Andreas Gerber nous a donné rendez-vous dans l'Uetlihof, un immense complexe de bureaux du Crédit Suisse à Zurich. Mais il n'y a pas foule dans l'imposant bastion: la plupart des employés sont en pause déjeuner ou en télétravail. L'atmosphère était probablement similaire en cette nuit de mars 2020, lorsque Gerber et ses collaborateurs concevaient le programme du de crédits Covid-19. L'ordre est venu de très haut. Objectif: sauver les PME suisses. Depuis le 31 juillet 2020, le programme est néanmoins fermé et aucun nouveau prêt ne peut être obtenu.
Blick : Quel est le plus grand mérite du programme de crédit Covid-19?
Andreas Gerber: Assurer les liquidités. Si une entreprise manque d'argent, elle peut en manquer très rapidement. Une crise de liquidités est la pire des choses pour l'économie. Grâce aux prêts, les entreprises ont gagné du temps. Les PME ont reçu une aide très rapidement et de manière non bureaucratique.
Les entreprises étaient-elles reconnaissantes?
Il y a eu beaucoup de réactions positives. C'est le cas de toutes les banques, mais le Crédit Suisse en particulier en a beaucoup profité en termes de réputation. Après tout, c'est notre PDG Thomas Gottstein qui a eu l'idée de ce programme.
Cette image positive est à nouveau mise à mal par les scandales financiers actuels. Ça fait mal?
Je regrette beaucoup que cet élan positif pour notre réputation ait été à nouveau gâché. C'est dommage. Néanmoins, nous n'avons pas perdu de clients professionnels à cause de cela, et nous en avons même gagné de nouveaux.
Quelle a été votre première réaction après l'appel du patron de Crédit Suisse?
J'étais très motivé et j'ai rapidement réuni mon équipe. Plus nous discutions, plus nous réalisions la complexité de la question. Mais il est rapidement apparu qu'il n'y avait pas d'alternative à un programme de crédits.
Que s'est-il passé ensuite?
Nous avons élaboré des solutions et les avons présentées au PDG le lendemain matin. L'appel ne nous a pas pris totalement au dépourvu. Nous avions déjà discuté des éventuelles conséquences d'un confinement sur l'économie. Nos propositions ont reçu un accueil positif, Thomas Gottstein les a présentées au ministre des finances Ueli Maurer et a obtenu l'adhésion des banques partenaires.
Quel a été le plus grand défi?
On peut dire qu'il y en a eu deux. Le premier consistait à transformer l'idée du PDG en un plan concret qui pourrait réellement fonctionner. La seconde était la rapidité du ministre des finances: Maurer a promis aux médias que tous ceux qui le souhaitaient auraient leur prêt sur leur compte au bout d'une demi-heure. Cela a changé la donne.
Comment cela a-t-il changé la donne?
Il était clair qu'il n'y aurait pas de processus détaillé de clarification et d'examen. Si le ministre des finances le promet, nous devons nous y tenir.
La Confédération a garanti jusqu'à 40 milliards de francs pour le programme de prêts, pourquoi seuls 17 milliards ont-ils été prélevés?
Au printemps 2020, tout est allé très vite. Le besoin était difficile à estimer. La première annonce concernait 20 milliards de francs. Lorsque la limite de 10 milliards a été dépassée en très peu de temps, le gouvernement fédéral a élargi le programme. Mais après 15 milliards, l'élan a diminué et de moins en moins de prêts ont été contractés.
Quelle en était la raison?
De nombreuses entreprises ont réalisé que les affaires n'étaient pas aussi mauvaises qu'elles l'avaient craint au départ. Les entreprises orientées vers l'exportation, en particulier, se sont rapidement redressées. Alors que nous étions encore en confinement, une forte reprise avait déjà commencé en Chine.
Comment se déroule le remboursement?
Les banques se sont engagées auprès du gouvernement fédéral à prendre en charge le remboursement des prêts Covid. Après tout, ces fonds sont garantis par les actifs du peuple. L'interdiction de verser des dividendes tant que le prêt Covid est en cours est un moyen efficace pour de nombreuses entreprises de rembourser le prêt le plus rapidement possible.
Mais, en Suisse, l'on peut prendre jusqu'à dix ans pour rembourser un tel prêt. A votre avis, de nombreuses entreprises profiteront-elles de ce grand délai?
Je ne pense pas. Notre expérience montre que le monde des affaires n'aime pas avoir une présence fédérale dans ses livres de comptes. C'est typiquement suisse. La fierté de ne pas dépendre de l'aide gouvernementale est très présente dans certaines entreprises.
Il y a également eu des tentatives de fraude. Cela vous a-t-il déçu?
Il y a eu des tentatives isolées de fraude. Bien sûr, c'est désagréable lorsqu'un tel programme d'aide est détourné à mauvais escient. Mais le nombre de ces cas est tout à fait anecdotique.