Descendant du confident de Charles de Gaulle
Petit-fils d'un célèbre déporté, ce député UDC veut interdire les symboles nazis

Thomas Bläsi, député UDC genevois, est à l'origine d'un texte visant à interdire les symboles nazis dans l'espace public, déposé le 4 janvier. Son grand-père était Gaston de Bonneval, déporté à Mauthausen et aide de camp du général De Gaulle. Portrait de famille.
Publié: 13.01.2023 à 16:46 heures
En arrière-plan, du matériel retrouvé par la police genevoise chez huit extrémistes de droite après l'agression de trois personnes noires en août 2007. Dans les bulles, Gaston de Bonneval (à gauche) côtoie Thomas Bläsi, son petit-fils.
Photo: Keystone/Fondation Charles de Gaulle
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Amit JuillardJournaliste Blick

Quand il parle de son aïeul, sa voix se noue au bout du fil. Thomas Bläsi confie être le petit-fils du colonel Gaston de Bonneval, célèbre aide de camp et ami du général Charles de Gaulle, déporté et rare survivant du camp de concentration et d’extermination nazi de Mauthausen, en Autriche. Aujourd’hui, le député genevois de l’Union démocratique du centre (UDC) veut «faire sa part» et prolonger le travail de mémoire entamé par son ancêtre.

Ce pharmacien indépendant et binational, venu en Suisse pour ses études à 20 ans, souhaite faire interdire les symboles nazis dans le domaine public. «Aussi étonnant que ça puisse paraître, faire un salut hitlérien ou exhiber une croix gammée dans la rue en Suisse n’est pas punissable», s’étrangle le politicien. Thomas Bläsi, accompagné de 17 autres élus et élues de tous les partis, sauf du Mouvement citoyen genevois (MCG), a donc déposé un projet de loi constitutionnel le 4 janvier (lire encadré pour les détails). Le texte pourrait être discuté au Grand Conseil les 26 et 27 janvier déjà. Si la proposition est acceptée, une votation populaire devra être organisée.

«Le moment est venu d’agir au niveau cantonal puisque rien ne bouge au niveau fédéral, martèle le quinquagénaire. On l’a vu avec la résurgence de l’antisémitisme durant la pandémie: comme disait mon grand-père, 'la bête s’apprête' et peut resurgir n’importe quand.» Après la guerre, Gaston de Bonneval a organisé des «veillées de la déportation» et rédigé des écrits parfois macabres, qu’il a transmis à ses huit enfants, dont Nancy, la mère de Thomas Bläsi, et sa vingtaine de petits-enfants. Durant notre conversation, le 12 janvier, il a le recueil de textes «Déportation – Prières, Pensées, Réflexions», publié en 1993, sous les yeux. Il le cite régulièrement.

«Pardon… C’est très rude à lire»

Commençons par le début. «Mon grand-père, qui était également comte de Thaumiers, dans le département du Cher, est né à Paris en 1911. Il finit l’école militaire de Saint-Cyr en 1931 et est envoyé en Syrie entre 1935 et 1938 dans les rangs de la Légion étrangère. Après la défaite française en 1940, il entre en résistance. C’est l’un des premiers à répondre à l’appel du 18-Juin du général De Gaulle. Il se fait arrêter en octobre 1943 en gare de Perpignan après avoir été dénoncé. Il sera déporté vers Mauthausen en mars 1944, où il vivra l’horreur jusqu’à sa libération en 1945.»

Dans son poème intitulé «Parachutistes», Gaston de Bonneval raconte l’enfer. Thomas Bläsi lit: «Les trente fantômes rayés ont, dans le vide, sauté, et au fond du trou béant se sont écrasés. J’entends toujours leur cri désespéré et le bruit sourd des corps heurtant le rocher et le silence lourd qui lui a succédé. 'Parachutistes', les avaient-ils nommés, par dérision, ces gardiens sans cœur ni pitié. Et de temps en temps, par trente groupés, à titre d’exemple, cela recommençait. C’était plus économique, plus vite fait. L’assassinat était simplifié. Mais le lendemain, les corps brisés, il nous fallait les ramasser, il nous fallait les remonter. Cent quatre-vingt-six marches! Sous les coups des cravaches!»

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Le poème «Parachutistes» est bouleversant.
Photo: DR

Il s’interrompt: «Pardon… C’est très rude à lire. C’est émotionnellement compliqué pour moi. Ça me met par terre, j’ai des images de lui qui me viennent, je le vois porter ces morts. Ce qui est symbolique de Mauthausen, c’est vraiment cet escalier.»

Né trop tard pour rencontrer le général

Quand le camp est libéré par les Alliés en mai 1945, Gaston de Bonneval est rapatrié à Paris. «Il pesait 33 kilos pour son mètre 82. En octobre 1945, il devient l’aide de camp du général De Gaulle, son ami, son confident, son 'grognard'. Jusqu’en 1964, il va l’accompagner partout, tout vivre avec lui. Lorsqu’il dit sa célèbre phrase — 'Je vous ai compris!' — à Alger en 1958, il se tient debout à sa droite. Le seul regret de mon grand-père était de ne pas avoir pris une balle pour Charles de Gaulle — alors président de la République — lors de l’attentat du Petit-Clamard en 1962, qui visait à l’assassiner.»

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Thomas Bläsi est né trop tard pour rencontrer le général — mort en 1970 — mais a bien connu son grand-père. «Gaston est mort en 1998, je suis né en 1971. Je l’ai beaucoup côtoyé. Il nous a emmenés à Colombey-les-Deux-Églises (ndlr: où Charles de Gaulle avait sa résidence secondaire). Je me souviens quand il se retirait pour se consacrer à l’écriture. Et sinon, j’ai des souvenirs de petit-fils, comme lorsqu’il a grillé un feu rouge à cause d’une guêpe et qu’il a demandé au gendarme qui l’avait arrêté de lui communiquer son matricule! Il était humble, assez réservé, mais très ouvert pour l’époque.»

«Désolé pour le cadrage maternel…»

Il existe bien quelques photos du politicien et de son aïeul, Grand Officier de la Légion d’honneur, décoré de la Médaille de la Résistance et de celle des Déportés. Elles sont chez sa mère. Thomas Bläsi les enverra après l’interview, avec une note d’excuse: «Désolé pour le cadrage maternel… »

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Nancy, la mère de Thomas Bläsi, a retrouvé plusieurs photos de son fils et de son père, Gaston de Bonneval, au centre, portant la cravate, sur ce cliché. Le député UDC figure en bas de l'image à gauche, en t-shirt rayé.
Photo: DR

Revenons à nos moutons et à notre échange pour le moins sérieux, grave. Pour qui connaît le paysage politique helvétique, il est relativement surprenant de voir un élu UDC à l’origine d’un texte antiraciste. «Vous savez, on peut être plus ou moins contre l’immigration, mais il est absolument nécessaire — à mes yeux — que les personnes présentes sur le territoire suisse soient protégées contre toute forme de discrimination!»

Deuxième tentative en Suisse romande

Le projet de loi constitutionnelle, initié par Thomas Bläsi et désormais porté par 18 députées et députés de gauche comme de droite, veut interdire «l’exhibition ou le port de symboles, d’emblèmes et de tout autre objet nazis». «Comme le relève la Coordination intercommunautaire contre l’antisémitisme et la diffamation (CICAD), ces dernières années, avec la pandémie et les mesures sanitaires, une augmentation de l’utilisation des emblèmes nazis a été observée sur tout le territoire suisse», déplorent les signataires dans leur argumentaire.

Il n'existe toutefois pas de statistique précise quant à la résurgence de symboles ou de gestes nazis dans l'espace public. Thomas Bläsi dénonce en outre la facilité avec laquelle on peut se procurer «un col d'officier nazi ou autres insignes dont on a juste nettoyé les taches de sang, sur internet ou au marché de Plainpalais».

Le texte prévoit des exceptions. «Les auteurs du projet de loi ont notamment songé aux besoins des productions cinématographiques, culturelles ou aux expositions comportant une évocation historique ou pédagogique.»

Une première en terres vaudoises

Une motion similaire a été déposée au Grand Conseil vaudois en août 2022 par le Vert Yannick Maury. La commission ad hoc chargée de l'étudier n'a pas encore rendu son rapport, nous confirme l'écologiste, joint ce 13 janvier.

Au niveau fédéral, pressé par plusieurs interventions au Parlement, l'Office fédéral de la justice (OFJ) a rendu un rapport sur la question en décembre. L'OFJ estime qu'une interdiction est possible, mais compliquée et ne voit pas la nécessité d'agir, comme le rapportait l'ATS. Dans la plupart des cas, l’utilisation publique de symboles nazis, racistes, extrémistes ou faisant l’apologie de la violence est déjà punissable aujourd’hui, souligne encore l'organe étatique.

Une prise de position qui ne convainc pas Thomas Bläsi. «Les dispositions actuelles sont insuffisantes. Par exemple, les personnes taguant des croix gammées dans des lieux publics ne sont inquiétées par la justice que pour dégradation et non pas pour incitation à la haine. Et je note que l'OFJ dit que les cantons peuvent prendre les choses en main.»

Le projet de loi constitutionnelle, initié par Thomas Bläsi et désormais porté par 18 députées et députés de gauche comme de droite, veut interdire «l’exhibition ou le port de symboles, d’emblèmes et de tout autre objet nazis». «Comme le relève la Coordination intercommunautaire contre l’antisémitisme et la diffamation (CICAD), ces dernières années, avec la pandémie et les mesures sanitaires, une augmentation de l’utilisation des emblèmes nazis a été observée sur tout le territoire suisse», déplorent les signataires dans leur argumentaire.

Il n'existe toutefois pas de statistique précise quant à la résurgence de symboles ou de gestes nazis dans l'espace public. Thomas Bläsi dénonce en outre la facilité avec laquelle on peut se procurer «un col d'officier nazi ou autres insignes dont on a juste nettoyé les taches de sang, sur internet ou au marché de Plainpalais».

Le texte prévoit des exceptions. «Les auteurs du projet de loi ont notamment songé aux besoins des productions cinématographiques, culturelles ou aux expositions comportant une évocation historique ou pédagogique.»

Une première en terres vaudoises

Une motion similaire a été déposée au Grand Conseil vaudois en août 2022 par le Vert Yannick Maury. La commission ad hoc chargée de l'étudier n'a pas encore rendu son rapport, nous confirme l'écologiste, joint ce 13 janvier.

Au niveau fédéral, pressé par plusieurs interventions au Parlement, l'Office fédéral de la justice (OFJ) a rendu un rapport sur la question en décembre. L'OFJ estime qu'une interdiction est possible, mais compliquée et ne voit pas la nécessité d'agir, comme le rapportait l'ATS. Dans la plupart des cas, l’utilisation publique de symboles nazis, racistes, extrémistes ou faisant l’apologie de la violence est déjà punissable aujourd’hui, souligne encore l'organe étatique.

Une prise de position qui ne convainc pas Thomas Bläsi. «Les dispositions actuelles sont insuffisantes. Par exemple, les personnes taguant des croix gammées dans des lieux publics ne sont inquiétées par la justice que pour dégradation et non pas pour incitation à la haine. Et je note que l'OFJ dit que les cantons peuvent prendre les choses en main.»

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