Des Suisses surendettés témoignent
«250'000 francs de dettes ont engendré des frais de deux millions de francs»

D'entrepreneur à SDF en passant par l'alcoolisme, telle est l'histoire de Tito Ries. Il fait partie des plus de 5000 Suisses surendettés. Lui et Lilian Senn, également devenue sans-abri à cause de loyers impayés, racontent leur calvaire.
Publié: 08.07.2023 à 06:08 heures
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Dernière mise à jour: 08.07.2023 à 08:48 heures
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Tito Ries et Lilian Senn sont tous deux surendettés.
Photo: LLH PRODUCTIONS
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Milena Kälin

En 2022, plus de 5000 personnes en Suisse ont demandé conseil à un service spécialisé en matière de surendettement. Elles ne peuvent tout simplement pas rembourser leur montagne de dettes dans un avenir proche. Ce chiffre est resté constant au fil des ans, explique Pascal Pfister de l'association faîtière Dettes Conseils Suisse. Mais derrière les chiffres et les montants à payer se cache un destin personnel.

Ce jeudi 6 juillet, l'association a présenté les statistiques des dettes pour 2022 lors d'une conférence de presse. La valeur moyenne des dettes pour les payeurs en difficulté s'élève à 67'138 francs. Une grande partie revient à la charge de l'État et, en fin de compte, au contribuable. «Les personnes surendettées n'ont souvent aucune chance de s'en sortir», explique Pascal Pfister. Deux personnes concernées racontent à Blick leur calvaire.

La faillite privée en dernier recours

Lilian Senn est issue d'un milieu pauvre et a épousé un homme qui était déjà endetté. Ils ont eu des enfants et se sont acheté une maison. Un jour, elle s'est sentie dépassée et a fait un burnout. S'est ensuivi un divorce douloureux. «J'ai tout perdu, vraiment tout», assure l'actuelle retraitée.

Avec ses dernières forces, elle a tenté de fonder une ONG, sans succès. «Je me suis retrouvée avec 120'000 francs de dettes, qui ont ensuite doublé», raconte Lilian Senn. Une situation sans espoir. Elle a tout de même réussi à obtenir des créances qu'ils annulent une partie de sa dette. Pendant plus de dix ans, elle a vécu avec le minimum vital.

En 2012, elle avait réduit ses dettes, mais elle n'était pas au bout de ses peines. Elle a quitté son emploi et, dans l'incapacité de payer son loyer, elle s'est retrouvée à la rue pendant quatre ans. La plupart de ses dettes étaient issues des impôts et des frais de caisses maladie. «L'État permet aux caisses maladie de se faire de l'argent sur le dos des personnes concernées», tonne la retraitée.

Depuis, Lilian Senn est en paix avec les créanciers et ses 100'000 francs de dettes restantes, car elle a déposé une faillite privée. Mais ces dernières se font plus rares: «Leur accès est devenu de plus en plus difficile», abonde Pascal Pfister.

D'entrepreneur à sans-abri

Pour Tito Ries, une faillite privée n'est pas possible. Il vit avec le minimum vital et doit faire face à une dette d'environ 400'000 francs.

Tout a commencé en 1996. Il avait alors créé sa deuxième entreprise, après avoir vendu sa première avec succès. «J'étais un entrepreneur prospère, jusqu'à ce que huit de mes clients ne puissent plus payer», explique-t-il. Il s'est alors retrouvé avec 250'000 francs de dettes à l'époque.

Au cours des cinq années suivantes, il a essayé de les rembourser, mais sans succès. Il s'est séparé de sa femme et a sombré dans l'alcool. Tito Ries avait alors près de 40 ans. Aujourd'hui encore, il se débrouille avec des petits boulots et vit avec le minimum vital.

«Je suis entré dans une spirale négative à cause de l'alcool. En 2011, je suis devenu SDF pendant deux ans», raconte Tito Ries. Ses dettes se sont élevées à plus de 600'000 francs, même si la première tranche a été entre-temps prescrite. Actuellement, il vit avec son amie.

«Les 250'000 francs de dettes ont engendré des frais consécutifs de deux millions de francs», précise-t-il. En font partie les coûts sociaux, par exemple pour le conseil en matière d'endettement. Et c'est l'État, ou plutôt le contribuable, qui assume ces coûts indirects. «Avec une exonération de la dette résiduelle, cela n'aurait pas été nécessaire», assure Tito Ries.

Une solution pour le contribuable

Mais en Suisse, exonération de la dette résiduelle ou réduction de la dette est un vocabulaire inconnu au bataillon. Si les créanciers ne renoncent pas à l'argent, les dettes subsistent toute la vie et peuvent même être héritées.

L'association faîtière Dettes Conseils Suisse demande donc une nouvelle procédure d'assainissement avec une libération des dettes résiduelles. «Aux Etats-Unis et dans le reste de l'Europe, il existe la possibilité d'un nouveau départ», explique Pascal Pfister. Le service de conseil en matière d'endettement estime qu'il faut agir. Car il n'existe pas de solution pour des cas comme celui de Tito Ries. L'homme doit tout simplement vivre avec ses dettes désormais.

Même Lilian Senn n'est pas à l'abri de nouveaux problèmes à la suite de sa faillite privée. Une chose est sûre: le surendettement peut toucher tout le monde. C'est pourquoi il est dans l'intérêt de toutes et tous de trouver une solution, car ce sont les contribuables qui, en fin de compte, en supportent les coûts.

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