Fin janvier, Mara Odermatt* a acheté deux boîtes de Concerta, un médicament contre le TDAH, un substitut de la Ritaline. Elle envoie ensuite le justificatif des 284 francs à sa caisse-maladie. Mais surprise! Concordia ne veut pas régler la facture. «Un employé m'a expliqué au téléphone que la caisse maladie n'allait pas payer le médicament.» La raison? Son diagnostic n'a pas été posé durant l'enfance.
Elle avait 23 ans lorsque ses études sont devenues insurmontables. Après des épisodes mêlant anxiété et dépression, à l'automne 2023, on lui diagnostique un trouble du déficit de l'attention et de l'hyperactivité (TDAH). Pour faire simple, son cerveau peine à filtrer les informations pertinentes et contrôle difficilement les impulsions.
Des symptômes dès l'enfance
Jusqu'à récemment, l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) considérait que le TDAH était un trouble exclusivement infantile. Par conséquent, les caisses d'assurance maladie ne prenaient en charge les traitements médicamenteux, comme la Ritaline, que pour les enfants.
En 1992, l'OMS a élargi la reconnaissance du trouble en autorisant son diagnostic chez les adultes. Ce n'est toutefois qu'en 2012 que les caisses maladie suisses ont été tenues de rembourser ces traitements pour les adultes, sous certaines conditions. Pour en bénéficier, les patients doivent avoir reçu un diagnostic établi par un spécialiste et présenter des symptômes attestant de la présence du trouble depuis l'enfance.
L'office fédéral corrige l'assurance maladie
Cet ajout signifie-t-il que les caisses maladie ne remboursent les médicaments que si le diagnostic a été posé avant l’âge de 19 ans? Non, répond l’Office fédéral de la santé publique. «Pour établir un diagnostic de TDAH, le médecin spécialiste évalue, lors de l’anamnèse avec le patient et, si nécessaire, avec ses proches, si les symptômes étaient déjà présents durant l’enfance.» Autrement dit, le diagnostic repose toujours sur l’existence de signes du trouble dès l’enfance. Ce qui était le cas pour Mara Odermatt.
Pourquoi alors Concordia refuse-t-elle de rembourser ses médicaments? Grâce à notre enquête, la jeune femme de 26 ans a découvert qu’un collaborateur de l’assurance avait commis une erreur. Après plusieurs relances, Concordia a fini par reconnaître ses torts et a accepté de couvrir les frais.
Interrogé, le porte-parole de Concordia affirme qu’aucune décision formelle de refus de prise en charge ne figure dans le dossier de la jeune femme. Les informations transmises par téléphone n’y apparaissent pas non plus. En juin 2024, le remboursement aurait pourtant été effectué via le médecin spécialiste ayant prescrit les médicaments. Le porte-parole ne sait pas pourquoi la jeune femme a dû avancer les frais à la pharmacie. «C'est contraire à la procédure habituelle, c'est pourquoi nous avons explicitement attiré l'attention des deux pharmacies concernées.»
Les examens du TDAH prennent beaucoup de temps
Mara Odermatt n'est pas la seule à devoir batailler pour obtenir le remboursement de ses médicaments contre le TDAH. «Les personnes concernées ou les spécialistes nous contactent régulièrement parce qu'il y a des problèmes de prise en charge par les caisses maladie», témoigne Susanne Kempf, directrice de la Société suisse du TDAH.
Certaines assurances refusent d'abord systématiquement la prise en charge, tandis que d'autres exigent des rapports détaillés des médecins pour vérifier si les critères sont remplis. Résultat: des incertitudes pour les patients et une charge administrative accrue pour les professionnels de santé. «Dans un contexte de crise de l’approvisionnement, ces démarches mobilisent inutilement des ressources», déplore Susanne Kempf.
900 francs remboursés
Après de multiples démarches, Mara Odermatt a finalement récupéré les 900 francs qu'elle avait avancés pour son traitement. Mais une question la hante: «Les médicaments m'auraient-ils été remboursés si je n'avais pas insisté à plusieurs reprises?»
*Nom d'emprunt