine, ni de couleur de cheveux ou de peau. «Jolie et intelligente, ce serait bien aussi.»
Mais par-dessus tout, il souhaite que cette femme soit amoureuse de lui. Il ne veut pas que quelqu’un couche avec lui par pitié. «Ce serait humiliant. Le sexe devrait être initié par notre désir et par notre amour.»
«Je ne veux pas d’un amour acheté, je veux un amour réel»
Dölf Keller n’ignore rien des alternatives qui existent pour les personnes handicapées, telles que les accompagnatrices sexuelles. «Il y a aussi des escortes ou des prostituées.» Mais il refuse de se résigner au sexe tarifé. «Je ne veux pas acheter l’amour», confie-t-il.
Le seul amour qu’il a réellement connu, c’est l’amour déçu et unilatéral. «J’étais amoureux, pas elle.» Comme il y a quelques années, lorsqu’il est tombé amoureux d’une aide-soignante dans un foyer. Dölf Keller lui écrit un email, exprimant son souhait de faire plus ample connaissance. «Elle a répondu qu’elle avait un petit ami. Je ne sais pas si c’était vrai ou si c’était une excuse bidon.»
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Il a également placé quelques annonces dans les journaux. Dans le court texte, il précise qu’il est handicapé. «Il faut être honnête, après tout.» Personne ne s’est manifesté. Il essayera une nouvelle fois, omettant cette fois de parler de handicap. Il reçoit alors quelques SMS et appels téléphoniques. «Mais dès qu’elles apprennent ma condition, elles ne se sont plus intéressées par moi. Elles ne m’ont jamais rencontré.»
«C’est un type sympa, mais il est handicapé».
C’est toujours la même rengaine: «Les femmes disent que je suis un type sympa, mais je suis handicapé.»
Il précise que son handicap ne le rend en aucun cas dépendant de son entourage: «Je peux cuisiner, prendre une douche, me raser, me laver et m’habiller tout seul. Je vis dans mon propre appartement». Il est également dans une situation financière stable, puisqu’il vit de l’AI et de l’héritage de ses parents.
Bien sûr, il cherche une femme qui en a après son cœur, pas son portefeuille. «Je serais heureux si, après l’article de Blick, des femmes se présentaient et s’intéressaient sérieusement à moi.»