Ce que Sergio Ermotti gagne en un jour, d'autres le gagnent en un an. Le salaire du patron de l'UBS – qui a touché 14,4 millions de francs pour neuf mois de travail – a suscité des votes amers lors de l'assemblée générale du mastodonte bancaire la semaine dernière.
Mais Sergio Ermotti n'est pas le seul à pouvoir se frotter les mains. Les salaires des personnes les mieux rémunérées ont nettement augmenté en Suisse ces dernières années. C'est ce que montre l'Union syndicale suisse (USS) dans son dernier rapport sur la répartition des salaires, de la fortune et des charges fiscales.
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Plus de 4000 millionnaires salariés
L'organisation critique l'écart salarial qui se creuse. Depuis 2014, les salaires du pour cent le mieux rémunéré auraient augmenté de près d'un quart, ce qui correspond à plus de 3000 francs par mois. Alors que les salariés moyens et à faible revenu ont dû se contenter d'une augmentation moyenne d'à peine 2,5% – en tenant compte du renchérissement. Une employée du commerce de détail ou des soins dispose en moyenne de 120 francs de moins par mois qu'en 2016, a déclaré Vania Alleva, présidente du syndicat Unia, lors d'une conférence de presse ce lundi.
Comme l'écrit l'USS, en 2021, 4120 personnes gagnaient déjà plus d'un million par an. Cela correspond à une augmentation de 12% en l'espace d'un an – et c'est presque trois fois plus qu'il y a 20 ans.
Plus de bonus, moins d'impôts
Selon l'USS, les bonus et les rémunérations variables sont une raison importante du décollage des hauts salaires. Ceux-ci ne cessent d'augmenter. En 2022, un banquier a reçu en moyenne près de 150'000 francs de bonus. Chez Sergio Ermotti aussi, ces bonus représentent une bonne partie de son salaire. Mais ce n'est pas le secteur le plus gratifiant. Dans l'industrie du tabac, les bonus étaient presque deux fois plus élevés que dans le secteur bancaire, avec une moyenne de plus de 290'000 francs, comme le montre un coup d'œil sur la statistique des salaires de la Confédération.
L'Union syndicale suisse critique le fait que la politique fiscale et d'imposition de la Confédération et des cantons creuse encore plus l'écart. Selon Daniel Lampart, économiste en chef de l'USS, la réforme de l'imposition des entreprises (RIE), que les citoyens ont acceptée en 2019, a entraîné deux milliards de francs de pertes fiscales. Les impôts sur le revenu ont également baissé ces dernières années pour les riches et les très riches, a-t-il ajouté. D'autres projets de baisse d'impôts «totalement inutiles» sont en cours de planification dans les cantons. «Nous sommes très inquiets à ce sujet», confirme Daniel Lampart.
L'USS demande un salaire minimum
L'USS a profité de la présentation de ces chiffres pour donner du poids à ses revendications en faveur de salaires plus élevés pour les personnes à bas revenus. Elle demande notamment un salaire minimum de 4500 francs, et de 5000 francs au moins pour les personnes ayant terminé leur apprentissage. Par ailleurs, l'Union syndicale suisse s'engage en faveur de l'initiative pour l'allègement des primes, sur laquelle la Suisse votera le 9 juin. En effet, alors que les salaires des personnes à revenu normal n'ont guère augmenté, les dépenses, notamment pour les primes, mais aussi pour le loyer et l'énergie, ont fortement progressé. Ce que ressentent douloureusement ceux qui ont un salaire modeste sur leur compte en banque.